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Porto, « mais que um clube »
Depuis quelques années, quand on évoque le FC Porto, c'est souvent pour parler des formidables plus-values réalisées par son président sur le marché des transferts. Pourtant, le club de Pinto da Costa, c'est bien plus que ça. De la formation à la tactique et sa façon de jouer, Porto a un style bien singulier.
Le 3 octobre dernier le PSG concédait sa première défaite de la saison face au FC Porto (1-0) et découvrait son bourreau, le jeune James Rodríguez. Prévisible, tant il est compliqué de se déplacer à l’Estádio do Dragão. En revanche, personne ne s’attendait à voir les hommes d’Ancelotti, alors en pleine forme, prendre une déculottée dans le jeu. Jeu court, jeu long, jeu en remises, décalages, débordements, etc. Paris en a pris pour son grade et aurait pu repartir avec une grosse valise si Salvatore Sirigu n’avait pas sorti le grand jeu. Simple accident ? Pas vraiment. Porto a joué comme d’habitude, avec les mêmes joueurs, la même formation – l’éternel 4-3-3 – et en suivant une philosophie qui est sienne depuis bientôt 20 ans. Au même titre que le Barça, le club portugais est une institution forte, et cela se ressent sur le terrain.
Oliveira et Santos en précurseurs
Il y a deux idées reçues – toutes deux fausses – sur le FC Porto. La première admet que le club ne fait que recruter des perles à bas coût pour les revendre au prix fort au détriment de la formation. L’autre veut que Mourinho ait instauré le 4-3-3 chez les Dragões. Laissons le premier point de côté. Le Special One, aussi grand soit-il, n’a en aucun cas construit le socle sur lequel repose l’identité de jeu de la maison bleue et blanche. Au contraire, il fait partie, avec des entraîneurs comme Co Adriaanse ou Octavio Machado, de ceux qui ont sacrifié le 4-3-3 au profit du 4-4-2. Résultat : à part le Mou, tous se sont plus ou moins cassé la gueule. En fait, depuis le milieu des années 90, Porto ne gagne quasiment qu’en 4-3-3, dispositif employé par Antonio Oliveira à son arrivée en 1996. Son successeur, Fernando Santos, ne l’a pas touché, et a même milité pour qu’il soit enseigné aux plus jeunes pousses du centre de formation. Mais qu’est-ce que ce 4-3-3 made in Porto ? Une tactique qui ressemble à celle du Barça à bien des égards, si l’on exclut la qualité intrinsèque des deux équipes. Antonio Oliveira aimait le beau jeu, mais surtout jouer haut, ce qui inclut un gros pressing des joueurs à vocation offensive ainsi que des arrières latéraux capables de soutenir offensivement leurs ailiers pendant 90 minutes. En 16 ans, peu de choses ont changé, si ce n’est le rôle de certains joueurs, comme les ailiers. Là où Drulović et Capucho étaient avant tout des pourvoyeurs de ballons pour Mario Jardel, Hulk, Varela et James savent se montrer polyvalents et inscrire beaucoup de buts sur une saison.
Défense d’entrer
Le 4-3-3 de Porto est donc une religion, mais il ne rejette pas les changements auxquels est exposé son environnement. L’exemple des numéros 7 n’est pas isolé, loin de là, c’est simplement le plus marquant. Mais à y regarder de plus près, les attentes des recruteurs envers les défenseurs centraux ont significativement évolué ces dernières années. À l’aube du XXIe siècle les bourrins comme Jorge Costa étaient rapidement élevés au rang de titulaires, puisque la seule chose qu’on leur demandait, c’était de ne pas laisser passer le ballon. Aujourd’hui, un défenseur remarquablement bon au sol et dans les airs n’a aucune chance de figurer dans les plans de Vítor Pereira si son jeu au pied est dégueulasse et s’il commet trop de fautes. Mais cela ne veut pas dire qu’un Jorge Costa aurait été jeté aux oubliettes s’il avait 20 piges en 2012 et qu’il débarquait chez les Dragons, non.
Car Porto en a vu d’autres. Les cas de Pepe, Bruno Alves ou encore Maicon démontrent parfaitement à quel point l’idéologie du club transcende le joueur lui-même. Le premier est arrivé sur le littoral portugais sans la moindre notion tactique, il l’a quitté avec une intelligence de jeu rare. Le deuxième avait un jeu beaucoup trop musclé, c’est aujourd’hui l’un des défenseurs les plus propres au monde. Enfin, Maicon, catastrophe ambulante balle au pied il y a deux ans, a très largement perfectionné ses relances depuis. Le FC Porto façonne les joueurs à son image… Et si le club fait de moins en moins confiance aux joueurs de la région, il n’en demeure pas moins un club formateur. Christian Atsu a beau être arrivé tout droit du Ghana à 17 piges avec ses acquis, le lavage de cerveau effectué par les entraîneurs des jeunes du FCP est tel qu’on pourrait croire que le jeune joueur est né et a toujours vécu dans la deuxième ville portugaise. Au final, le Porto de 1996 à 2012, c’est un peu comme 1984 de Georges Orwell : un monde dans lequel il est impossible de survivre sans assimiler les règles imposées. Avec Pinto da Costa dans le rôle de Big Brother, évidemment.
Propos recueillis par William Pereira