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Poor Leno
Manchester United n'a besoin que d'une victoire contre Leverkusen pour se qualifier. Mais pour cela, il faudra que les Rooney, Chicharito, Welbeck et autres Kagawa fassent trembler les filets de Bernd Leno, le portier de la Werkself. Pas une mince affaire, tant le bonhomme a du talent, même si Löw ne lui a toujours pas ouvert les portes de la Nationalmannschaft.
Une carrière tient bien souvent à peu de choses. Encore plus celle de gardien de but, ce poste à part de mecs qui pratiquent pas tout à fait le même sport que les autres. Un poste où le turn-over est quasi-nul, et où il faut espérer une blessure de ses concurrents pour pouvoir enlever son bas de survêtement. Un état de fait qui débouche parfois sur de belles histoires, comme celle de Bernd Leno. Lors de la saison 2009-2010, Bernd, alors âgé de 17 ans, est promu des U19 à Stuttgart II, avec qui il dispute 17 matchs de 3. Liga. Pendant ce temps, en équipe première, Jens Lehman entame son chant du cygne (avant un ultime match avec Arsenal l’année suivante). Alors quand le vétéran décide de raccrocher les gants, Bernd, habitué des sélections de jeunes, se dit que son heure est arrivée. Même s’il doit faire avec la concurrence de Sven Ulreich, de quatre ans son ainé et lui aussi pur produit de la formation souabe. Mais c’est ce dernier qui va prendre la relève, au grand désespoir de son cadet : « Initialement, on m’avait promis une concurrence équitable avec Sven Ulreich pour la place de titulaire. Cette promesse n’a pas été tenue. Je me suis senti trompé » .
Le Joe Hart allemand
Bernd rempile alors pour une autre saison en 3. Liga, puis une autre, quand le destin vient à sa rescousse. En août 2011, Leverkusen se fait prêter le joueur en urgence pour remédier à sa pénurie de gardiens. René Adler, le numéro 1, récupérait d’une opération au genou. David Yelldell, sa doublure acquise pendant l’été, en avait pris quatre au premier tour de la Coupe d’Allemagne contre le Dynamo Dresde, une équipe de deuxième division. Ce qui avait poussé Fabian Giefer, le troisième choix, sur le terrain pour l’ouverture de la Bundesliga, seulement pour qu’il s’éclate la tête contre Eric-Maxim Choupo-Moting et récolte un trauma crânien. « Nous sommes heureux d’avoir trouvé un joueur de la qualité de Bernd Leno en si peu de temps » s’exclame alors Rudi Völler, en sa qualité de Directeur sportif du Bayer. Et l’histoire se transforme en conte de fées. Leno enchaine les bonnes performances, garde sa place de titulaire malgré le retour d’Adler, dispute en tout 33 matchs de championnat et finit par être élu meilleur gardien de Buli par Kicker.
Il s’est depuis imposé comme une valeur sûre en Bundesliga, obligeant même Adler à l’exil vers Hambourg. Si Leverkusen est la deuxième meilleure défense (à égalité avec Dortmund et derrière le Bayern) cette saison, c’est en grande partie grâce à lui et ses réflexes ahurissants. Comme lors du nul arraché contre les Bavarois, où il a été énorme, sortant notamment une tête de Schweinsteiger dans les arrêts de jeu. Après, on pourrait arguer que 14 buts encaissés en 13 rencontres, c’est tout de même beaucoup, mais c’est l’Allemagne hein. On n’est pas là pour défendre, faut pas déconner. Non, le vrai problème de Bernd, c’est sa tendance à passer complètement à travers. Comme lors de ce match avec les Espoirs Allemands contre les petits Oranjes (ou les Mandarines), où son placement est plus qu’aléatoire sur les deux buts. Ou quand ils encaissent quatre pions en cinq tirs mancuniens lors de la défaite 4-2 de l’aller. Ou quand il en prend 7 contre Barcelone, dont 5 pour le seul Messi. Ou qu’il permet à Valence d’ouvrir le score après 10 petites secondes de jeu en dégageant sur Jonas plein axe et à ras de terre. Alors la question est de savoir si Leno est un vulgaire gardien de hand qui va finir comme Joe Hart ou s’il va parvenir à gommer ses erreurs pour devenir un grand gardien.
Abondance de bien
Parce que, mine de rien, il y a une tripotée de mecs talentueux dans les bois en Allemagne. Outre l’évidence Manuel Neuer, on retrouve des valeurs sûres comme Adler ou Weidenfeller, qui a disputé son premier match avec la Mannschaft il y a deux semaines à Wembley. Sven Ulreich aussi, ultra-solide à Stuttgart cette saison après un dernier exercice un peu compliqué. Mais aussi Ron-Robert Zieler, ancien Red Devil et portier d’Hanovre depuis 2010, Marc-André ter Stegen, dont les performances à Gladbach ne laissent pas insensible le Barça, Kevin Trapp, couronné par Kicker meilleur Torwart après sa superbe saison avec Francfort. Sans oublier Oliver Baumann de Fribourg, qui aurait pu être convoqué par Löw s’il n’avait pas fait trois boulettes en 37 minutes contre Hambourg. Cette liste longue comme le bras permet de mieux comprendre pourquoi le pauvre Leno ne compte toujours aucune sélection en équipe nationale. Pourtant si Rio est encore loin, il n’en a jamais été aussi proche : Zieler a été dramatique lors de ses deux sélections contre l’Ukraine (3 buts en 17 minutes) et l’Argentine (expulsé) et Weidenfeller est sans doute trop vieux pour espérer quoi que ce soit. Si ter Stegen tient la corde pour être du voyage derrière Neuer, Leno a tout à fait sa carte à jouer pour la dernière place. « Il est clair qu’il y a des raisons d’espérer de voir Leno évoluer avec les grands » a ainsi déclaré Völler après la grosse performance de son joueur contre Donetsk. Il ne reste plus à Leno qu’à offrir un show ce soir contre Manchester United pour se rapprocher du Mondial.
Et si jamais vous n’aviez pas compris le titre…
Par Charles Alf Lafon