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Pochettino à Chelsea, bâtisseur de l’extrême

Par Matthieu Darbas
6 minutes

Encore incapable de battre Nottingham ce week-end (2-2), le Chelsea de Frank Lampard traverse actuellement sa pire saison depuis vingt ans. Et pour remettre les champions d’Europe 2021 sur de bons rails, Todd Boehly aurait décidé de miser sur Mauricio Pochettino. Certainement la meilleure chose qui pouvait arriver au club londonien.

Pochettino à Chelsea, bâtisseur de l’extrême

C’est l’histoire d’un club qui a décidé depuis cinq mois de rénover la façade à outrance, sans s’attaquer aux fondations. Et ça n’aura échappé à personne : depuis le début de la saison – et particulièrement dès janvier et les achats compulsifs du milliardaire Todd Boehly – à Chelsea, les apparences sont plus que trompeuses. Alors qui de mieux qu’un bâtisseur, capable d’amener un socle assez robuste pour construire dessus et repartir de plus belle ? Terminé les pots de peinture, les pinceaux pour embellir l’extérieur, la ponceuse pour arrondir les bords et l’enduit pour protéger la paroi. Dans sa caisse à outils, Mauricio Pochettino revient à Londres avec des solutions plus convaincantes que les derniers entraîneurs des Blues : le goût de l’effort, l’humilité, et l’expérience de la Premier League.

Le calme après la tempête

En bleu de travail et le casque de chantier sur la tête, le tacticien argentin de 51 ans semble cocher toutes les cases qui ont fait défaut à Chelsea lors de ce triste exercice 2022-2023. À commencer par la sérénité. Depuis septembre dernier et l’éviction de Thomas Tuchel après une déconvenue face au Dinamo Zagreb lors de l’entrée en lice de Chelsea en Ligue des champions (1-0), tous les membres du club ont été envahis par l’urgence, le terrible sentiment de devoir « sauver » une saison alors qu’elle venait de débuter. Une tendance qui s’est ensuite confirmée en avril dernier a le départ de Graham Potter, seulement sept petits mois après son arrivée. Désireux de vite percevoir un retour conséquent sur son investissement astronomique, le propriétaire américain n’avait pas d’autre choix que de trouver une solution pour ne pas voir, non pas sa saison, mais son projet sombrer.

En cruel manque de résultats sportifs sous l’intérim de Frank Lampard, Chelsea continue de couler et pourrait ne pas être dans la première partie de tableau de l’élite anglaise au terme de la saison, pour la première fois depuis 1995. Un triste bilan qui devrait obliger le milliardaire à sortir encore des sous de sa poche pour pallier les énormes indemnités annuelles dues aux nombreux achats, les contrats de longue durée et la perte de sponsoring. Épuisés mentalement par toutes ces tensions, les joueurs retrouveront un climat sain dès le premier juillet prochain et la signature de Mauricio Pochettino pour trois saisons. Avec 256 matchs au compteur sur un banc d’un club de Premier League – de quoi mettre de côté le fameux temps d’adaptation –, mais aussi 21 apparitions en Ligue des champions, dont une finale, l’ancien entraîneur du Paris Saint-Germain est surtout réputé pour s’installer dans la durée, en témoigne son aventure de six exercices à Tottenham. Après avoir limogé deux entraîneurs la même saison, Boehly s’est sans aucun doute fait à l’idée que la patience et le fait de tout reprendre à zéro sont les bons ingrédients pour mener à bien son projet.

Todd Boehly et sa cup of coffee
Todd Boehly et sa cup of coffee

Trier pour mieux régner

Alors oui pour l’idée de redistribuer les cartes et de reprendre en main un groupe dès le mois de juillet pour se relancer, mais pour la patience, Pochettino repassera. Si sur le papier, l’Argentin a tout d’un manager flegmatique et consensuel, il met toutefois ces deux qualités de côté au moment de prendre en main le navire. Les premières semaines à la tête d’un club sont très importantes, et Pochettino en a bien conscience. En arrivant à Tottenham à l’été 2014, très vite, il a obtenu ce qu’il voulait : un groupe de joueurs affamés, comprenant et appliquant ses idées de jeu. Comment ? En instaurant les règles d’entrée. « Tout le monde doit vite comprendre que nous sommes une famille et nous avons toujours besoin les uns et des autres, de chacun de nos coéquipiers. Notre défi est de créer quelque chose de spécial entre 25 joueurs pour qu’ils puissent se connaître et améliorer notre entente et le montrer sur le terrain », avait-il lancé lors de sa présentation dans les coulisses de White Hart Lane il y a un peu moins de dix ans, je souhaite changer les habitudes et les mentalités ». Par des gestes évidents comme le « bonjour » en début et l’« au revoir » en fin de journée, ou encore le fait de consolider la cohésion d’équipe en passant plus de temps ensemble en dehors des terrains, Pochettino avait rapidement convaincu tout le monde.

Mauricio Pochettino au centre, son assistant Jesus Perez à droite, et Miguel D’Agostino à gauche, sur le banc de White Hart Lane.
Mauricio Pochettino au centre, son assistant Jesus Perez à droite, et Miguel D’Agostino à gauche, sur le banc de White Hart Lane.

À l’heure actuelle, Chelsea compte donc sept membres de trop. Et comme il l’avait fait chez les Spurs à l’époque, Pochettino ne tardera pas à réduire l’effectif pour rassembler et axer sa méthode sur la qualité, plutôt que la quantité. Après un mois dans l’écurie blanche londonienne, il était simple de voir qui adhérait ou non à son travail. Alors capitaine de l’époque, Younes Kaboul avait été rapidement écarté du onze après l’arrivée de Poch’. Sans aucune peine, il avait aussi envoyé les cadors Emmanuel Adebayor ou encore Aaron Lennon sur le banc dans la foulée. Avant même de réfléchir à son 4-2-3-1 ou son 4-3-3 – ses deux schémas préférentiels –, Pochettino aura la lourde de tâche de faire le tri. Pendant longtemps décisionnaire et garant de la construction de son équipe, l’Argentin n’avait sans doute pas autant de pouvoir du côté de la porte d’Auteuil, sûrement contraint de présenter un onze étroitement lié à la valeur marchande de chaque joueur. Dans la mesure où ils ont tous été achetés à prix d’or et que personne n’a véritablement fait l’unanimité, aucun des 23 arrivants depuis mai dernier et le passage de Chelsea sous pavillon américain n’aura un traitement de faveur. Garant de l’humilité dans un groupe comme il a pu le faire à Tottenham, Pochettino prendra soin de mettre tout le monde sur un pied d’égalité et de récompenser les plus travailleurs, mais aussi et surtout, punir ceux qui le seraient moins.

S’il était parvenu à créer un véritable engagement commun chez les Spurs, Poch’ a eu plus de difficulté à le faire au PSG. Et en même temps, comment créer un groupe unifié quand certains membres sont payés trois fois plus que d’autres, ou quand les égos empêchent la bonne intégration de tous. Sans aucun doute, cette expérience de deux ans sera très enrichissante pour la suite de sa carrière et sa prise de fonction à Chelsea. Pour créer une belle ossature et réparer les têtes avant de s’attaquer aux séances tactiques, Pochettino pourra compter sur sa garde rapprochée. Le tacticien arrive à Stamford Bridge avec ses hommes forts, comme sa tête pensante, Jesus Pérez, adjoint depuis toujours. Au revoir Ashley Cole, Frank Lampard, James Russel (entraîneur des gardiens depuis 2019, NDLR) ou encore Matt Birnie (préparateur physique depuis 2018, NDLR), Pochettino repart avec un staff tout neuf et un seul objectif en tête : vite évoluer avec un fil directeur bien assimilé et compris par tous ceux qui l’entourent. Entre un plan tactique bien établi et une vision de jeu qui avait déjà fait ses preuves, Graham Potter avait tout pour réussir. Il a manqué la force de conviction et la pédagogie pour emmener tout le monde avec lui. Les deux derniers gadgets de Pochettino dans sa caisse à outils.

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