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«Plus personne ne rêve de jouer à Boca ou à River»

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«Plus personne ne rêve de jouer à Boca ou à River»

Stratège d'Huracan, vice-champion d'Argentine, Angel Cappa est sans doute le meilleur entraineur du championnat d'argentin. Attaché à «rendre le football merveilleux», le méconnu moustachu aborde sans broncher les difficultés rencontrées par le football argentin et la possibilité d'une grève de footballeurs.

Pourquoi le foot argentin est-il en crise ?

L’Argentine est en crise depuis bientôt trente ans. La pauvreté et la misère touchent mes compatriotes, et ces maux-là, on les retrouve également dans le football. Il ne faut pas oublier que l’Argentine était gérée par le FMI et la Banque Mondiale. Nous sommes un grand pays mais économiquement, nous faisons partie du tiers-monde. Nous sommes politiquement et économiquement en dehors des axes importants. La seule chose qui nous reste, c’est le football, mais là encore, c’est très difficile.

Peut-on parler de problèmes structurels ?

C’est simple, nous sommes devenus un championnat d’exportation. Nous fournissons la planète entière. Nous sommes victimes de notre succès et aujourd’hui, il n’y a plus de stars dans les grands clubs. Nous tarissons une source qu’il très difficile de renouveler chaque année. Le championnat est devenu un championnat de transit, surtout depuis que la crise mondiale a éclaté. Les grands clubs européens prennent des enfants, des jeunes qui n’ont jamais joué avec leur club formateur et ça, c’est catastrophique. Les jeunes promesses veulent devenir footballeur pour partir d’ici. Plus personne ne rêve de jouer à Boca et River mais en Europe, même dans un club très moyen. C’est ça, le grand drame de notre football.

Vous n’avez aucun moyen d’arrêter l’hémorragie ?

Comment voulez-vous lutter ? Les représentants font signer des joueurs de 12 ans, et leur promettent beaucoup d’argent. Ces gens-là sont plus riches que les clubs et, quelque part, ils nous ruinent. Les joueurs leur appartiennent, du coup les clubs ne font même plus recette avec la vente des joueurs. Il faudrait pouvoir réguler cela.

Et puis il y a aussi une mauvaise répartition des droits TV…

C’est un scandale. La télévision donne 3% de ce qu’elle gagne aux clubs. Elle se sucre sur le dos des clubs, et met des clauses abusives. Torneos y Competencia (l’entreprise qui gère les droits, ndlr) a le monopole donc elle fixe les tarifs qu’elle veut. En Espagne, la répartition est plus équitable à hauteur de 25 % et en Angleterre, c’est encore mieux avec 34 %. C’est la télévision qui dirige le football argentin, nous sommes devenus ses esclaves. C’est elle qui décide d’organiser des championnats très courts (Apertura et Clausura) propices à l’émotion et au drame. Les gens veulent des championnats dramatiques et ça dope les audiences. Du coup, tous les matchs sont importants. Tous les matchs peuvent conduire les clubs au titre ou à la descente. C’est aussi la télévision qui a exigé qu’un système de coefficient soit établi pour protéger les grands clubs. Boca et River ne descendront jamais. L’année dernière, River a fini dernier, mais, grâce à ce système, ils sont encore en première division. C’est injuste et discriminatoire.

Vous pensez vraiment qu’il va y avoir une grève des joueurs ?

Non, je n’y crois pas une seule seconde. Ce n’est pas dans l’intérêt de la télévision qu’il n’y ait pas de football. Vous savez, pour eux, nous sommes la poule aux œufs d’or, et c’est un animal qu’on ne peut pas tuer. J’imagine qu’ils vont mettre un peu plus d’argent, et se faire passer pour les grands mécènes auprès des téléspectateurs. C’est un peu comme si un criminel jouait le bon samaritain. A la télévision, la plupart des journalistes gagnent plus que les joueurs, et beaucoup beaucoup plus que moi aussi. Je suis content pour eux, mais si nous n’étions pas là pour donner du spectacle, ce serait différent…

Vous croyez vraiment que c’est à cause de la télévision que les clubs argentins sont endettés ?

Ça n’explique pas tout, effectivement. Huracan, River, San Lorenzo et bien d’autres, ont des dettes qui datent de trente ans. Et puis il y a beaucoup de corruption. Huracan est un club modeste, très modeste, il n’a pas un rond, mais ici, c’est quelque chose de normal. Le plus surprenant, ce serait qu’il y ait de l’argent dans les caisses !

Il paraît que vous ne touchez pas votre salaire depuis des mois ?

Je le touche mais avec beaucoup de retard. Dans le meilleur des cas, je suis payé tous les deux mois et les joueurs aussi. On ne se plaint pas, ça pourrait être pire, et puis on fait quelque chose de merveilleux : du football. Qui n’aimerait pas passer son temps avec un ballon dans les pieds ?

Le fait qu’un club historique comme River soit en difficulté, c’est alarmant. Vous ne pensez pas qu’à terme, ça risque de vraiment exploser ?

River, Boca ou Independiente ne mettront jamais la clé sous la porte. En Argentine, ce sont des monuments. Personne ne permettra leur disparition. Je ne me fais pas de souci pour les petits clubs, parce qu’ici, le football est une culture, et personne ne peut tuer la culture. Si c’était le cas, il y aurait une révolution en Argentine.

Dans une interview donnée à El Pais, vous affirmez que le championnat argentin s’intéresse plus au business qu’au ballon. Si c’est le cas, vous êtes mauvais en business…

Le business, ce n’est pas seulement l’argent. Le business fixe les horaires et les jours des matchs. C’est le business qui achète et revend les joueurs. C’est donc le business qui dirige le football. Le ballon est devenu quelque chose d’accessoire. Avec autant d’intérêts, il ne peut pas y avoir de continuité.

Vous êtes considéré comme un apôtre du beau jeu. Est-ce qu’un romantique peut réellement faire abstraction des difficultés économiques ?

Je fais comme si je vivais dans le meilleur des mondes. Je fais comme s’il n’y avait pas de problèmes, même si je n’oublie pas la crise qui nous touche. Je veux faire du beau football, et je travaille pour y arriver, alors quand je vois des difficultés, je m’agenouille pour éviter les balles.

Vous ne trouvez pas que le championnat est beaucoup plus équilibré depuis que les grands clubs n’ont plus autant de moyens ?

Si, mais c’est triste que les stars de River, Gallardo et Ortega, aient plus de 35 ans. En Argentine, il n’existe même plus de footballeur moyen. Il sont tous en Europe. En fait, le niveau s’est équilibré, mais vers le bas.

Quelque part, c’est plus juste…

Oui, mais moi je voudrais une autre justice. C’est comme si les grandes puissances économiques mondiales devaient se mettre au niveau des pays victimes de la famine. Vous trouveriez ça juste, vous ? Pas moi en tout cas.

C’est vrai que votre modèle, c’est Arsène Wenger ?

Ce n’est pas mon modèle, mais j’ai beaucoup d’admiration pour lui. C’est un grand monsieur du football. J’adore son travail, et ce qu’il est arrivé à faire avec Arsenal. Je suis allé en stage là-bas et j’ai pu parler à Fabregas. Il m’a expliqué comment il jouait, comment il travaillait. C’est tout simplement admirable.

Qu’est-ce que vous aimeriez copier du modèle Wenger ?

Le travail avec la jeunesse, et le fait que tous les joueurs participent au jeu pendant les 90 minutes du match. C’est facile d’être présent sur un terrain, mais jouer, se placer, demander le ballon quand il faut, et créer une dynamique pour permettre des solutions de passe ou de décalage, c’est très difficile. Pour moi, Wenger est le meilleur entraineur du monde. Arsenal pratique un football vraiment très chatoyant. J’adore !

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