- Publirédactionnel avec ECCLO
« Plus nous sommes nombreux, plus le boycott prendra de l’ampleur et aura donc un impact »
À l'approche de l'une des Coupes du monde les plus controversées de l'histoire au Qatar, la marque française de vêtements responsables ECCLO nous dévoile sa campagne de boycott. Le fondateur, Rémy Renard, explique sa démarche à travers trois actions : une collection capsule dédiée, la publication d’articles dénonciateurs et un clip vidéo engagé.
D’où vient cette idée d’une collection spécialement dédiée au Mondial et à l’idée du boycott ?La collection capsule fait partie intégrante de l’opération Boycott Qatar qu’on a commencée chez ECCLO en mars dernier. Vu qu’on est une marque de prêt-à-porter, c’était cohérent de sortir une ligne de vêtements dédiée, mais ce n’était pas l’objectif principal. Cette action est arrivée dans un second temps. D’ailleurs, on ne dégage aucun bénéfice de la vente de cette collection, puisque les quelques exemplaires produits sont vendus au coût de leur fabrication. En plus de cette collection, on collabore avec plusieurs artistes qui se sentent aussi concernés par la cause. On a fait un appel à ces personnalités pour qu’elles interpellent leurs communautés, mais pas de façon moralisatrice.
C’est à partir de là qu’est ensuite venue l’idée du clip ?L’idée du clip était surtout de faire passer un message ; pour que les boycotteurs ne se sentent pas seuls. J’ai écrit le scénario en mars-avril et je me disais : « C’est étrange, on est à six mois de la Coupe du monde et on ne parle toujours pas de boycott. » J’avais envie de faire une vidéo où l’on voyait les premiers concernés, les jeunes fans de foot, tout en apportant une petite touche d’optimisme dans le fait de tourner le dos à la compétition. Depuis la prise de parole de Cantona, il y a deux mois, et les nombreux débats dans les médias, on se rend finalement compte qu’il y a beaucoup de monde qui souhaite boycotter. Moi, je suis impatient de voir en matière de chiffres ce que ça rend.
Le fait que le personnage principal du clip termine au city à jouer au foot avec ses amis, plutôt que devant le match des Bleus, est-ce que c’est un message appelant à se réapproprier le football, d’une certaine manière ?On se demandait à un moment donné si c’était assez fort qu’ils finissent juste à faire du foot, mais pour moi, c’est ça le message principal. On trouvait ça cohérent, jouer au foot, c’est une des solutions parmi tant d’autres. Tu peux juste en profiter pour faire autre chose comme un ciné, aller au théâtre, sortir avec tes potes.
Je suis un fan de foot, même si j’ai perdu pas mal d’intérêt, par rapport à tout ce qui se passe autour. Le foot business a pris le pouvoir sur plein de choses. On en a même fait un article dédié : « Les Jalons de la corruption » . On nous demandait aussi :« Qu’est-ce que vous apportez comme autre solution durant le boycott ? » Réapproprions-nous ce jeu et faisons-nous plaisir. Moi, je ne le vois pas du tout comme un crève-cœur, je sais que je ne vais pas avoir de difficultés à boycotter.
Tu parlais de Cantona, et vous y faites référence dans le clip justement. Quelle importance ont eue les prises de parole d’anciens joueurs comme lui ou Lahm par exemple ?J’étais content que Cantona prenne position et du coup oui, j’ai voulu placer ce petit clin d’œil, mais sans trop en faire. Pour moi, c’est celui qui incarne le plus le côté rebelle de ma génération. Quand il n’a pas été sélectionné à l’Euro 1996, ça m’a presque fait chialer. Je regardais L’équipe du dimanche pour voir le résultat de Manchester et s’il avait planté un but ou fait un truc de dingue. Je kiffais son caractère, le fait qu’il soit hors système, et j’ai voulu rendre hommage à ce genre de choses qu’on ne voit plus du tout sur le terrain. Aujourd’hui, il ne faut pas faire de vague, tout est stéréotypé, et je trouve que les personnalités dans le football sont assez fades.
Selon toi, pourquoi si peu de joueurs ne se prononcent pas sur l’organisation de cette Coupe du monde ?Je m’attendais vraiment à ce qu’il y en ait quelques-uns qui prennent position, même un joueur d’une équipe modeste qui dise : « Finalement, j’ai décidé de ne pas aller au Qatar. » Peut-être que ce qui se passe dans les équipes nationales et dans les clubs nous dépasse, il y a énormément de contrôle. C’est triste. C’est malheureux. Combien ont vraiment conscience de ce qui se passe au Qatar ? Comment ça se fait que toute une équipe n’en parle pas ou fasse comme si de rien n’était ? Humainement parlant, je suis triste pour ces joueurs-là : une des conditions à leur épanouissement, c’est l’ignorance.
Pour en revenir à la marque, vous êtes très engagés sur les problématiques liées à l’environnement. On imagine que le désastre écologique annoncé au Qatar a beaucoup joué dans votre choix de lancer cette campagne ?On veut faire des fringues avec un minimum d’impact environnemental, et on veut surtout soutenir les quelques usines françaises qui ont survécu aux délocalisations. Depuis le début, ce sont nos deux combats. L’un des problèmes de l’industrie textile, c’est la surproduction et l’esclavagisme moderne.
Les problèmes liés aux conditions de travail des migrants au Qatar, toutes ces aberrations humaines, ont vraiment fait écho en nous. C’est lié à notre combat, et nous luttons contre cette dérive depuis le lancement de la marque il y a quatre ans. Notre deuxième article parle justement de ces violations du droit humain. C’est aussi un des objectifs qu’on s’est fixés, d’avoir un impact sociétal et respectueux envers les travailleurs et travailleuses. D’un point de vue écologique, le but d’ECCLO était de trouver comment produire des vêtements avec un minimum d’impact environnemental possible. Le désastre écologique, rien que pour la construction des stades au Qatar, est une aberration. Nous dénonçons cette folie des mégastructures et de tous les autres projets dans le dernier article. Je ne comprends pas qu’en 2022, on attribue une compétition à un pays qui n’a pas déjà les infrastructures.
Comment le monde de la mode peut-il prendre position de manière générale sur des questions sociétales ?Je pense que toute entité, dans la mode ou autre, a cette liberté de pouvoir prendre position sur des sujets. Pour ne parler que d’ECCLO, on s’est concertés, et on a posé la question à des gens qui nous connaissent dans le milieu de la mode et ils nous ont dit : « Oui, ça fait écho aux valeurs que vous défendez. » Est-ce qu’on a la légitimité de se positionner par rapport à la Coupe du monde au Qatar et d’inviter au boycott ? On s’estime en droit de le faire, et parmi les gens qui ont vu le clip, les retours sont très positifs. Ceux négatifs proviennent plutôt des personnes qui ne croient pas que le boycott sera efficace parce qu’il est trop tard. Pour moi, cet argument n’est pas recevable. Notre meilleure arme, en tant que citoyen, c’est le boycott. On n’aurait rien pu faire avant pour éviter que ce Mondial ait lieu, c’est bien au moment où l’événement arrive qu’il faut se mobiliser et dire qu’on n’est pas d’accord. C’est pour ça que je trouve que le boycott est très fort. Si on est nombreux à boycotter, je pense vraiment que ça aura un impact sur les prochaines attributions.
SF