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Plus jamais ça
La défaite en finale de l'Euro reste une plaie ouverte pour les Bleus, qui savent qu'elle ne cicatrisera qu'en cas de victoire dimanche. Alors Deschamps et ses joueurs répètent à longueur de temps qu'ils ont appris de leurs erreurs, et qu'ils ne les commettront pas une nouvelle fois.
Pour ses protagonistes, une finale a toujours le même dénouement : des larmes. Sauf que la moitié de ceux qui pleurent affiche un sourire juste en dessous de leurs yeux qui coulent, tandis que l’autre moitié ne peut retenir une moue dégoûtée. Larmes de joie, larmes de peine. Les deux extrêmes de la gamme d’émotions que ressentent les êtres humains normalement constitués. Le 10 juillet 2016, l’équipe de France était du mauvais côté de la frise, crucifiée par un Portugais qui porte des dreads sans avoir rien vu venir. Un souvenir « tellement douloureux » pour Deschamps qu’il ne souhaite même plus s’attarder dessus. Cependant, en jetant un œil aux déclarations des Bleus de ces derniers jours, pas besoin d’être un psychanalyste mondialement réputé pour comprendre que Deschamps et ses joueurs veulent tout faire pour transformer la déception de 2016 en atout. Un travail qui a demandé de l’introspection, voire même une remise en question pour certains, et qui semble porter ses fruits si l’on en croit la prudence affichée par les tricolores. Une façon d’aborder la dernière marche aux antipodes de celle d’il y a deux ans.
Faire péter la France
Ne pas répéter deux fois la même erreur, c’est d’abord reconnaître ses torts. Une étape que Paul Pogba a franchi. Et aujourd’hui, il n’hésite plus à parler de cette sale soirée en pointant du doigt les dysfonctionnements qui avaient eu lieu : « Je pense qu’à l’Euro, vous le savez tous, on pensait que c’était déjà fait. La mentalité, elle n’était pas pareille. Franchement, je ne vais pas mentir, quand on a gagné contre l’Allemagne, on pensait que c’était ça la finale. Contre le Portugal, on s’est dit que c’était gagné d’avance, et c’était ça notre erreur. » La leçon de vie a été apprise. De force, certes, mais les enseignements sont désormais intégrés.
Les joueurs qui étaient sur la pelouse du stade de France quand Éder a marqué et qui sont encore dans les 23 au Mondial russe ont deux ans de plus, le groupe est « plus mature » comme l’a rappelé Varane, et donc plus à même d’écouter certains messages et d’avoir un comportement approprié à l’enjeu. Pogba conclut : « Cette finale, on ne va pas l’aborder comme la dernière fois.(…)On veut faire péter la France. » Utiliser un mauvais souvenir pour écrire l’histoire deux ans plus tard, et rayer par la même occasion le mauvais souvenir de sa mémoire. Un chemin logique, nécessaire même, et que les Bleus ont emprunté sans en dévier. Surtout à deux jours du jour J et alors qu’ils se retrouvent dans le même type de tambouille que deux étés plus tôt, c’est-à-dire avec un adversaire supposément plus faible de l’autre côté du ring.
Docteur Maboul
Depuis que les Français connaissent le nom de la sélection qu’il affronteront dimanche, ils abattent un travail de pédagogie minutieux pour rejeter loin d’eux tout ce qui pourrait être considéré comme un avantage. À commencer par les fameuses trois prolongations de suite disputées par les Croates, qui arriveront au Loujniki avec 90 minutes de jeu en plus dans les pattes, sans compter deux séances de tirs au but. « Quand on joue une finale, la fatigue on n’y pense pas trop. Même avec la fatigue, je pense qu’ils seront là » , pose Samuel Umtiti. Concernant la finale de 2016, l’ancien Lyonnais joue les gros bras : « Je suis passé à autre chose. » Malgré tout, la gifle reçue lui a aussi servi de leçon : « Je pense qu’on sait ce qu’on a mal fait, et ce qu’on ne doit pas faire pour que ça ne se reproduise pas. » Même discours ou presque du côté de Blaise Matuidi, qui a répété plusieurs fois en conférence de presse qu’il vivait très certainement sa dernière Coupe du monde : « C’est encore dans un coin de ma tête, et tant mieux. On va l’aborder différemment. »
En évoquant cette médaille d’argent, certains Bleus parlent du goût de la défaite qui n’a pas quitté leur bouche. D’autres disent qu’elle leur est restée en travers de la gorge. D’autres encore – comme Matuidi – jurent qu’elle traîne toujours dans leur tête. En gros, une partie de Docteur Maboul où toutes les parties du corps sont concernées. Jusqu’au grand final de dimanche soir, qui sollicitera les yeux et les glandes lacrymales des joueurs. Et peut-être même leurs muscles zygomatiques, qui sait.
Par Alexandre Doskov, à Istra