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Plus belle Savić
Depuis la dernière finale de Ligue des champions, la hiérarchie des défenseurs centraux de l’Atlético de Madrid a changé. En prenant le meilleur sur Giménez, Stefan Savić s’assure désormais une place de titulaire à part entière. Un nouveau statut passé presque inaperçu qu’il doit à sa science du placement made in Italia.
L’air de rien, il quitte la pelouse du Vicente-Calderón sans même un mot. Pourtant, après avoir reçu un second carton jaune face à Málaga – son deuxième de la saison également –, il laisse ses coéquipiers en infériorité numérique. A contrario de ses coéquipiers aboyeurs et de son coach vociférant, lui reste placide et ne laisse transparaître aucune émotion en regagnant les vestiaires. Normal, Stefan Savić est un taiseux. « Il est silencieux, mais sur le terrain, il parle, plussoit Juanfran, conquis par les performances du Monténégrin. Il est très attentif sur chaque action. Godín et lui nous corrigent toujours, Filipe et moi. Ce sont deux centraux incroyables. » Indéboulonnable de la charnière de l’Atlético depuis le début de cet exercice, il prend le pas sur son concurrent Giménez, binôme habituel de Godín tant en sélection uruguayenne qu’en club. Une ascension dans l’ombre qui prend racine lors de la dernière finale de Ligue des champions : « Ça n’a pas été facile pour moi d’atteindre ce niveau. Le BSK Borca, le Partizan, Manchester City, Fiorentina… J’ai passé beaucoup de temps à travailler avec dévouement jusqu’à arriver à l’Atlético. »
« C’est avec Montella que j’ai le plus grandi »
À l’instar de cette prise de pouvoir en toute discrétion, son arrivée du côté du Vicente-Calderón s’est également produite dans l’ombre. Quand la direction de Cerezo, à l’été 2015, se félicite des transferts de Jackson Martínez et Luciano Vietto, celui du Monténégrin ne renvoie à aucune agitation. Sauf celle provoqué par son prix, exorbitant pour une partie des conseillers du président cité par El Pais : « Le prix était très élevé, mais nous avons tout de même concrétisé l’opération, même s’il y avait de nombreuses réticences pour débourser autant d’argent pour un défenseur central. » De fait, les Colchoneros lâchent la bagatelle de 28 millions d’euros pour s’attacher les services de Savić – 15 millions en cash, plus Mario Suárez dont le prix était estimé à 13 millions. Comme lors de son passage à City, ses débuts l’envoient rapidement sur le banc. Trop tendre dans les duels, pas assez dominant dans le jeu aérien, il doit s’acclimater aux exigences du Cholo et respecter la hiérarchie dominée par la paire uruguayenne. La patience du natif de Mojkovac fait le reste, lui qui met à profit tout son temps libre pour apprendre l’espagnol.
Après des mois de banquette, entrecoupées par quelques sporadiques apparitions, Savić souffle. Les blessures et les méformes de Giménez ont raison de la patience de Diego Simeone qui ne tarde pas à l’envoyer sur le banc. Idem, le Monténégrin gagne son duel dans la hiérarchie avec le jeune Français Lucas Hernandez. Une intégration que favorise le jeu prôné par l’Atlético : « Simeone a énormément travaillé pour que son équipe soit au top défensivement. Les centraux reçoivent beaucoup d’aide et cela leur permet de ne pas être souvent en situation de un-contre-un. Cela a permis à Stefan de s’adapter » , dixit Santi Denia, central rojiblanco lors du doublé de 1996. Son passage de trois ans à Florence lui offre un solide bagage défensif, tout comme sa brève expérience mancunienne avec, à chacune de ses expériences, un dénominateur commun : l’Italie. « J’ai d’abord eu Mancini en Angleterre, qui m’a permis de beaucoup progresser, rembobine-t-il dans les colonnes de As. Mais c’est surtout avec Montella que j’ai le plus grandi. Il m’a préparé pour que je sois prêt à affronter ce défi à l’Atlético. »
L’une des clés de l’évolution rojiblanca
Ainsi, lors de son passage à la Fiorentina, il apprend à défendre sans filet de sécurité. Vincenzo Montella, l’un des tacticiens transalpins les plus audacieux, l’oblige alors à défendre sous tension maximale. Autrement dit, continuellement exposé à des contre-attaques, il devient un maître dans la lecture des courses adverses et dans l’anticipation des transmissions. Dans cet Atlético nouvelle version, car plus offensif, l’apport du Monténégrin n’est égalé que par celui de l’indéboulonnable Diego Godín. Bien moins aidée par les milieux de terrain que les saisons précédentes, la nouvelle paire de titulaires permet une sortie du cuir plus adéquate que celle, plus testostéronée, entièrement uruguayenne. Lors du dernier match de Ligue des champions, face à ces mêmes Russes de Rostov, le Cholo y a même été de son compliment : « Pour jouer avec autant de risques, nous avons besoin d’une paire de centraux aussi solide, capable d’affronter avec garantie des situations de un-contre-un alors que le reste de l’équipe se trouve dans la moitié adverse. » Des éloges auxquels Stefan Savić n’a pas répondu, lui qui préfère la discrétion à la lumière.
Par Robin Delorme