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Plaza Colonia, le Leicester uruguayen

Par Bastien Poupat à Colonia Del Sacramento en Uruguay
Plaza Colonia, le Leicester uruguayen

Pour la première fois de l'histoire du championnat uruguayen, un club qui se situe hors de la capitale Montevideo est sacré champion d'Uruguay. Une énorme prouesse pour Plaza Colonia qui, il y a encore 18 mois, était en seconde division avant de remporter ce week-end le tournoi de clôture uruguayen sur le terrain du Peñarol. Immersion au cœur du football populaire, le vrai.

Après avoir observé de loin l’exploit retentissant de Leicester en Angleterre, l’Amérique du Sud tient elle aussi son improbable histoire. Depuis la capitale argentine, Buenos Aires, il ne faut pas aller chercher très loin pour aller à l’encontre de cette dernière. À peine 50 bornes en coupant le Rio de la Plata pour rejoindre la paisible ville de Colonia Del Sacramento en Uruguay. Dans cette citée pittoresque, plus touristique que footballistique, se trouve le club de Plaza Colonia, surnommé « El patablanca » – en VF « patte blanche » , dû a son équipement historique. Résidant habituellement au stade Juan Prandi, nom du fondateur de Plaza Colonia le 22 avril 1917, avec une capacité de 2 500 spectateurs, les récents résultats sportifs ont amené le club à déménager au stade Alberto Supicci, qui compte quant à lui 15 000 places se trouvant en plein cœur du centre historique au bord du Rio de la Plata. C’est ici, qu’ « el patablanca » accompagné de ses 800 socios, à l’instar des hommes de Claudio Ranieri, a écrit l’une des plus belles pages du football uruguayen. Similitudes avec le dernier champion d’Angleterre ? Un paquet, et Colonia a su en jouer.

Une ascension fulgurante et un goleador argentin qui s’occupe du chien

« Putain, il nous a mis la pression, Ranieri avec ce titre ! On en a même fait un tweet du coup. » C’est avec ces mots qu’Emilio Fernandez, président de Plaza Colonia, nous reçoit au siège de l’institution qui se situe sur l’avenue principale d’une ville qui compte 25 000 âmes, où le temps semble être arrêté au milieu d’une fusion d’architecture espagnole et portugaise post-coloniale. « On n’était pourtant pas promis à cela. Imaginez-vous que l’on connaît le football au niveau professionnel que depuis 1999. Avant, on participait juste à la Liga de Futbol de Colonia. En 2000, nous avons évolué pour la première fois de notre histoire en seconde division et nous sommes montés de suite en première division avec Diego Lugano dans l’axe. Nous sommes restés jusqu’en 2005 dans l’élite, et ensuite, ce fut la descente aux enfers » , lâche l’homme au béret sur la tête montrant un cadre de « l’équipe de l’année 2000 » en pointant du doigt l’ex-Parisien. « En 2005, après des problèmes institutionnels, on dépose le bilan. Ce qui fait que nous n’avons pas pu présenter d’équipe en 2006. Nous avons ensuite effectué un travail de reconstruction pour revenir en seconde division, mais nous avons retrouvé l’élite seulement l’an passé et l’objectif était évidemment de se maintenir… Au final, on est à la lutte pour le titre de champion d’Uruguay, déjà qualifié en Copa Sudamericana (équivalent de la Ligue Europa ndlr) et en remportant ce tournoi de clôture, nous avons l’opportunité de jouer ce mini-tournoi pour le titre donc, mais aussi pour la qualification en Copa Libertadores. On vit un rêve et on ne veut pas se réveiller » , étaye Gerardo Prandi, neveu du fondateur de Plaza Colonia, Juan Prandi.

Les complexités du championnat uruguayen sont telles que, pour le titre, il faut d’abord jouer une demi-finale en un match simple entre le vainqueur de l’Apertura (Peñarol) et du Clausura (Plaza Colonia), puis un match aller-retour entre le vainqueur de ce match et le vainqueur du classement annuel, qui en cas de victoire ou de match nul le week-end prochain, serait logiquement Peñarol… La demi-finale déjà connue, si « El patablanca » l’emporte, il se qualifierait en Copa Libertadores avant de jouer la finale en format aller/retour face au même Peñarol… Vous l’aurez compris, un rêve quelque peu alambiqué, mais qui a le mérite d’exister notamment grâce au meilleur buteur du club cette saison. À l’instar d’Ulloa côté Leicester, Plaza Colonia possède aussi son goleador argentin, German Rivero. « Je l’avais vu évoluer à Flandria, puis à Fenix, son profil m’a plu. Il est arrivé en début de saison avec sa femme, Eliana, et on lui avait trouvé un modeste appartement deux pièces. Eliana a accouché récemment, et German m’a demandé s’il n’y avait pas un logement plus grand au vu de l’agrandissement de la famille. Au club, on n’avait pas les moyens de lui offrir cela. Mais mon neveu est parti vivre récemment à Buenos Aires et m’avait demandé de s’occuper de son chien qu’il avait laissé chez lui. J’ai dit à German, si tu t’occupes du chien, je te laisse la maison de mon neveu. Il a accepté et vit à 12 rues du centre d’entraînement du coup, et vient tous les jours en bicyclette. Ça lui réussit plutôt bien, c’est lui qui nous a menés à ce tournoi de clôture avec huit pions à son actif » , s’amuse celui qui entend son téléphone sonner sur la table toutes les deux minutes pour des demandes d’interviews. Lui, c’est Roberto Garcia, le directeur sportif très charismatique de l’institution qui terminera chacun de ses entretiens par un « Vamos el interior » , comprenez « Allez l’intérieur » comme un pied de nez à la capitale qui, dans son histoire, a souvent laissé de côté l’intérieur du pays, que ce soit politiquement ou encore footballistiquement quand Peñarol, Nacional, Danubio, Defensor Sporting, Montevideo Wanderers, Central Español, Progreso et Bella Vista, tous pensionnaires de Montevideo, se partagent les titres de champion d’Uruguay.

Un entraîneur menuisier et ex-coéquipier de Diego Lugano

Pour rejoindre le centre d’entraînement, il faut traverser « le vrai Colonia, loin des touristes, où vivent des gens humbles » dixit Garcia. Au volant de son 4×4, il ajoute : « La hype Leicester, effectivement, on a surfé dessus, mais c’était plus de l’auto-dérision qu’autre chose, car il n’y a aucune comparaison possible. En droits TV, on prend 30 000 dollars par mois, et en sponsors, c’est 8 000 dollars à l’année pour mettre une putain de pub horrible sur notre maillot. Et Ranieri, sa prime, c’était six millions pour le titre, c’est ça ? Si on pouvait offrir ça au carpintero, il en ouvrirait des menuiseries ! » El carpintero, menuisier en français, c’est Eduardo Espinel, entraîneur de Plaza Colonia toujours propriétaire d’une menuiserie en parallèle, dans son village natal de Cardona. « Ne l’écoutez pas, il raconte beaucoup de conneries. Il m’avait promis plus que Ranieri si on gagnait ce dimanche sur le terrain du Peñarol » , s’égaie ce lecteur assidu d’Eduardo Galeano, fan de Simeone et de Guardiola en compagnie de Pedro Gracia, préparateur physique du club, avant que le président Fernandez ne reprenne de volée : « Il y aura bel et bien une prime, mais pas en euros ou en dollars, juste en pesos uruguayens. Ce sera une somme très modeste, avec nos petits moyens. En revanche, on ne communiquera pas le montant, on a toujours fonctionné ainsi. C’est-à-dire en toute discrétion. » Espinel reprend son sérieux. « Quand j’ai arrêté de jouer au football, j’ai passé mes diplômes d’entraîneur lors de mon temps libre en dehors de la menuiserie. Je n’avais aucune expérience à ce niveau et Roberto est venu me chercher l’année dernière quand nous étions en D2. Le salaire me permettait de compléter mes fins de mois en tant que menuisier » , se remémore Espinel, assez nostalgique avant d’ajouter : « L’histoire avait mal commencé, car lors des cinq premières rencontres, on s’est inclinés quatre fois, le tout accompagné d’un match nul. C’était compliqué comme situation, car je faisais les allers-retours tous les jours depuis mon village qui est à 100 kilomètres de Colonia. Parfois en bus, parfois en voiture. Avec de la volonté, un style de jeu s’adaptant à l’institution, chose que je considère primordial, et un groupe soudé, on est parvenus à se redresser et nous sommes montés en première division avant de vivre cette saison que je définirais de complètement folle. Même à Cardona, on me parle du Leicester uruguayen ! »

À l’aube de fêter son centenaire, Plaza Colonia s’est donc imposé 1-2 ce dimanche chez le géant Peñarol, entrant ainsi dans l’histoire du football uruguayen pour l’éternité. Un titre et une recette que nous conte Roberto Garcia : « Nous avons la moyenne d’âge la plus jeune du pays, 21 ans. Depuis mon arrivée, nous avons axé notre travail sur un recrutement intelligent avec nos peu de moyens et sur la formation que le maestro Tabárez, sélectionneur de laCeleste, considère comme le chemin de la réussite. Au vu du travail qu’a effectué Tabárez, on ne peut que s’en inspirer. Dans le football, beaucoup chiale face à la concurrence des grands clubs qui ont des moyens financiers très importants, mais l’argent n’est pas forcément la clé de la réussite, il faut aussi avoir des idées et de préférence de bonnes idées… » De quoi en donner à nos clubs de Ligue 1 ?

Par Bastien Poupat à Colonia Del Sacramento en Uruguay

Tous propos recueillis par Bastien Poupat

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