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Platini, le millésime 1984
Triple Ballon d'or, double demi-finaliste en Coupe du monde, légende à la Juventus Turin... Michel Platini a été un grand joueur. L'espace de deux semaines en juin 1984, il a même été divin.
Ole Qvist, Jean-Marie Pfaff, Zoran Simović, Manuel Bento, Luis Arconada. Cinq gardiens, cinq pays différents, mais trois points communs : ils ont disputé l’Euro 84, croisé le chemin de l’équipe de France, et pris au moins un but par Michel Platini. Un record à 9 réalisations et la performance d’avoir marqué à chaque match. Dans toutes les configurations possibles : gauche, droite, tête, coup franc, penalty, en force, en finesse, avec chance… « Contrairement au Mondial 82 en Espagne ou à celui de 86 au Mexique, il est arrivé dans le tournoi à 100% physiquement » , se souvient Bernard Genghini, membre de l’épopée de l’Euro. « D’habitude, Platoche, il était bougon, il s’inquiétait de beaucoup de choses pour le bien de l’équipe, mais là, on le sentait serein, en forme. » Et alors que les Bleus sont en train de batailler face à une solide équipe danoise pour leur entrée dans la compétition, c’est le numéro 10 qui débloque la situation après un exploit personnel de Jean Tigana à la récupération. Sur un mauvais renvoi de la défense, Platini reprend sans réfléchir, sa frappe est détournée et trompe Qvist. « Cette touche de réussite est annonciatrice de la suite » , estime Ferreri, qui est alors un bleu chez les Bleus, mais a saisi que « Platoche, c’était le boss. » Pour Genghini, c’est le second pion qui l’a marqué, contre une équipe de Belgique censée être le second gros poisson du groupe, mais qui se fait victimiser à Nantes, 5 à 0. Dès la quatrième minute, Patrick Battiston envoie une mine en coup franc sur la barre, Platini réceptionne et fusille Pfaff du gauche. « La manière dont il récupère la balle et la puissance qu’il met dedans du gauche, c’est révélateur de l’énorme confiance et de l’énorme détermination qui l’habitent à ce moment. » Dans un match où la France régale collectivement, le joueur de la Juventus claque deux autres buts, un penalty du droit, et une tête. « Il en était à 4 buts en 2 matchs, on a compris qu’il était lancé dans un truc grandiose » , se resitue Genghini. « Et quand il a enchaîné un deuxième triplé contre les Yougoslaves, le doute n’était plus possible. »
« On lui donnait tout le temps le ballon »
Alors que les hommes de Michel Hidalgo sont qualifiés pour les demi-finales, ils s’arrachent tout de même pour vaincre la bande à Sušić, décidée à mourir à la tête haute. Jean-Marc Ferreri s’y revoit. « Je me souviens bien, car c’est moi qui donne le ballon à Platini sur son égalisation du gauche. » Suivie d’une tête plongeante et d’un coup franc que le capitaine avait annoncé à la pause à Bruno Bellone. Sept buts après la phase de poules, c’est du jamais vu, mais le meilleur joueur français n’a pas encore tout lâché. En demi-finale, même si le Portugal est proche de gâcher la fête, il conclut en finesse sur une offrande de Jean Tigana au bout du bout de la prolongation. « Pas le plus facile à mettre » , assure Ferreri, « car il y a la fatigue, la pression, l’enjeu, mais lui réussit le contrôle parfait, prend le temps nécessaire, et reste lucide pour lever le ballon face aux deux défenseurs portugais qui se sont retrouvés au sol. » L’Arconada du match final contre l’Espagne n’est qu’un petit coup de pouce du destin pour un joueur hors norme. « Difficile de dire si c’est lui qui a emmené l’équipe ou l’équipe qui l’a porté, mais c’était celui qui avait les clés, et toutes les conditions étaient réunies pour qu’il réussisse. » D’ailleurs pour Ferreri, s’il ne faut retirer aucun mérite à son ancien capitaine et sélectionneur, « on lui donnait tout le temps le ballon. Dès que Jeannot Tigana ou Luis Fernandez récupérait, la consigne c’était de donner à Gigi (Alain Giresse ndlr) ou à Platoche » . Pour Genghini en revanche, le doute n’est pas possible, Platini a bien enclenché une dynamique vertueuse : « Il marchait sur l’eau, il était à son meilleur niveau, et donc tout a suivi derrière. » Surtout que le numéro 10 français, entre meneur de jeu et avant-centre, « avait tout pour marquer : l’adresse, la vision, l’intelligence, le sang-froid… Et surtout il aimait ça, être en position de buteur. » 22 ans plus tard, son record de buts tient toujours, et, comme pour celui de Just Fontaine en Coupe du monde, bien malin celui qui saura prédire l’arrivée d’un challenger pour le lui contester.
Par Nicolas Jucha
Propos recueillis par Nicolas Jucha