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Planus : un meuble ne meurt jamais, il dort

Par Swann Borsellino
5 minutes
Planus : un meuble ne meurt jamais, il dort

53 minutes. C'est tout ce que Marc Planus avait dans les chaussettes ce dimanche face à Toulouse, mais cela a été suffisant pour participer grandement à la victoire de son Bordeaux de toujours (2-1). Jamais utilisé par Sagnol depuis le début de la saison, le défenseur central a pris tout cela avec le sourire, lui qui fête son quart de siècle du côté des Girondins.

Quoi de plus normal que de faire partie des meubles quand on est fanatique de décoration d’intérieur ? Ces temps-ci, à Bordeaux, Marc Planus a pu donner libre cours à sa passion. Lui, le consommateur boulimique de magazines d’architecture et de déco, a eu, depuis le début de la saison, le temps de tourner des pages sur son banc de touche, en tribune et même ailleurs. Sauf que comme toutes les belles vieilleries, les meubles ont souvent une deuxième vie. Courageux, Willy Sagnol a enfilé ses gants et a fouillé sous les toiles d’araignées et la poussière pour ressusciter Marc Planus, le temps d’une semaine à deux matchs. L’histoire du meuble Planus, c’est celle de la commode de famille qui passe les années, que l’on trouve toujours dans les appartements, de génération en génération, sans que l’on sache vraiment pourquoi. Jamais favori pour ses coachs, presque toujours gagnant, Marc Planus n’est pas du genre à avoir un mot plus haut que l’autre, même quand on lui fait comprendre que s’il joue, c’est parce que les retraités du coin n’ont pas leurs cannes. Peut-être parce qu’il est trop bien éduqué, peut-être parce qu’au fond, il pense à Pierre, son frère. Toujours est-il qu’un meuble, c’est bien pratique.

Marco la légende, Pierrot l’antihéros

Parce que la grandeur d’un homme est en partie égale au nombre de vannes qu’il encaisse, Marc Planus est une légende. Du mythe footballistique, le défenseur central bordelais a une certaine idée de la longévité. À Bordeaux, son unique club depuis 2001, Planus est un François Tout, un Stéphane Gérard, un Alexandre Delpierre. Une légende Konami, sans la licence. Mais une légende quand même. Un type qui est dans le game depuis plus d’une décennie et qui, au moment d’affronter Toulouse pour le compte d’une douzième journée de Ligue 1 comme il en a connue beaucoup, peut se dire qu’il a joué avec Christophe Dugarry, Pedro Miguel Pauleta, Bruno Basto et l’immense Jean-Claude Darcheville il y a exactement douze ans. À cette époque déjà, on dit du jeune Planus qu’il ne répond pas aux « espérances athlétiques du haut niveau » . La vérité, c’est que le Planus qui a de l’or dans les pieds s’appelle Pierre, comme le disait Marc, trois ans de moins, à qui bon voulait l’entendre. « L’espoir de la famille, c’était lui. C’est malheureux, mais j’ai réussi grâce à son échec » confiait l’intéressé à L’Équipe, au sujet de celui qui n’a jamais pu signer pro chez les Girondins et a parcouru les divisions inférieures. « À son époque, Bordeaux jouait la C1, moi j’ai bénéficié de la blessure d’Alain Roche. À trois ans près, Pierre passait pro. Depuis, je lui rends comme je peux… » De leur enfance pull noué autour des épaules, vent de l’Atlantique sur la mèche de cheveux, les Planus ont hérité d’une énorme curiosité, de notions importantes de la politesse et du respect, mais aussi un certain manque de hargne que certains pourraient interpréter comme un manque d’ambition. Sauf qu’avec une sélection en A, une Coupe du monde en 2010, un titre de champion de France, deux Coupes de la Ligue et une Coupe de France, Marc, le lent et le dilettante, ne s’en sort pas si mal, et ce, malgré un net déclin depuis quelques années.

Un grand frère qui n’a pas dit son dernier mot

On peut donc ranger un meuble au placard. C’est Willy Sagnol qui l’a prouvé en ce début de saison. Ultime taulier d’une équipe où Jussiê, au club depuis 2007, fait figure d’ancien, Marc Planus a profité de sa bonne éducation et de son détachement pour ne pas faire de vague face au traitement qui lui a été réservé. Pas utilisé une seule fois cette saison avant la réception de Toulouse ce dimanche (2-1), le central de 32 berges, de nature discrète, a préféré ironiser sincèrement sur la situation lorsque la question de son temps de jeu lui a été posée par L’Équipe. Relégué à la septième place dans la hiérarchie des défenseurs centraux du club, passant même derrière Sertic ou Julien Faubert, Planus déclare alors que « même Battiston et Trésor » sont devant lui dans la hiérarchie, avant d’ajouter « qu’avec le coach, il n’y a aucun souci. S’il change d’avis un jour… Évidemment, je sais que je pars de très loin. Mais je reste un joueur, un compétiteur. » Une déclaration qui témoigne de la relation entre les deux hommes et de l’honnêteté du joueur. Un homme qui se sait à des années-lumière d’un Nicolas Pallois dont il admire le début de saison et qui prend énormément de plaisir à transmettre aux jeunes comme Yambéré. Buteur « en fouine » comme il le dit, dans un style très similaire à celui qu’il avait inscrit face à Nice lors de la saison 2011-2012, Planus, homme de com’, a également eu un mot pour son staff, avec qui il a fêté son but. « J’ai eu la joie d’ouvrir le score, mais c’est un petit clin d’œil vis-à-vis du staff, avec qui j’ai une belle relation. C’est une belle action, avec un beau but du mollet ! Quand je vois la réaction du public, je me dis que l’histoire a commencé il y a 25 ans et que c’est une belle histoire » a-t-il confié hier. Alors évidemment, ce qu’il s’est passé ce week-end a un bon goût de « reviens-y » . Willy Sagnol y pensera, mais pas dans n’importe quel contexte. Dans une défense à trois, comme dimanche, Planus est moins pénalisé par sa lenteur et son sens du placement et de l’interception peuvent dépanner. Dans le cas contraire, il sera sur le banc, jusqu’à ce que cette histoire d’un quart de siècle se termine et qu’une nouvelle commence. Oui, si les joueurs passent, les meubles, eux, restent pour toujours. Même les plus lents. Même quand ils n’ont que 53 minutes dans les pieds. Même ceux qui ne disent pas non à un rab de charcuterie corse.

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