ACTU MERCATO
Plainte de la Liga contre le PSG au sujet de Mbappé : l’hôpital qui se moque de la charité
La décision de Kylian Mbappé de rester au Paris Saint-Germain a suscité, sans surprises, énormément d'aigreur en Espagne. Mais la croisade que veut lancer Tebas, président de la Liga, afin de sauver le football européen ne peut que faire sourire. Il n'existe aucune morale ni éthique dans le capitalisme, le ballon rond n'y échappe évidemment pas.
Trahison. C’est le mot qui résume l’ambiance à Madrid en ce dimanche matin après l’annonce de Kylian Mbappé de prolonger son contrat au Paris Saint-Germain et donc de ne pas rejoindre le Real Madrid cet été comme les supporters, les médias et même le club le pensaient. Et il y a plusieurs manières de réagir à un sentiment de trahison : la tristesse, le rejet de l’autre ou encore la colère. La Liga et son président Javier Tebas, qui se frottaient déjà les mains de voir débarquer dans le championnat Kylian Mbappé après les départs successifs de Cristiano Ronaldo et de Lionel Messi, ont choisi la troisième option. À l’image d’un communiqué de la Liga dénonçant que « ce genre de conduites menées par le président du PSG Nasser al-Khelaïfi (…) sont un danger pour le football européen, au même niveau que la Superligue ». Des propos qui mettent la barre haut pour ce qui reste des tractations autour du transfert d’un joueur. Même si le cas Mbappé avait pris une ampleur et une dimension rarement atteintes, devenant l’actualité principale sur le Vieux Continent.
Plus fort encore, l’instance espagnole annonce même qu’elle va porter plainte « auprès de l’UEFA, des autorités administratives et fiscales françaises et auprès des organes compétents de l’Union européenne ». En matière de déclaration de guerre, difficile de sortir une artillerie plus lourde, sauf à masser les troupes pour franchir les Pyrénées. Il serait pourtant erroné de ne voir ici qu’une simple saute d’humeur de mauvais perdant. Javier Tebas, président de la Liga, s’était déjà répandu sur le sujet en fustigeant le comportement du club parisien : « Ce que le PSG est en train de faire pour prolonger Mbappé grâce à de grosses sommes d’argent après avoir enregistré des pertes de 700 millions d’euros ces dernières saisons et alors qu’il a une masse salariale de 600 millions d’euros est une INSULTE au football. » Une ligne de défense pas étonnante tant le bonhomme a déjà régulièrement dénoncé le poids qu’occupent désormais ces clubs de « parvenus » largement financés par des États du Golfe.
Le bon et le mauvais argent
Il existerait donc selon le point de vue de Javier Tebas un « bon argent » dans le sport, celui nourri de décennies de déficit du Real, et les mauvais billets du pétrole. Un peu de marxisme permettrait de contempler ce discours pour ce qu’il est : du capitalisme qui explique à un autre capitalisme qu’il n’est pas gentil d’être capitaliste. Selon plusieurs médias, l’offre madrilène n’était pas inférieure à celle proposée par le PSG. Et quand bien même elle le serait, le Real Madrid ne proposait pas des barres chocolatées en guise de salaire et de prime à la signature, mais aussi des chèques à plusieurs zéros. Les raisons qui ont conduit l’enfant de Bondy à rester dans la capitale se situent sur un autre plan. Pour l’instant, on n’en sait guère plus sur les garanties sportives que Mbappé a pu obtenir, si ce n’est que l’éviction de Leonardo ouvre une piste. Dans le grand jeu entre puissances et maîtres du football européen, tout est autorisé pour l’emporter. Le Real était prêt à en détruire le patrimoine culturel avec le projet de Superligue, ce que rappelle d’ailleurs insidieusement le communiqué de la Liga. Du coup, les larmes de crocodile espagnoles font quand même songer aux campagnes de communication des multinationales pour défendre l’environnement. Le départ de Mbappé n’aurait pas constitué un drame national comme le laissent entendre certains en France. Et sa prolongation de contrat n’a rien d’une manœuvre frauduleuse. À moins de vouloir vraiment réguler notre belle économie de marché.
Par Nicolas Kssis-Martov