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Pitso Mosimane, le pharaon sud-africain

Par Adel Bentaha
5 minutes
Pitso Mosimane, le pharaon sud-africain

La finale de la Ligue des champions opposant Al Ahly aux Kaizer Chiefs, ce samedi à Casablanca (21h), verra le club égyptien tenter de réaliser le deuxième back-to-back de son histoire. Pour ce faire, les Cairotes compteront sur leur entraîneur, le Sud-Africain Pitso Mosimane. Celui qui rafle tout sur son passage depuis dix ans s’est imposé comme l’un des meilleurs techniciens du continent, souhaitant désormais viser plus haut.

Le 11 février dernier et pour la première fois depuis 2006, Al Ahly décrochait la médaille de bronze à l’occasion de la Coupe du monde des clubs, s’imposant aux tirs au but face aux Brésiliens de Palmeiras. Un exploit retentissant qui consacrait le travail d’un homme : Pitso John Mugabe Hamilton Mosimane. Cinq mois plus tard, le voici prêt à emmener les Rouge et Blanc décrocher une deuxième C1 consécutive, sa troisième sur le plan personnel.

Jugé « trop gros » par son sélectionneur

Avant d’entamer cette richissime vie d’entraîneur, le natif de Kagiso, dans la province de Gauteng, lance son parcours à la fin des années 1980, sillonnant les pelouses sèches de Premiership. Footballeur amateur dans le petit club des Rockville Hungry Lions, celui que l’on surnomme « Jingles » est repéré en 1982 par Stanley Tshabalala, alors adjoint de la légende Jomo Sono. Ce dernier le convainc ainsi de signer dans son club, les Jomo Cosmos, avec lequel il découvre le monde professionnel. Joueur de bon niveau, sans être flamboyant, il est auréolé en 1993 par quatre sélections avec les Bafana Bafana. L’aventure se conclut malheureusement sur une note amère en 1996. En fin de carrière et jugé « trop gros » par son sélectionneur Clive Barker, il est exclu du groupe devant participer à la première Coupe d’Afrique des nations du pays, qui plus est à domicile.

Poussé vers la retraite à seulement 33 ans, Mosimane bascule rapidement de l’autre côté du terrain. « J’ai commencé à m’intéresser à ce monde lorsque je jouais en Grèce (au Ionikos Nikeas entre 1989 et 1995, NDLR), précise-t-il. Je me suis lié d’amitié avec Gregory Georgitas, le préparateur physique du club. C’est là que j’ai découvert les spécificités du métier d’entraîneur. » De retour chez lui en 1998, Pitso rejoint le Mamelodi Sundowns en tant d’entraîneur de la réserve. Ses qualités sont notamment louées par le légendaire Bruce Grobbelaar, dont il devient l’adjoint au SuperSport United. Deux saisons de galère, passées entre les coups de gueule du Zimbabwéen, qui claque la porte plusieurs fois avant de revenir, jusqu’au jour où l’ancien gardien de Liverpool ne revient plus du tout. Devenu numéro un à l’été 2001, Mosimane redresse le club, l’amène aux quatre premières places du championnat et glane ses premières victoires (une Coupe nationale en 2004 et une Coupe de la Ligue en 2005). La porte de la sélection s’ouvre naturellement.

Amour, gloire et trophées

Intérimaire durant sept rencontres, Pitso intègre l’encadrement du fraîchement nommé Carlos Alberto Parreira en 2006. Sous ses ordres, Pierre Issa se souvient de cette personnalité omniprésente et impliquée. « Pitso était aux petits soins pour nous. Il passait son temps avec les joueurs, confie l’ancien Marseillais. Je me souviens qu’il participait à tous les entraînements et qu’à la fin, il nous isolait un par un pour nous dire ce qui allait et ce qui n’allait pas. C’était son rituel. » Conscient de la chance qui s’offrait à lui et sans doute dans l’euphorie du moment, « Jingles » accepte de succéder à Parreira au lendemain du Mondial 2010. Un choix précipité et contesté, en particulier par son mentor Jomo Sono, à qui le temps donne raison. L’expérience dure deux ans, mais se solde effectivement par un échec dans la course à la CAN 2012. Freiné dans sa lancée, Mosimane se relance une énième fois aux Sundowns, pour de bon.

À Mamelodi, Pitso Mosimane détient les pleins pouvoirs. « Il a bénéficié d’un cadre où tout lui était donné, précise Issa. Le propriétaire des Sundowns, Patrice Motsepe, l’appréciait énormément et dépensait sans compter pour lui offrir une équipe compétitive. À partir de là, Pitso a transformé le club en géant. » Dans une équipe composée de treize internationaux et des Sud-Américains Ricardo Nascimento, Mauricio Affonso et Gastón Sirino, les Brazilians, vierges de tout titre depuis 2007, roulent en effet sur leurs adversaires : quintuples champions (2014, 2016, 2018, 2019 et 2020) et vainqueurs de la Coupe (2014 et 2015), ils touchent au Graal continental à l’hiver 2016, en venant à bout des Égyptiens de Zamalek. Un sacre historique pour la formation de Pretoria, venu saluer le travail de longue haleine d’un bonhomme ultra-déterminé, à la philosophie offensive récompensée.

Pitso na Pitso

Dix trophées en huit saisons pour Mosimane, élu entraîneur africain de l’année en 2017. Difficile alors d’aspirer à mieux en Afrique du Sud. « Nous avons un peu discuté avant qu’il ne quitte les Sundowns, se souvient Pierre Issa. C’est quelqu’un de très ambitieux sportivement parlant, et je sais que l’étranger a toujours été sa priorité. Il voulait sortir de cette zone de confort. C’est simple : pour lui, l’Égypte, c’est un premier tremplin vers l’Europe. » Sa réputation de vainqueur traverse les frontières jusqu’au Caire, où Al Ahly s’attache ses services au mois de septembre 2020, malgré un accueil glacial : « Il a gagné en Afrique du Sud, très bien. Il a gagné la Ligue des champions, peut-être. Mais en Égypte, c’est un autre niveau. Je ne suis même pas sûr qu’il ait le niveau pour entraîner en deuxième division ici », se plaignait ainsi Reda Abdel Aal, ancienne figure du club.

Mais les actes valent beaucoup mieux que les paroles, alors Pitso se tait, bosse et enchaîne les succès. Deux mois après son arrivée, Al Ahly remporte la C1, toujours face au Zamalek, avant de réaliser un parcours héroïque au Mondial des clubs. Une hégémonie incontestable pour un coach qui n’a concédé que 4 défaites en 53 rencontres (73% de victoires) dans la capitale égyptienne. « Aujourd’hui, les meilleurs entraîneurs d’Afrique sont Belmadi, Aliou Cissé et Pitso, affirme Issa. La seule différence, c’est que les deux premiers ont reçu une formation française, tandis que lui, c’est un pur produit africain. La fierté est encore plus grande. » En attendant le Vieux Continent, « Jingles » se tournera donc vers Casablanca, lieu de la confrontation face au Kaizer Chiefs, pour définitivement inscrire son nom dans la légende.

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Propos de Pierre Issa recueillis par AB

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