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Piti, l’autre Liga
Grenade possède dans ses rangs un boy next door. Loin, très loin du star-system, Francisco Medina Luna, plus connu sous le surnom de Piti, a dû cravacher de longues années avant de connaître le succès à 30 ans. Et c’est ce mec normal qui sera le principal danger d’El Graná contre le FC Séville, cet après-midi.
Il est de coutume de disposer les 20 équipes de l’élite du royaume espagnol selon deux sous-catégories. Les trois premières formations trustant le podium actuel se détachent de par leurs prestations du reste. Un reste que les médias ont pris l’habitude de surnommer « l’autre Liga » . S’il fallait choisir un digne représentant de ce futbol alternatif, Francisco Medina Luna postulerait parmi les meilleurs prétendants. Le rejeton Luna voit le jour le 26 mai 1981, sous le soleil catalan de Reus. Ses parents tiennent une petite affaire jouxtant un terrain de football. C’est là que tout commence : « J’allais tout le temps y jouer avec mon frère. Il était un peu plus grand que moi et aimait jouer gardien. Donc moi, toute la journée, je lui envoyais des frappes » , raconte-t-il au site officiel du championnat. Là où d’autres ont déjà intégré les centres de formation des plus grands clubs du pays, Francisco traîne sa fin d’adolescence en tapant la balle pour la formation municipale. Repéré par Saragosse, FML, ses 23 ans et ses espoirs encore intacts s’engagent pour la capitale aragonaise. En réalité pour son équipe B. Une dizaine de buts plus tard, le petit centrocampista offensif (174 cm) accède à l’équipe première, en fin de saison. Une joie pour celui qui découvre le top du top national. Pendant 3 petits matchs. Et basta.
Hijo de la Luna et troisième division
Noyé dans une équipe qui veut devenir l’une des meilleures du pays selon les dires de son président Agapito Iglesias, le frêle Francisco sent le vent tourner. Pas dans les petits papiers de l’entraîneur Munez pour la saison 2005/2006 à venir, Piti est prié d’aller voir du côté de Murcia s’il y est. Puis de celui de l’Hercules Alicante. De la volonté, des statistiques raisonnables (10 buts en 60 matchs) mais toujours aucune percée en vue. On pense même que sa carrière professionnelle est déjà derrière lui quand il rejoint en 2007 les rangs du Rayo Vallecano, club madrilène alors en 3e division. Comme dans un film, ce qui semblait être la fin d’une histoire était en fait le début d’une autre.
Solidement installé au sein des Franjirrojos, Piti va engranger les matchs, prendre du plaisir dans une formation qui a à cœur de retrouver son lustre d’antan, et qui surtout joue pour la gagne. L’alchimie est parfaite. Pouvait-il en être autrement dans une ville qui porta aux nues le groupe Mecano et leur hit prophétique Hijo de la Luna quelques années plus tôt ? Une montée en seconde division récompense la première saison du gaucher sous les couleurs des Rouge et Blanc. Avant une formidable ascension en Liga BBVA à l’été 2011. Sans esprit de revanche particulier, Luna savoure cette deuxième opportunité que lui offre le foot : « Plus jeune, je jouais avec des mecs très forts. Qui avaient le potentiel pour s’imposer dans les meilleures équipes nationales. Mais qui ont malheureusement manqué de chance » confie-t-il. Piti, lui, veut juste se régaler. Même s’il a 30 ans. Même s’il sait qu’il est trop tard pour toute expérience « internationale » autre que celles offertes par la sélection catalane en 2003. Même s’il sait que ses jambes de 20 ans ont déjà dix piges. Tant pis, il profite du mieux qu’il peut et participe à l’intégralité de la ligue ibérique, édition 2011/2012. Pour au final connaître le stress puis la joie ultime de se sauver de la relégation à la dernière seconde de la dernière journée. Un kiff exceptionnel, certes. Mais rien à côté de la saison qui va suivre.
3 buts ou la porte
Lors de la dernière temporada, Piti marche sur l’eau. Dans une escouade délestée de Michu, parti vendre son élégance au pays de Galles, et de Diego Costa, rappelé par l’Atlético, c’est à lui que sont confiées les clefs de l’attaque rayista. Non sans quelques menaces bien senties de la part de son nouveau coach Paco Jémez : « En début de saison, il vient me voir et me dit : « Si tu ne me marques que 3 buts (son total du précédent exercice, ndlr) avant décembre, tu dégages de l’équipe ! » , déclare-t-il au site web de son club. Avant le mois fatidique, Piti va en inscrire 6. Puis 12 lors des cinq mois suivants, portant à 18 son copieux total. Soit le meilleur bilan comptable sur 38 journées pour un joueur du club. Dans la salle des records de Vallecas, le grand Piti bouscule donc de son trône le Mexicain Hugo Sánchez et ses insuffisants 17 goles en 93/94. Solide. Ce Little Big Man est plus qu’un chouchou, il est le symbole de ce Rayo en qui personne ne semblait miser un kopeck, et qui vient chatouiller de sa classe et de sa hargne les sommets du football espagnol. Ses buts, souvent spectaculaires, reçoivent de la part des supporters vallecanos l’appellation de Pititazos (délicieux mix de Piti et de golazos).
Pourtant, la rénovation de son contrat avec les Sudistes de la capitale tarde à arriver sous le stylo du joueur. Et ce, bien que l’idole du stade soit prête à continuer l’aventure. En mars dernier, il déclare même : « Je vais attendre, mais bon, la patience, ça s’épuise. Ça fait des semaines que j’attends de parler avec les dirigeants, mais il n’y a pas encore eu de rapprochement » . Pas bête, Piti sent qu’il vient d’atteindre son acmé lors de la compétition 2012/2013. La trentaine entamée, sa priorité est de jouer pour un club qui lui assure encore plusieurs saisons au haut niveau. C’est donc en grande partie pour les 3 années de contrat que lui propose Grenade que Francisco rejoint le sud du pays. Et tout cela sans que l’acquéreur ne verse une seule indemnité de transfert…
La Peugeot 307 de Diego Buonanotte
L’étoile filante de la précédente Liga semble pourtant marquer le pas depuis son arrivée estivale du côté de la Sierra Nevada. Peut-être la faute à un corps âgé de 32 printemps qui rappelle à son possesseur que la saison passée à très haut niveau n’était qu’une fleur. Après un début de championnat durant lequel il est directement installé dans le XI des Filipinos comme titulaire, Francisco se blesse. Et se fait même doubler dans la hiérarchie du milieu de terrain par le tristement célèbre conducteur de Peugeot 307 Diego Buonanotte (25 ans) et les jambes folles du Franco-Algérien Yacine Brahimi (23 ans). Avec seulement deux petites réalisations depuis fin août, le Zurdo reste néanmoins le second meilleur buteur de l’équipe la moins prolifique de la Liga. Titularisé au Camp Nou lors de la dernière journée, il devrait l’être de nouveau cet après-midi face au FC Séville. Et personnifier cette maxime qui veut que le talent n’a pas d’âge. Vraiment pas.
Par Walter Laouadi