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Pitch Addict : « Certains sont convaincus qu’on tire mieux les coups francs que Ronaldo ou Messi »
Des lucarnes venues tout droit d’une autre planète, des journées à jouer en bas de chez eux, une complicité concurrençant celle d’Eric et Ramzy… Depuis 2020, Thibaut et Victor, fondateurs de Pitch Addict âgés de 24 et 23 ans, ont redonné au 78 ces lettres de noblesse. Entretien avec des Yvelinois pas comme les autres. Sah, quel Plaisirs.
Comment expliquer vos concepts de vidéos à des gens qui ne vous suivent pas ?
Victor (aka Vicoss) : On fait des frappes qu’on met sur Insta’ et Tiktok. On a aussi une partie format long sur YouTube avec pas mal d’invités de différents milieux.
Thibault (aka Thib’z) : Notre ligne directrice, c’est le terrain. Tous nos formats tournent autour de ça.
Thibault, peux-tu présenter Victor, et vice-versa ?
Thibault : Avec Victor, on s’est vraiment découvert en 2020. J’ai découvert un bousillé du foot et un gars très têtu. Par contre, il est nul au billard.
Victor : La qualité première de Thibault, ce sont ses frappes. Il est très fort pour améliorer mes idées. On se complète énormément sur le plan professionnel. Il n’a pas honte de me dire si c’est claqué. Nous deux, on se tire vers le haut.
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Quelle place occupait le foot dans votre enfance?
Victor : C’était un mode de vie. Je parlais foot, je dormais foot, je m’habillais foot… En poussins, j’avais match samedi matin et l’après-midi, je passais quatre heures au terrain. Dimanche, toute la journée. Pour se donner rendez-vous, on s’appelait avec mes potes sur le téléphone fixe. Je kiffais aussi le fait de me retrouver avec des gens que tu ne rencontrais pas forcément à l’école.
Thibault : Mon oncle m’avait acheté des cassettes de Ronaldinho, et j’ai kiffé. En bas de chez moi, il y avait deux bouts d’arbres en face de deux autres qui faisaient office de cages. Après les cours, j’allais tout le temps là-bas. J’allais boire de l’eau chez des potes parce que je savais que ma mère ne me laisserait pas ressortir. Je me la tuais sur des compilations de Neymar, Ronaldinho, Robinho sur Youtube…4
Et votre première rencontre ?
Victor : J’ai été surclassé et Thibault était dans l’équipe. Il était super grand pour son âge, et hyper technique, ce qui n’était pas mon cas.
Aujourd’hui, vous vivez de votre passion pour le foot. Ça sonne un peu comme une revanche, non ?
Victor : Pour moi, pas tant que ça. J’ai toujours pris le foot sous le prisme du plaisir. Pour Thibault, c’était différent.
Thibault : J’ai tout fait pour y arriver. Les essais à Clairefontaine, au Stade Malherbe de Caen, sport études à Brétigny-sur-Orge… C’est clairement une revanche. On n’a pas eu à faire tous les sacrifices auxquels les footballeurs ont dû faire face. Le foot, c’est vraiment difficile. Il faut en avoir conscience.
Et pendant ce temps, plusieurs parents se matrixent dans un projet Mbappé quand ils voient une once de potentiel chez leur gosse…
Thibault : Même quand j’étais à Clairefontaine, il y en avait mais beaucoup moins qu’aujourd’hui.
Victor : En U6-U7 au PSG, c’était choquant. Je n’en avais pas conscience à ce moment-là mais ça se voyait dans les tribunes et ça parlait beaucoup à l’arbitre. Quand on va sur certains terrains, on voit des petits faire des exercices spécifiques alors que c’est encore des gamins et que tout le monde repart de zéro en U13. Je suis sûr que certains parents s’en fichent du potentiel. Ils sont juste en mode « si je t’ai mis au monde, c’est pour que t’ailles me chercher un contrat professionnel ».
Vous en avez déjà vu à Plaisirs ?
Thibault : À partir du moment où le club a fait un partenariat avec le Stade Malherbe de Caen. Pas mal de parents ont commencé à vouloir développer ces projets quand ils ont vu deux trois gars signer. Certains coachs font des messages de prévention aux parents mais t’en as d’autres qui sont à fond et qui crient sur les enfants d’une manière assez violente.
Victor : Je pense qu’on va avoir une génération future qui va être saoulée du foot. Pour moi, ça devrait être interdit de crier ou critiquer un enfant en dessous de 13 ans.
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Vos modèles enfants, c’était Neymar pour Victor et Cristiano Ronaldo pour Thibault. Qu’est ce qui vous a tant plu chez eux ?
Victor : Quand un joueur m’inspire, c’est qu’il ne fait pas les choses comme les autres. Dans les matchs de district, tu as souvent un mec dans une équipe qui essaye de dribbler tout le monde. Neymar, c’était ce gars-là mais qui le faisait contre les plus grands joueurs de la planète.
Thibault : CR7, c’est un des premiers à avoir diffusé cette image de travail acharné. Encore plus quand il est arrivé au Real où il a bousillé tous les records pour marquer l’histoire.
Victor : Nous deux, on kiffe aussi Ronaldinho. C’était une dinguerie alors qu’on l’a jamais vu jouer.
Vous êtes nostalgiques d’une époque footballistique que vous n’avez pas connu ?
Victor : En fait, Ronnie représente encore un truc. Tous nos coachs disaient des phrases du type « Tu crois que t’es Ronaldinho ou quoi ? ». Je pense que ça a pas mal joué.
Thibault : Dans notre génération, il y en a plein qui sont à fond R9, Ronnie, Zidane alors qu’on ne les a jamais vu jouer. Mais on a mangé les compiles, même si on ne voyait que certaines parties. C’étaient des formats courts finalement.
De plus en plus de gens – notamment les jeunes générations – préfèrent justement regarder des highlights ou des contenus autour du foot plutôt que des matchs de foot en eux-mêmes, trop longs pour certains…
Victor : Pour ma part, je regarde pas tant de matchs que ça. Moi, c’est le terrain avant tout. On passe plus de temps à jouer au foot qu’à regarder des matchs.
Thibault : Je regarde le PSG en Ligue des champions, les compétitions internationales mais très peu de Ligue 1. Plus généralement, je trouve que la conception du foot est en train de changer.
C’est-à-dire ?
Thibault : Pas mal de personnes qui ont regardé des compiles et des highlights vont penser que tel joueur est à l’image de ce qu’ils ont regardé alors que c’est 5% de ce que le joueur a produit. Et tout ça amène à des comparaisons beaucoup plus faciles entre les joueurs. Même nous, inconsciemment, on peut être amené à le faire.
Victor : Par exemple, Ousmane Dembélé, c’est le meilleur joueur actuel en compil à regarder. Il dribble 4-5 mecs d’une manière incroyable. Mais c’est tout ce que tu vois de lui dans une compile parce qu’au niveau finition par exemple, c’est loin d’être le meilleur.
Dans cette époque full réseaux sociaux, est-ce que vous avez lancé Pitch Addict par pur opportunisme ?
Victor : On a pensé à rien. Je jouais au foot tout seul, je posais mon téléphone dans ma chaussure, et je postais sur mon compte perso. Ça a vraiment mis du temps à se matérialiser.
Thibault : Au bout de trois mois, une vidéo a commencé à buzzer. Elle a été partagée sur des grosses pages et c’est qu’à ce moment-là qu’on a commencé à se dire qu’il y a un truc à faire. C’est trop difficile de faire quelque chose sur les réseaux sans que ça te plaise. Tu vas finir par t’épuiser si ça ne te passionne pas.
Victor : Si t’es pas capable de taffer les week-ends, de faire des nuits blanches sans les sentir passer, c’est que c’est pas pour toi. On a aussi la chance d’être bien entourés. Si l’un de nous commence à être dans cette “sur-culture” du buzz, il va se faire remettre à sa place.
Comment vous vivez le fait d’être plus influents que certains footballeurs professionnels alors que vous l’êtes même pas ?
Victor : C’est vraiment drôle. J’étais parti faire un tournage à Rennes avec Bourigeaud. Les gamins me calculaient plus que lui, alors qu’ils avaient la chance de rencontrer un footballeur professionnel. Il y avait un vrai décalage.
Thibault : Il y a même des gens qui militent pour qu’on soit en pro. Certaines personnes sont convaincues qu’on tire mieux les coups francs que Ronaldo ou Messi. Ça arrive même qu’on se fasse reconnaître par des joueurs pro…
C’est avec lequel que ça vous a le plus surpris ?
Thibault : Bellingham.
Victor : Ouais. Grande dinguerie. Et on a soulevé la Ligue des champions.
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Info ou mytho ?
Victor : À la dernière finale de Ligue des champions, on a été invité par un partenaire. On a passé notre match à essayer de s’approcher le plus possible des joueurs. On tournait autour de la pelouse dans des endroits où on ne devait pas avoir accès. Les gars de la sécu nous regardaient en mode « mais c’est qui ces péquenauds ? »
Thibault : Quand le match s’est terminé, on est retourné direct aux endroits où on n’avait pas accès. À ce moment-là, on est avec les Madridistas. Les mecs de la sécu nous demandent de sortir parce que le stade allait fermer.
Victor : On repère une petite ouverture à côté du terrain et on finit par y entrer. Premier truc qu’on voit, c’est la coupe posée au milieu du stade. Personne ne la calcule. On la soulève et dans la foulée, on prend une photo avec Kroos, Ancelotti, Tchouaméni… Tu as quelqu’un qui nous demande de prendre une photo de la famille de Courtois…
Thibault : Et là, on demande une photo à Bellingham. On se présente, on dit Pitch Addict et il nous reconnaît. « Mais je regarde vos vidéos ! Toi, t’es le gaucher et lui c’est le droitier ? » Et le lendemain, on se retrouve à faire un match contre Kaká et son fils que j’ai d’ailleurs malmené. Et David Silva vient me voir à la fin du match en me disant que j’étais le meilleur joueur… On a tellement de souvenirs… Il y a même une fois où Kolo Muani nous a fait passer pour des mecs de sa famille pour qu’on puisse entrer sur le terrain.
Propos recueillis par Mohamed Bensafi
Photos : Patricija Lavrac.