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Pirès, le dernier amoureux du jeu

Par Romain Canuti
4 minutes
Pirès, le dernier amoureux du jeu

La retraite de Robert Pirès n'est pas vraiment une surprise, à 42 ans. Mais elle symbolise combien le milieu offensif aimait son sport.

Robert Pirès a dit stop. Sa carrière s’arrête, toutes les rédactions s’activent pour sortir le trombinoscope de tous les champions du monde 98 actualisé. Pas si vite. À tout moment, dans quelques jours, quelques semaines, Robbie est capable de revenir sur sa décision. Replonger par exemple pour une pige à l’autre bout du monde, comme il l’avait fait il y a deux ans en Inde. Il y a trois jours, il était tout content de relayer sur Twitter un but qu’il avait marqué dans un match de gala à Las Vegas qui regroupait Deco, Figo, Scholes, Del Piero, Cafu, Vieri ou encore Seedorf. Pirès n’a pas de problème d’argent, ou des engagements obligatoires à tenir en sous-main, ou encore un ego qui le pousse coûte que coûte à rentrer dans le Guinness Book des records. Il aime juste le football. Pas l’adrénaline que procure un but, la foule qui crie son nom, ou le plaisir d’humilier son adversaire direct avec un geste technique. Non, juste le sport en lui-même. Passer, accélérer, combiner, marquer. Aujourd’hui, cela peut paraître limite étrange.

Il manquait juste un déclic

Mais c’est pourtant ce qui a poussé Arsène Wenger à le recruter, juste après l’Euro 2000. « Robert, c’est quelqu’un qui aime vraiment le ballon. Il va être en vacances, tu vas aller lui demander sur la plage de venir parce qu’il manque quelqu’un pour faire un 5 contre 5, il va te dire oui sans hésiter » , expliquait le technicien alsacien. Sur le coup, il ne rassurait pas vraiment les fans d’Arsenal. Le garçon avait quand même été engagé pour succéder à Marc Overmars, vendu à prix d’or au Barça. Mais un an plus tard, Pirès allait mettre tout le monde d’accord. Depuis ses premiers pas à Metz en Ligue 1, en 1993, les observateurs faisaient souvent le même constat. Voilà un garçon au potentiel extraordinaire, un ailier au toucher de balle rare. Il faut juste attendre un peu que ça explose. Aimé Jacquet, qui le prend pour le Mondial 98 se dit la même chose. Mais le déclic ne vient pas. Rolland Courbis qui le recrute à l’époque pour un montant record à Marseille, le place même meneur de jeu. C’est mieux, mais ce n’est pas encore à la hauteur des promesses. Il faudra donc que Wenger s’en charge avec sa fameuse théorie du « je préfère qu’un joueur travaille ses points forts plutôt que ses points faibles » . Pour sa deuxième année chez les Gunners, Robert Pirès explose, devient l’homme du titre de 2002, élu joueur de la saison alors qu’elle s’arrête pour lui le 23 mars.

Le vrai tournant de sa carrière

L’histoire a déjà été racontée 100 fois. Dans un nouveau match où il volait, contre Newcastle, il retombe mal d’un saut pour éviter un tacle. Ça sera les croisés, pas de Mondial 2002 et cette séquence dans Les Yeux dans les Bleus 2 où Zidane vient le voir juste après le verdict du médecin, presque avec les larmes, peut-être parce qu’il comprend que sans le feu follet qui marche en canard, ça ne va pas aller du tout. Mais autant saisir sa fin de carrière officielle pour lui rendre justice : derrière cette blessure, Pirès est revenu à son meilleur niveau. Il était tout aussi fort dans cette équipe de France qui, défense exceptée, était sûrement la meilleure de l’histoire à l’Euro 2004 (Barthez dans les cages, Vieira, Makelele, Zidane et donc Pires au milieu, Henry et Trezeguet devant, ndlr). Au Portugal, la terre de ses parents, « Kalaï » comme le surnommait Dacourt, avait de quoi rêver d’un sacre. Son sommet, il était là. Mais non, les Bleus sortent sans gloire contre la Grèce en quarts. Derrière, c’est la chute, l’incompréhension avec Domenech dans les semaines qui suivent qui le boute hors de l’équipe de France, la triste fin avec Arsenal où il ne prend part qu’à un quart d’heure de la finale de la Ligue des champions devant toute sa famille au stade de France (Lehmann expulsé, Wenger le sacrifie pour faire entrer Almunia dans les cages, ndlr).

Toujours accro au foot aujourd’hui

Mais pas la fin pour autant. En 2006, en fin de contrat chez des Gunners qui refusent de lui donner plus d’un an de contrat à 33 printemps, il s’engage pour deux saisons à Villarreal. On parle alors pour lui d’une dernière pige en Liga. Quand il se refait les croisés pour un de ses premiers entraînements, les articles de fin de carrière commencent à être tapés. Au cas où. Ils resteront au chaud pendant près de dix ans. Pires fera quatre saisons dans le sous-marin jaune, à plus de trente matchs l’année en moyenne. Derrière, plus grand-chose ou presque, une pige à Aston Villa avec Houllier, une en Inde. Mais du football, toujours. Pires, qui vit aujourd’hui à Londres, aménage par exemple son emploi du temps de consultant pour pouvoir honorer un rendez-vous hebdomadaire avec des francophones de la capitale anglaise. Un 5 contre 5, évidemment. Jusqu’au jour où il ne pourra plus. Le jour de sa vraie retraite, en somme.

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