- France
- Droits TV
Piratage : le cache-misère de Vincent Labrune
Réélu à la tête de la LFP, alors que le bilan du président de l’instance a été contesté comme rarement, Vincent Labrune a immédiatement dégainé la croisade de la lutte contre le piratage pour faire diversion. Une obsession opportune qui illustre son manque de stratégie et son mépris pour les amoureux de foot.
« Dès demain, on va s’attaquer au piratage sans peur sur tous les terrains : médiatique, politique, juridique. Le piratage c’est comme voler le sac d’une vieille dame sur un marché. » Vincent Labrune a le sens de la formule, largement autant que l’un de ses principaux soutiens, Laurent Nicollin, qui demandait aux Français de renoncer à leur quatrième resto du mois pour s’abonner à la plateforme DAZN. Toutefois, la saillie du président largement reconduit monte en gamme dans le mépris de classe, et finalement trahit la vision – ou l’absence de vison – du personnage quant à la fameuse « phase 2 » de son projet.
Elle laisse entendre surtout que les personnes qui recourent aux services de l’IPTV ou encore se ruent sur Telegram sont de facto complices de recel, avec agression physique, envers cette pauvre « vieille dame » que serait le foot français. Légalement, ce parallèle est un non-sens. Le propos revient une fois de plus à considérer que le problème ne provient absolument pas du prix exorbitant de l’offre, que même DAZN, la peur aux bourses, vient de réduire (au passage en marchant sur les premiers abonnés, les grands perdants de l’histoire), mais de l’égoïsme délictueux de ceux qui se tournent vers la gratuité. L’excès et la disproportion de l’argument, alors même que Vincent Labrune se plaignait de la violence des attaques qu’il a subies dans la presse, soulignent et annoncent la suite « stratégique » de sa présidence, qui essaiera de rentabiliser au maximum les erreurs du passé, peut-être dans l’espoir que dans 18 mois, son diffuseur ne claque pas la porte et ne remette à nu les finances des clubs.
Des coups et des coûts
La disposition d’esprit capitaliste de Vincent Labrune, et de ses amis du CA qui l’ont choisi en connaissance de cause, est fascinante. Elle tient dans l’expression « Le foot est un produit premium ». D’une certaine manière, il semble donc considérer que la Ligue 1 s’apparente à l’industrie de luxe, victime de contrefaçon massive dans le souk de Marrakech ou en Asie, quand sa clientèle est fondamentalement populaire (pour mémoire, la moitié des Français ont un niveau de vie inférieur à 2000 euros par mois). Par ailleurs, l’étiquette « premium » dans le commerce actuel implique de payer un supplément pour davantage de services. Dans le cas de DAZN, le « consommateur » a perdu beaucoup en qualité et en quantité (de programmes) par rapport à Amazon ou Canal +.
Le piratage n’est pas le signe d’un désamour de nos concitoyens pour la Ligue 1 ou le club de leur cœur. Et même en Ligue 2, le combat des ultras contre la diffusion le vendredi éclaire au contraire leur attachement au bien commun du ballon rond. Mais pas n’importe comment ou à n’importe quel coût. À aucun moment le président Labrune n’a donné l’impression de vouloir se tourner vers le public, les fans, les supporters, bref le peuple du stade, sinon pour les culpabiliser et leur expliquer qu’ils devaient sortir le porte-monnaie pour essuyer l’ardoise de ses échecs.
Face à la « fraude », d’autres industries ont pourtant tenté la sortie vers le haut via, par exemple, un streaming musical vaste et accessible (ce qui pose toujours la question de la rétribution des artistes, ne soyons pas naïfs). En lieu et place, le foot offre moins bien, plus cher et on ne parlera pas de la qualité des retransmissions. Cependant, la LFP qui doit réduire ses coûts, à en croire Vincent Labrune, va plutôt payer des cabinets d’avocats pour multiplier les procédures. Souhaitons qu’il puisse toujours s’offrir son abonnement à DAZ, les temps sont durs pour tout le monde paraît-il…
Par Nicolas Kssis-Martov