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Pierre Ferracci : « On a envie que le football reste accessible »
À partir de ce samedi, il n’y aura plus besoin de débourser le moindre centime pour assister aux matchs de Ligue 2 et de D1 Arkema disputés par le Paris FC au stade Charléty. Pierre Ferracci, le président du club francilien, évoque l’intérêt et les enjeux liés à cette billetterie gratuite inédite.
Qu’est-ce qui vous a incité à instaurer une billetterie gratuite pour les matchs du Paris FC à domicile ? Il y a deux enjeux : déjà, on veut mieux remplir Charléty, parce que notre affluence reste l’un de nos points faibles. Ça, c’est l’aspect opérationnel. Mais il y a aussi un enjeu sociétal. On vit dans un monde où l’image du football est assez dégradée. On parle souvent de violence dans les stades, du poids de l’argent et de la façon très inégalitaire dont il est distribué, de racisme, de propos homophobes… Bref, on voit bien que l’image renvoyée n’est pas très bonne, que le pire est en train de l’emporter sur le meilleur. Or, pour moi, le football est un bien commun, qui doit rassembler plutôt que diviser. De ce point de vue, l’enjeu des tarifications est essentiel. C’est un sport qui devient très cher, et pas qu’en Ligue des champions. À un moment où le pouvoir d’achat de ceux qui vivent en France est très abîmé, donner un signe fort comme on le fait, c’est aller dans le bon sens. Comme beaucoup de clubs, on a déjà fait des opérations partielles de gratuité, des diminutions de tarif. Là, on franchit une étape supplémentaire. Ça donne une image du football qui me paraît sympathique, surtout qu’à chaque match, nous parrainerons une association qui s’investit elle aussi pour le bien commun.
𝐒𝐮𝐩𝐩𝐨𝐫𝐭𝐞𝐫 𝐏𝐚𝐫𝐢𝐬, 𝐜̧𝐚 𝐧'𝐚 𝐩𝐚𝐬 𝐝𝐞 𝐩𝐫𝐢𝐱 💙
🏟 Le Paris FC révolutionne sa billetterie et passe à la gratuité pour tous ses matchs de @Ligue2BKT et @D1Arkema au Stade Charléty et ce, pour toute la saison.
— Paris FC (@ParisFC) November 3, 2023
À quand remonte la réflexion concernant cette gratuité totale ?
Ça chemine sérieusement depuis le printemps dernier. On avait déjà fait des tentatives de gratuité pour sonder le marché. Contre Auxerre et Troyes, ces dernières semaines, les places étaient gratuites. Mais c’était logique, puisqu’on avait commencé la saison au stade de l’Aube (Charléty était en réfection, NDLR) et qu’on voulait marquer le coup pour les retrouvailles avec nos supporters. Et puis, on a basculé dans l’idée de le faire pendant toute la saison pour tester ce sujet grandeur nature. Peut-être qu’on le poursuivra, ça dépendra des résultats.
Comment comptez-vous compenser le manque à gagner lié aux recettes de billetterie ?
Entre la perte de la billetterie et les nouvelles dépenses qui seront effectuées pour animer Charléty de façon plus dynamique, le coût sur la saison sera de l’ordre d’un million d’euros. Nous, on a pour objectif d’atteindre 1,5 million d’euros de recettes supplémentaires. On s’appuiera sur la buvette, le merchandising, les VIP, qui continueront à payer, puisqu’ils ont accès à d’autres prestations. Surtout, on fait le pari que les recettes nouvelles obtenues auprès de nos sponsors, actuels ou futurs, dépasseront le coût que cette stratégie représente pour nous. Je ne me fais pas trop de soucis, parce que les réactions sont excellentes depuis notre annonce.
L’enjeu central, c’est donc d’augmenter les ressources issues du sponsoring ?
C’est l’une de mes marottes depuis longtemps : sur le plan économique et culturel, on doit s’inspirer du modèle allemand. Ce n’est pas là-bas que les places sont les plus chères, les stades sont souvent pleins et les grandes entreprises sont souvent présentes, comme sponsor ou actionnaire, voire les deux. Il y a Adidas au Bayern, Puma à Dortmund, Volkswagen et Mercedes à Wolfsburg et à Stuttgart… En France, on peine à attirer ces grands groupes. Moi, je pense qu’on peut aller les chercher sur le terrain de la RSE (responsabilité sociétale des entreprises, NDLR), en leur faisant comprendre qu’ils peuvent faciliter l’accès au foot, qui est tout de même le sport le plus pratiqué et le plus regardé au monde. Le Paris FC est déjà l’un des rares clubs français à avoir de grandes entreprises parmi ses sponsors, avec par exemple Vinci et ADP (Aéroports de Paris, NDLR). Et j’ajoute qu’un groupe du CAC40 devrait nous rejoindre incessamment sous peu.
🔙📺 Retour en images sur #PFCESTAC de samedi dernier (2-2).
🔵⚪ #CertifiéParis #Ligue2BKT pic.twitter.com/Q7bJqKm53F
— Paris FC (@ParisFC) October 30, 2023
Votre stratégie est-elle aussi une manière de se démarquer du PSG, qui pratique des tarifs billetterie prohibitifs pour de nombreuses familles ?
J’ai l’habitude de ne pas attaquer frontalement le PSG, parce que c’est un club voisin. Disons que c’est un signe que l’on donne vis-à-vis du football, qui devient trop cher. Ce n’est pas que le PSG, ça concerne les grands clubs en général, et même la diffusion à la télévision, quand on voit le montant des abonnements. Je suis allé voir des matchs en Angleterre, en Italie et en Espagne, et soyons clairs, c’est trop cher pour les familles modestes. Quand elles se saignent pour aller au stade, elles doivent ensuite faire des sacrifices sur autre chose. Nous, on a envie que le football reste accessible. C’est une conviction chevillée au corps, qui je l’espère restera ancrée dans le club, même quand on sera en Ligue 1.
Quels sont les publics que vous souhaitez attirer ?
Les jeunes, les familles et, dans l’ensemble, les catégories les plus modestes de la société. Honnêtement, la Ligue 2, c’est déjà un beau championnat. Quant aux filles, elles jouent le haut du tableau en D1 Arkema. On a une belle équipe, je pense qu’on peut mener la vie dure au PSG. On devrait donc aussi attirer un public intéressé par le foot féminin, même si je regrette que la gratuité ne puisse pas être appliquée aux matchs de Ligue des champions, en raison des restrictions imposées par l’UEFA. Mais je ne suis pas dupe : remplir Charléty, ça renvoie aussi à nos performances. Je ne m’attends pas à voir une affluence extraordinaire immédiatement, ça prendra du temps.
Ne craignez-vous pas que la gratuité n’ouvre un peu plus les portes à certains fauteurs de troubles ?
D’abord, il y aura une inscription en ligne, qui nous permettra de gérer les flux. Dans un premier temps, on mettra des jauges en place, match par match. Cette jauge ne sera pas la même quand on recevra Saint-Étienne ou Rodez, par exemple, et on pourra ainsi adapter notre dispositif en conséquence. Est-ce que cette gratuité va attirer davantage de voyous ou d’abrutis ? Je ne crois pas, parce qu’ils sont déjà dans les stades, et même à côté, comme on l’a vu à Marseille. Mais nous y serons attentifs, et le budget sécurité va évidemment augmenter.
Que prévoyez-vous pour les personnes qui avaient souscrit un abonnement à l’année pour suivre les matchs du PFC ?
On va les rembourser au prorata des matchs restants, ils n’ont rien à craindre. Ce serait dommage de léser nos plus fidèles supporters !
Ce dispositif est inédit en France. Pensez-vous que d’autres clubs vous emboîteront le pas à l’avenir ?
C’est inédit en France et même dans le monde, parce que la tentative du Fortuna Düsseldorf en deuxième division allemande est partielle pour le moment. On fait œuvre de pionniers, mais j’espère que nous serons suivis. Sans forcément aller jusqu’à la gratuité, une baisse des tarifs ne me paraît pas impensable. N’importe quel grand club peut se dire qu’il a la chance d’avoir des sponsors importants, des actionnaires solides. Ceux qui appartiennent à des États du Moyen-Orient ont les poches pleines, il faut être honnête. Pour eux, la billetterie ne doit pas peser énormément, ça ne doit pas les gêner dans leur développement. J’espère qu’ils feront un geste pour que les tarifications descendent et permettent aux catégories modestes de revenir au stade.
Propos recueillis par Raphaël Brosse