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Pierluigi Casiraghi : « On trouve de tout en banlieue parisienne »
Propos recueillis par Valentin Pauluzzi
5 minutes
Un Pierluigi Casiraghi peut en cacher un autre. L'ancien attaquant de la Lazio s'étant fait discret depuis quelques années, c'est bien le recruteur de l'Inter qui a pris les devants. Et il nous raconte ses secrets.
Vous avez été footballeur ?
Oui, mais j’étais tellement mauvais que j’ai eu la décence de m’arrêter assez tôt, vers mes 20 ans. J’ai tout de même joué à Lecco, qui était en Serie A dans les années 60, hein !
Et ensuite ?
Avec un groupe d’amis qui ont tous fini à l’Inter, comme l’actuel directeur sportif Ausilio, Cerrone, le masseur Frigerio, etc, on s’est rapprochés de la Pro Sesto, club de la banlieue milanaise. D’ailleurs, c’était un partenaire du Milan AC. Sa Primavera jouait au stade Breda, c’était la génération de Franco Baresi, avec Capello entraîneur. J’avais un très bon rapport avec les Rossoneri, et notamment l’ancien dirigeant Ariedo Braida. Mais c’est l’Inter qui m’a demandé un coup de main pour leur trouver un secrétaire du centre de formation. Je leur ai proposé Piero Ausilio qui était jeune et venait d’être diplômé en droit. Deux ans plus tard, il m’a contacté pour le rejoindre. J’étais tiraillé, car Baresi voulait aussi me faire venir au Milan, c’était un sacré bordel ! Au final, j’ai choisi l’Inter, et ça fait 15 ans que je suis là.
Quel est votre rôle ?
Je fais du scouting exclusivement à l’étranger, à partir de 16 ans pour l’Union européenne et à 18 pour les extracommunautaires. C’est d’ailleurs plus compliqué pour ces derniers puisqu’il faut qu’une place soit libre dans l’effectif professionnel. Du coup, on peut conclure des opérations à l’avance, c’est ce qu’on a fait avec Coutinho par exemple. On l’a acheté à 16 ans et on l’a laissé à Vasco de Gama jusqu’à sa majorité. Je couvre en gros les 16-19. Je parcourais le monde tout seul jusqu’à il y a quelques années, mais je suis maintenant accompagné de Paolo Manighetti.
Vous avez des destinations préférées ?
Oui, c’est selon le rapport qualité-prix. Le problème en Amérique du Sud, c’est qu’ils font jouer leurs jeunes très tôt pour en augmenter la valeur. Moi, je les connais tous, mais l’Inter ne peut pas rivaliser. Les Anglais arrivent, allongent la monnaie, parfois de manière exagérée par rapport aux qualités du garçon, et c’est fini pour nous, à moins d’intervenir plus tôt. En mars, j’étais au Paraguay pour la Copa América U17, mais je connaissais déjà tous les joueurs, car un an et demi plus tôt, j’avais vu l’édition U15 en Bolivie, il n’y avait que moi et le Barça. Mais comme j’ai dit, ils sont déjà trop chers.
Et en Europe ?
L’attractivité du football italien est de plus en plus basse. Avant, j’allais dans les pays de l’Est, je proposais aux jeunes de venir et ils sautaient sur leur vélo pour me rejoindre. Désormais, ils me répondent : « En Italie, les stades sont vides, je ne sais pas si je vais jouer, ou alors on va me prêter en Serie C. » Ce qui les attire maintenant, c’est la Bundesliga, ils préfèrent aller à Nuremberg ou au Werder où ils seront en équipe première à 20 ans et jouer dans des stades pleins. Comment leur donner tort ? Par exemple, j’ai tout fait pour faire venir Alaba, je lui ai proposé l’Inter et lui m’a répondu : « Mais qu’est-ce que je vais faire là-bas ? Je vais au Bayern ! »
Et donc ?
Et donc, il nous reste la banlieue parisienne où on trouve de tout. Jusqu’à il y a peu, c’était surtout Rennes, Le Havre qui se servaient. Le PSG n’avait aucune attractivité. Mais depuis quelques années, cela a changé, tous les jeunes veulent y aller, car ils ont commencé à faire un scouting local. Je dois me débrouiller pour les prendre avant. Si le PSG pose les yeux sur un jeune, je suis perdant, mais si c’est Rennes ou Le Havre, je peux encore rivaliser. L’Inter fascine toujours. Par exemple, Axel Bakayoko, l’attaquant des U16 de Cauet, pouvait aller à Lyon, je lui ai dit : « Écoute, que tu quittes Paris pour Lyon ou Milan, c’est la même chose. » Le rapport qualité-prix est incomparable, car si je veux un joueur aussi fort en Italie, il me coûtera 10/15 fois plus cher.
Donc, vous négociez avec les clubs amateurs ?
Le sélectionneur de l’équipe Île de France est un ami à moi et je suis certain d’avoir de bonnes infos. Je vais voir les équipes que personne ne connaît et, avec les amateurs, je trouve souvent des accords, car je suis connu et respecté. J’ai toujours tenu mes promesses, contrairement à d’autres clubs italiens ou agents. Et puis, le règlement m’avantage. Si un garçon du Red Star, du Blanc-Mesnil va au PSG ou à Lyon, le club ne perçoit aucune indemnité, ce qui n’est pas le cas s’il va à l’étranger. Alors, je dis aux dirigeants : « De 0 à 100, vous préférez 30 ou rien ? » Il y aussi le rapport avec la famille. Vous savez, si vous remboursez tous les frais du petit, c’est déjà beaucoup pour eux. Ce sont quelques atouts que j’ai en ma faveur. C’est comme cela que j’ai réussi à faire venir Axel Gravillon du FC Garches. J’en ai pris un autre qui aura 16 ans le 14 janvier prochain, mais je le fais venir dès août. Je ne le laisse pas à Paris afin de l’éloigner des tentations des autres clubs. Il s’entraînera, puis jouera à ses 16 ans.
Vous allez voir ailleurs en France ?
Je suis allé à Lyon quelques fois. J’ai croisé Gérard Bonneau et Florian Maurice qui m’ont lancé en rigolant : « « Casi », reste loin de tout ça, ne vient pas nous casser les pieds ! » Et là, j’ai dit stop, c’est une question de respect, on ne va pas se disputer pour des broutilles. Il y a du boulot pour tout le monde, il faut juste se bouger et avoir du flair.
Vous avez 75 ans, pensez-vous continuer encore longtemps ?
Tant que la santé suit. Le 2 juin 2014, j’assistais au Tournoi de Toulon et j’ai eu un malaise, je suis resté trois heures dans la voiture à récupérer. Heureusement que Manighetti était là. J’ai été hospitalisé d’urgence pour insuffisance respiratoire. On m’a fait un check-up complet et heureusement, il n’y avait aucune complication tumorale. J’avais 50 ans de Marlboro dans les poumons, tout était goudronné et plus rien ne fonctionnait ! Ils m’ont gardé 36 jours, je suis ressorti comme neuf et je n’ai plus jamais retouché une clope depuis ! J’ai compris la leçon… J’ai décidé de faire encore deux ans, car je veux finir de former le groupe des actuels U16 qui sera alors en Primavera. Ensuite, concernant le niveau auquel ils exerceront le métier de footballeur, cela ne dépend que d’eux. Moi, j’ai fait mon travail.
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Propos recueillis par Valentin Pauluzzi