Pickford, portier de luxe

En quinze jours, la Premier League a encore prouvé qu’elle brassait énormément de pognon. Comment ? En laissant deux de ses enfants signer des chèques faramineux pour des jouets que personne n’aurait imaginé payer si cher. Ainsi, Manchester City n’a pas attendu le mois de juin pour proposer 42 millions au Benfica Lisbonne en échange d’Ederson Moraes, devenu le deuxième gardien le plus cher de l’histoire derrière les 53 millions de l’éternel Gianluigi Buffon. Deux semaines plus tard, Everton s’inspirait de Manchester en offrant 34 millions à Sunderland pour récupérer Jordan Pickford, portier de 23 ans qui est désormais le troisième rempart le plus coûteux de l’histoire du football. Insensé en apparence.

Un coach sur la pelouse

Arrêtons-nous donc sur le dernier cité. International anglais dans toutes les catégories de jeunes, Pickford a énormément voyagé dans son pays depuis ses débuts en 2012. Prêté dans pas moins de six clubs en l’espace de quatre saisons, Jordan s’est forgé loin de l’élite dans un premier temps. Titulaire dans chaque équipe où il est passé, le Britannique a convaincu partout. Notamment à Carslile, où Charni Ekangamene a joué à ses côtés en 2014. « C’est un très bon goal, avec vraiment beaucoup de talent et des réflexes énormes, assure l’attaquant belge qui a aussi connu Manchester United. Il dispose d’une bonne vision de jeu, il sait toujours ce qu’il doit faire et le fait avec le bontiming. Quand il doit sortir, il sort. Il est très complet sur sa ligne. Quand tu joues avec lui, tu te sens en confiance, en sécurité. C’est ça le truc. En plus, il est très sympa, très calme, il parle à tout le monde. Il n’y a jamais aucun problème avec lui. Un chouette gars. »

Quoi d’autre ? « Il a des capacités de leader. Il te coache, en fait. « Montez ! » « Écartez ! » « Revenez ! » « Mettez à droite ! » C’est vraiment un patron derrière. Et il a un super pied gauche, qu’on ne retrouve pas chez les gardiens en général. Quand il tente une passe longue, tu peux être sûr que le ballon arrive à destination. » Un gardien très complet qui n’aurait donc aucun point faible. Vraiment ?

Adapté à la Premier League et sauveur inutile

Chris Kirkland, ancien international et ex-partenaire du protagoniste à Preston North End en 2015, ne dit pas autre chose sur Sky Sport : « C’est le meilleur avec qui j’ai travaillé. C’est un garçon très confiant et il n’a pas de faiblesse dans son jeu.(…)Il a quelque chose de spécial.(…)Everton possède un gardien fantastique.(…)J’ai dit à Liverpool de le signer il y a 18 mois. » Si le bonhomme a pu se montrer en 2016-2017 et attirer le regard des Toffees, qui devaient alors se contenter de Maarten Stekelenburg, c’est parce que son faible Sunderland lui en a donné l’occasion. Lanterne rouge du classement avec la deuxième plus mauvaise défense, Pickford, souvent abandonné, a parfois dû réaliser des miracles. Même si le maintien aurait réclamé encore bien davantage. « C’est à Sunderland qu’il a montré l’étendue de son talent, reprend Charni Ekangamene. Si les prêts lui ont fait du bien, c’est là-bas qu’il s’est vraiment trouvé, notamment lors des moments difficiles traversés par son club. Aujourd’hui, certains sont étonnés de ce transfert. Mais moi, je savais qu’il allait finir dans un club pareil. J’en étais sûr. Il le mérite. »

Reste la question facile partagée avec Ederson, qui a le même âge, qui n’a lui aussi qu’une seule saison au plus haut niveau dans les jambes et que City n’est même pas certain de faire jouer titulaire : vaut-il réellement son prix ? « C’est le jeu du marché d’aujourd’hui, répond Charni Ekangamene. Les prix flambent, c’est comme ça. Tout le monde parle des sommes, mais tout a changé en Angleterre. Avant, quand tu achetais quelqu’un trente ou quarante millions, c’était un grand joueur. Plus forcément maintenant. » Celui que beaucoup voient comme le prochain portier des Three Lions partage certainement cette vision. Et préfère relativiser ses 34 millions dans des propos relayés par ESPN : « C’est juste un chiffre, n’est-ce pas ? C’est mon travail d’être gardien de but, d’éloigner les ballons de mes filets. Et c’est ce que j’ai fait.(…)Ce n’est qu’un chiffre, ça ne me touche pas. » Après tout, le record de Buffon sera bien battu un jour…