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Philippe Montanier, un parieur en perte de vitesse ?
La nouvelle n'a pas fait grand bruit et pourtant elle a de quoi surprendre. Près de cinq mois après avoir été prié de prendre ses cliques et ses claques et de débarrasser le plancher rennais, Philippe Montanier s'est engagé pour deux saisons avec le modeste, mais non moins mythique, club de Nottingham Forest en Championship. Un choix de carrière qui peut étonner tant la trajectoire du technicien français semblait jusque-là parfaitement ascendante. Analyse.
Il n’y a pas si longtemps, trois ans exactement, Philippe Montanier était l’homme qu’il était bon d’avoir sur son banc. Celui qui faisait beaucoup, au niveau des résultats, avec peu, du point de vue des effectifs mis à sa disposition. Au terme d’une saison 2012-2013 couronnée de succès avec la Real Sociedad, club basque avec lequel le Francès termine à une splendide 4e place de Liga, Monty est nommé meilleur entraîneur du championnat espagnol.
Pas mal quand vos concurrents se nomment Tito Vilanova, José Mourinho ou Diego Simeone. Dès lors, plus rien ne pouvait l’arrêter. C’est du moins ce que tout le monde pensait. Mais des hypothèses prometteuses à la réalité, il y a un pas qui n’est pas toujours simple à franchir. Tout est une question de choix de carrière et le sien, en signant au Stade rennais, n’est alors peut-être pas le bon. Pourtant jusque-là, Montanier avait fait un sans-faute.
Une trajectoire linéaire
Lancé dans le grand bain du coaching à l’été 2004, après avoir appris le métier en tant qu’adjoint de Robert Nouzaret à Toulouse, Bastia, puis avec la sélection ivoirienne, le natif de Vernon choisit le club de Boulogne pour se faire la main. Une main gagnante, puisque Montanier conduit l’USBCO de la CFA à la Ligue 1 en l’espace de cinq saisons. Jugeant avoir fait son temps du côté de la Côte d’Opale, il décide de plier bagage et de se poser non loin de là, à Valenciennes. Là-bas, rebelote. Malgré un début de saison compliqué, le club valenciennois réalise son meilleur parcours depuis des lustres et achève l’exercice 2009-2010 à une très honorable 10e place.
Le beau jeu pratiqué par la bande à Philou bluffe tous les observateurs avisés, Français et étrangers, au point de voir son équipe affublée du surnom – un poil exagéré – de « Barça du Nord » . Si la comparaison est osée, elle veut bien dire ce qu’elle veut dire. Oui, Montanier aime le beau jeu et la technicité, et il n’y a qu’à voir ses méthodes d’entraînement, qui ne se font jamais sans ballon aux pieds, pour s’en convaincre. En sept ans, l’ancien gardien de but est donc devenu un coach respecté, aux idées claires et aux ambitions affichées.
Dès lors, le costard d’entraîneur de petits clubs français lui semble de plus en plus étroit et son avenir dans l’Hexagone s’écrit en pointillé. Ainsi, à la fin de la saison 2010-2011, Monty plaque le Nord et son ciel gris pour rejoindre le Pays basque espagnol, non sans soulever quelques interrogations. « Son choix de partir vers l’Espagne, ça nous a surpris, expliquait Francis Decourrière, le président valenciennois dans les colonnes de Ouest-France en juin 2013. Mais passé le coup de la déception et surtout lorsqu’il a expliqué les raisons de son choix, les données étaient claires. » Car oui, l’homme est ambitieux et sûr de sa force. Et finalement, quand on regarde dans le rétro de l’histoire, il est difficile de remettre en cause son choix de traverser les Pyrénées. Mais au jeu comme en amour, la chance finit toujours par tourner. Et en décidant de se rapatrier en France pour signer un contrat de trois ans avec le Stade rennais, Montanier vient peut-être de faire sa première erreur de jugement.
Rennes, le gros couac
Certes, sur le papier, le projet du Stade rennais est loin de sentir le moisi. Sur le papier seulement… Un grand et beau stade, un centre de formation ultra-moderne et reconnu de tous, et des moyens qui, s’ils ne ressemblent pas à ceux du Lyon ou du Marseille de l’époque, doivent tout de même permettre de faire passer un cap aux Rouge et Noir. Oui mais voilà, ils sont nombreux à s’être laissés séduire par l’idée de faire de Rennes une écurie digne du top 5, et sont tout aussi nombreux à s’être ramassés la gueule en beauté, les ambitions des dirigeants se confrontant souvent à une frilosité financière. Mais il serait trop facile de dire que l’ami Monty n’est pour rien dans l’échec patent du SRFC sur ses trois dernières années.
Une première saison d’adaptation conclue par une 12e place en L1 et une finale de Coupe de France perdue contre le voisin guingampais, une seconde saison décevante malgré les pleins pouvoirs sur le plan sportif, et une troisième qui, paradoxalement, aura été celle de trop malgré une 6e place au classement au mois de janvier, cela reste bien maigrichon. Le bilan du bonhomme n’est donc pas vraiment à la hauteur des espoirs placés en lui. Quand il évoque sa dernière – demie – saison en Bretagne, Philippe Montanier réfute pourtant l’idée d’un échec. D’ailleurs les chiffres parlent pour lui. « Quand je suis parti, on était sixièmes à trois points du podium, quatrième attaque, et avec quatre matchs perdus (sans oublier les tristes éliminations dans les deux coupes nationales, ndlr) sur vingt et un, lâchait-il récemment à France Football. Finalement, à l’arrivée, Rennes a terminé huitième, à treize points du podium. Avec sept (huit en réalité, ndlr)matchs perdus sur dix-sept, donc je n’ai pas l’impression d’avoir eu un bilan si négatif. »
Le pari à ne pas manquer
Après s’être retiré du game pendant près de cinq mois, entre repos et pige de consultant à France Info durant l’Euro, l’heure des choix se présente à nouveau à lui. Alors qu’il a des touches du côté de Lens et de l’AEK Athènes, le technicien français met finalement tapis en acceptant le pari de l’Angleterre et du Championship, en signant un contrat de deux ans avec Nottingham Forest. C’est sans équivoque un choix original pour celui qui avait jusque-là connu une trajectoire de carrière fulgurante. Alors, coup d’arrêt ou coup de génie pour mieux rebondir ?
Fidèle à ses certitudes, Montanier ne voit pas cela comme une régression comme il l’expliquait, toujours dans les colonnes de France Football : « Le Championship reste un championnat extrêmement relevé, avec de grosses écuries comme Newcastle, Norwich, Aston Villa et d’autres grands noms comme Sheffield Wednesday. Ça ne me dérangeait pas du tout d’aller dans cette division. L’Angleterre était une réelle envie, et ce, depuis que je suis joueur. » S’il affiche de grandes ambitions (l’accession à la Premier League d’ici maximum deux ans) avec un club qui n’a pourtant terminé que 16e lors du dernier exercice 2015-2016, il ne faudrait pas que ce nouveau challenge se termine en eau de boudin. Car les paris ont ça de risqués qu’au deuxième échec consécutif, il n’y a plus rien à miser sur le tapis…
Par Aymeric Le Gall