- France
- FFF
Philippe Diallo : l’homophobie, c’est les autres…
Distillant une communication davantage policée que celle de son ancien mentor Noël Le Graët, Philippe Diallo ne se distingue de son prédécesseur que sur la forme. Pour preuve, l’aveuglement qui persiste concernant l’homophobie dans le foot.
« Je ne vois pas en quoi le football aurait un problème particulier avec l’homophobie. (…) Ça reste très marginal. Mais peut-être que la réflexion doit être de savoir comment mieux faire passer le message. On doit être dans un travail de pédagogie, éduquer et parfois sanctionner. » Les propos de Philippe Diallo dans sa longue interview accordée au Parisien étaient forcément appelés à susciter quelques réactions. Peu importe si ensuite il essaie de jouer le bon élève en la matière : « Il ne peut pas y avoir d’ambiguïté sur l’homophobie. On soutient totalement la ligne de la LFP sur ce sujet-là. Quelle que soit son origine, son orientation sexuelle, tout le monde doit avoir sa place. » Problème, comment résorber une discrimination, et ses mécanismes, si on en nie la réalité ?
Nicolas Pottier sort du silence
Effectivement, l’homophobie et la transphobie (le débat sur les athlètes trans n’a pas fini de déranger les instances sportives) demeurent et peut-être même s’aggravent dans l’ensemble de la société, comme en témoignent les agressions au quotidien, mais aussi les discriminations qui frappent toujours les personnes LGBTQI. La mobilisation de la dernière marche des fiertés était empreinte de cette angoisse. Dans le football, des affaires autour de cette problématique ont régulièrement défrayé la chronique. Le refus du port du symbole arc-en-ciel par certains joueurs – une opération pourtant promue par la Ligue de football professionnelle dans le cadre de la journée mondiale contre l’homophobie –, en avait témoigné.
Sans parler évidemment des révélations de l’ex-arbitre Nicolas Pottier (enquête à retrouver dans So Foot n°207 actuellement en kiosques) au sujet des non-dits et d’une chasse aux sorcières, a jeté une nouvelle lumière sur l’ampleur structurelle du phénomène. Dans le monde du foot prédomine encore la règle du « don’t ask, don’t tell », alors que malgré tout, les droits LGBT ont progressé. La petite ritournelle du « il ne s’agit que de la vie privée, cela ne nous regarde pas » fait encore florès, y compris sur les plateaux télé. Or, aucun footballeur hétéro ne considère que son orientation sexuelle doit être cachée ou ne se demande s’il osera se rendre aux trophée UNFP avec sa compagne ou son épouse par peur des conséquences pour sa carrière.
Les exemples Ouissem Belgacem et Marinette Pichon
Longtemps focalisé sur les banderoles ou les insultes qui pleuvent depuis les tribunes, la question de l’homophobie concerne aussi, et d’abord, les clubs et évidemment l’élite professionnelle. Sur un corpus de plus de 1300 footballeurs pros dans l’Hexagone, il n’y a pas eu le moindre coming out. Ouissem Belgacem, ancien joueur du TFC, avait raconté en détail comment son homosexualité avait cassé sa carrière de footballeur, notamment en raison de la pression de l’écosystème dans lequel il devait bosser. Dans le football féminin, la situation ne s’avère guère, contrairement aux idées reçues, plus favorable. Le biopic sur Marinette Pichon illustre aussi le chemin qu’il reste à parcourir en ce domaine.
Pourtant, à la base, les lignes bougent quelque peu. Des clubs LGBT, comme les Dégommeuses ou le Paris Arc-En-Ciel, se mobilisent et surtout occupent le terrain dans toutes les disciplines, à l’image des Roucoulettes dans le handball par exemple. Des associations se rendent dans les centres de formation, un milieu souvent hostile, pour effectuer un travail fastidieux et nécessaire de déminage des préjugés. Les déclarations du nouveau président de la FFF, déconnectées du réel, niant la réalité brute des faits autant que les pesanteurs culturelles à l’œuvre au sein du petit monde du ballon rond, sabotent en quelque sorte ce travail de fond. Travail cependant essentiel si le foot veut continuer de jouer son rôle dans la société dont il se prévaut si souvent.
Par Nicolas Kssis-Martov