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Philippe Diallo : faux intermittent, vrai successeur
Présenté comme un intermittent en charge de gérer la crise de gouvernance de la fédération, Philippe Diallo va probablement être reconduit dès l’AG du 10 juin prochain, avec l’approbation du comex. Si ni son parcours ni son profil ne ressemblent à celui de Noël Le Graët, il incarne malgré tout la continuité de l’ancienne FFF.
Une actualité chasse l’autre. La FFF ne fait plus les gros titres, et les affres du PSG monopolisent l’attention des réseaux sociaux. L’occasion rêvée pour le comex et son petit monde de gens de bonne compagnie de reprendre tranquillement le cours de leur paisible vie de notables du foot, comme si de rien n’était ou surtout rien ne devait être changé. Philippe Diallo avait été nommé président (il était déjà vice-président) par intérim lorsqu’il a fallu remplacer Noël Le Graët au moment où ce dernier acceptait enfin de quitter son poste. Une démission finalement consentie le 28 février après une mise en retrait le 12 janvier, un sacrifice pour « la famille » afin de calmer l’État et surtout éloigner la tempête médiatique. Une standing ovation plus tard et quelques larmes d’émotion essuyées devant les caméras, son successeur rentrait aisément dans le costume pour expédier les affaires courantes. Il devrait finalement se voir intronisé jusqu’à la fin de l’actuel mandat, en décembre 2024. Le personnage reste peu connu du grand public. Son image demeure encore celle d’un gestionnaire, d’un cadre propre sur lui, d’un homme issu du foot pro, mais celui des réunions dans des bureaux confortables où l’on apporte le café sur la table.
Il connaît ainsi fort peu les problèmes des clubs amateurs, apparemment pas un handicap dans une FFF qui ne semble se préoccuper que des sélections nationales. Pour calmer éventuellement les ronchons d’en bas, les deux sièges manquants au comex – dont celui de Jamel Sandjak, président de la Ligue Paris-Île-de-France, seul démissionnaire de l’ancienne équipe élue sur la liste présentée par Noël Le Graët – devraient échoir à des représentants des districts. Rien qui ne puisse inquiéter Philippe Diallo. Pas plus d’ailleurs que l’éventuel appétit de possibles rivaux autour de la table. Marc Keller, boss du Racing Club de Strasbourg, s’est certes peut-être imaginé un temps endosser les habits du dauphin. Jean-Michel Aulas était souvent pressenti comme un prétendant légitime, avec une aura certaine, au-delà même du seul football. Aucun des deux n’avait clairement l’envie ou l’intention de lancer une guerre de succession, trop précoce au regard du contexte. La FFF ressemble peut-être à un épisode de Game of Thrones, mais écrit par les scénaristes de Plus belle la vie.
Il est illusoire d’espérer un changement
De fait, le maintien de Philippe Diallo constitue en soi un sérieux affront envers le ministère et surtout le fameux rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche. Ce dernier pointait de graves dysfonctionnements, structurels et de gouvernance, au sein de la direction fédérale, dont l’ensemble des membres du comex, Philippe Diallo y compris, étaient comptables et responsables, ne serait-ce que par inaction ou complaisance. Pour l’instant, l’unique victime de ce diagnostic s’appelle Florence Hardouin, virée sans ménagement puis remplacée par un homme du cénacle Jean-François Vilotte (ancien du cabinet de Jean-François Lamour, ministre des Sports sous Nicolas Sarkozy, puis DG à la FFT) . Elle va porter le contentieux avec son ex-employeur devant les prud’hommes.
Au-delà de la personne de Philippe Diallo, cette continuité sans remords qui ne dit pas son nom illustre à quel point il s‘avère illusoire d’espérer un changement, une prise de conscience ou un sursaut éthique, de l’intérieur. La FFF ne pourra changer et prendre la mesure des enjeux soulevés ces derniers mois sans une pression politique extérieure ni une transformation de ses statuts ou de ses modes d’élection. Le départ de Noël Le Graët, dont il paraît qu’il est encore fort écouté, notamment par son ancien vice-président, n’est pour l’instant qu’un accident industriel vite corrigé.
Par Nicolas Kssis-Martov