- Foot & religion
Philip Mulryne, d’Old Trafford au couvent
Les journaux irlandais adoraient raconter ses escapades nocturnes et ses aventures avec des mannequins. Ce week-end, Philip Mulryne, le natif de Belfast et ancien joueur de Manchester United, a fait la une de la presse pour une tout autre raison : il a été ordonné prêtre à l’église dominicaine Saint Saviour de Dublin. Peu connu en France, celui qui a disputé 27 matchs avec l’équipe d’Irlande du Nord avait pris l’habitude de faire parler de lui pour ses frasques extra sportives. Exclu de la sélection nord-irlandaise en 2005 après une nuit trop arrosée, l’ancienne star de Norwich City avait de nouveau fait les gros titres au mois de septembre dernier lorsqu'il avait été déclaré en faillite par le tribunal de Belfast. Il entame aujourd’hui une vie bien différente.
« Pour être honnête, c’est quelque chose sur quoi je n’arriverai pas à mettre des mots. C’est un peu un mystère. Toutes les vocations, en particulier celle de prêtre, sont un appel, très difficile à expliquer. Juste un désir que j’ai commencé à avoir. Comment je suis passé de footballeur à prêtre ? Je ne sais pas et je vais certainement passer le reste de ma vie à chercher la réponse. » Philip Mulryne ne parle quasiment jamais de sa nouvelle vie. Depuis qu’il a choisi de se consacrer entièrement à la religion, ses interventions publiques sont rares. Cette citation, extraite d’une vidéo diffusée par la BBC sur son site internet, est l’une des seules où l’on entend l’ex-joueur de Manchester United évoquer les raisons de son choix.
Samedi dernier, à l’église dominicaine Saint Savour de Dublin, il a officiellement été ordonné prêtre par l’archevêque Joseph Augustine Di Noaia, venu spécialement de Rome pour l’occasion. Le couronnement d’un parcours débuté en 2008, à l’invitation du prêtre Noel Treanor. Après avoir participé à plusieurs actions caritatives, l’ancien international nord-irlandais se décide à consacrer sa vie à la religion. Il prend alors les chemins du collège pontifical irlandais de Rome, pour y étudier la philosophie pendant deux ans, puis la théologie pendant quatre ans.
Dieu lui souriait déjà à Norwich
C’est dans sa période romaine que Paul McVeigh, ancien joueur de Norwich, et meilleur ami de celui qu’il faut désormais appeler père, était allé le rencontrer pour la première fois depuis sa conversion. Il s’était ensuite confié au Catholic Herald : « À ma plus grande surprise, et à la plus grande surprise de beaucoup dans le monde du football, Phil a décidé de suivre une formation pour devenir prêtre, j’ai toujours été en contact avec lui et je savais qu’il avait changé de vie, qu’il s’était engagé dans beaucoup d’actions de charité, et qu’il allait aider les sans-abris toutes les semaines. Malgré tout, j’ai été totalement choqué d’apprendre cette nouvelle. » Contacté par nos soins, Paul McVeigh n’a pas souhaité réagir. Les différentes paroisses où exercent les prêtres qui ont influencé Philip Mulryne n’ont donné suite ni à nos emails ni à nos appels.
Pour causer de Phil Mulryne, il a donc fallu passer un coup de téléphone en Angleterre. Plus précisément à Norwich, où le Nord-Irlandais est resté comme un joueur important dans l’histoire du club. Il y a passé six ans, de 1999 à 2005 et a été un des grands artisans de la remontée de Norwich en Premier League en 2004. Robin Sainty, supporter inconditionnel des Canaries, admet que Philip Mulryne l’avait particulièrement marqué : « La première chose qui me vient à l’esprit quand je pense à lui, c’est le coup franc magnifique qu’il avait marqué contre Grimbsy pour son deuxième match avec nous. Il était très attendu par les fans car il venait de Manchester United et il avait joué dans leur académie avec Beckham, Giggs, etc. Il a rapidement su nous conquérir par son habilité à créer des occasions et à marquer des buts. »
Son plus grand souvenir ? Un but que le nouveau prêtre avait marqué en 2004, lors de la remontée de Norwich, dans lequel Robin Sainty voyait déjà une intervention divine. « On jouait un match compliqué à Reading, en fin de saison et on devait absolument gagner. Il entre en fin de match alors qu’on était à égalité. Là, par chance, le gardien adverse rate son dégagement qui tape sur le dos de l’arbitre, Phil récupère le ballon et s’en va marquer le but de la victoire. Je crois que Dieu lui souriait déjà à cette époque. » En revanche, lorsqu’on évoque avec lui la nouvelle vie dans laquelle son ancien joueur s’apprête à s’engager, Robin Sainty n’a pas tout à fait la même réaction : « Pour être honnête avec vous, c’est bien le dernier que j’aurais imaginé devenir prêtre. C’était vraiment le footballeur typique, qui sortait avec des mannequins, et qui aimait beaucoup l’argent, parfois même un peu trop. »
Soirées, mannequin et addiction à l’argent
Durant sa période à Norwich, le milieu de terrain faisait en effet régulièrement les gros titres des magazines people pour sa relation présumée avec la mannequin Nicola Chapman. Et quand il rentrait au pays, ce n’est pas la presse catholique qui parlait de lui, mais plutôt la presse sportive qui relayait ses nuits d’ivresse, comme ce matin de septembre 2005 où, en pleine préparation de matchs qualificatifs pour la Coupe du monde, Lawrie Sánchez, le sélectionneur de l’époque, avait dû se présenter devant la presse pour annoncer le renvoi de Philip Mulryne et Jeff Whitley. « Deux joueurs n’ont pas respecté le couvre-feu et ont été renvoyés dans leur club. Dans toutes les organisations, vous devez avoir des règles et ils ne les ont pas respectées. Je suis très déçu qu’ils nous abandonnent » , avait expliqué l’entraîneur. La veille, les deux joueurs étaient sortis à Belfast, ratant par la suite une séance d’entraînement et un briefing d’équipe.
Après avoir arrêté sa carrière en 2008, Phil Mulryne n’avait pas totalement disparu des journaux irlandais et britanniques. Au début du mois de septembre dernier, il avait été déclaré en faillite par la grande cour de Belfast. Celui qui gagnait 500 000 euros par an lorsqu’il était joueur à Norwich aurait, selon plusieurs médias dont le Manchester Evening News, investi massivement dans un fonds qui exploite une faille juridique donnant des avantages fiscaux à ceux qui mettent leur argent dans l’industrie cinématographique. Problème, ce fonds serait devenu une cible privilégiée de l’HMRC (Her Majesty’s Revenue and Custom’s) un département non ministériel consacré à la collecte des taxes au Royaume-Uni. À aujourd’hui 39 ans, Philip Mulryne débute donc une toute nouvelle vie, très loin de l’argent et des mannequins.
Par Charles Thiallier à Dublin.
Credits photos : Irish Province of the Dominican Order et www.dominicans.ie