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Peut-on dire en 1 mois que Van Gaal a déjà relevé Manchester ?
Avant même sa prise de fonctions à Manchester United, Louis van Gaal suscitait l'enthousiasme. Seulement quelques semaines après avoir enfilé le costume de manager, le Néerlandais a déjà apporté un nouveau souffle à un club encore marqué par sa dernière saison calamiteuse. Entre idées novatrices et profonds changements, le nouveau visage des Red Devils se dessine peu à peu, mais devra encore attendre avant d'être totalement refait.
Les statistiques n’offrent aucune certitude, mais certains chiffres suffisent à traduire de profondes différences. Ou du moins, en premier lieu, à dégager une impression générale. Moins d’un mois après sa prise de fonctions officielle à Manchester United, dans le sillage d’un Mondial mené d’une main de maître avec les Pays-Bas, Louis van Gaal a déjà sorti de la torpeur des supporters minés par une saison dernière lugubre. Par son charisme, évident, mais, surtout, par des résultats probants.
Pour leur tournée américaine en guise de pré-saison, les Red Devils ont effectué un parcours sans accroc, ponctué d’une victoire honorifique à l’International Champions Cup. Cinq matchs, cinq victoires. Seize buts claqués pour seulement quatre concédés. A contrario, David Moyes, le « Chosen One » déchu, avait connu lors de sa pré-saison des débuts tumultueux avec un bilan de deux succès, deux nuls et trois défaites en sept matchs (dont treize pions encaissés). Et ce n’était pas le Real Madrid, Liverpool ou la Roma en face – certes tous en rodage -, mais Yokohama F. Marinos, Cerezo Osaka ou encore AIK… Si les rencontres de préparation ne préfigurent en aucun cas la saison à venir, elles peuvent, tout de même, livrer certains enseignements. Comme l’idée que cet United-là a retrouvé de l’élan.
La touche Van Gaal
L’un désarçonné, semblant subir les événements, presque engoncé dans son costume de manager, l’autre le regard déterminé et une assurance désarmante. Entre Moyes et Van Gaal, la différence a été manifeste. Dès la présentation, dès les premiers mots posés. « Nous avons immédiatement vu que Louis van Gaal n’est pas David Moyes. Il a introduit de profonds changements dans un court espace de temps, à la fois sur et hors du terrain » , précise Robert Dawson, journaliste au Manchester Evening Newsqui a couvert la tournée américaine de Manchester United. Précédée d’une réputation de technicien pointilleux, la « Tulipe de Fer » a rapidement pris ses marques.
Louis van Gaal a ainsi, d’abord, enjoint à ses joueurs de toujours déjeuner ensemble au club. Puis demandé à ce que toutes les pelouses du centre d’entraînement de Carrington soient remplacées par du gazon hybride, le même déjà utilisé à Old Trafford, et que des arbres y soient implantés afin de protéger les terrains du vent. Mais le caractère méticuleux de l’ex-coach de l’Ajax va même plus loin. Ce dernier a obtenu, après l’accord de ses dirigeants, l’installation de caméras HD tout autour de Carrington dans le but d’évaluer quotidiennement ses ouailles. Un homme à poigne, dont l’autorité ne se discute pas, avec une méthode définie et assumée. « Je dis les choses comme elles sont, donc vous devez vous adapter à cette manière de coacher » , martelait encore récemment le Dutchman. Et ce discours empreint d’assurance a indubitablement emporté l’adhésion des joueurs.
Du 4-4-2 fergusonien au 3-5-2
Si Van Gaal a sitôt soulevé l’enthousiasme, c’est parce qu’il a d’abord asséné certaines vérités dérangeantes. Seulement quelques jours après sa prise de fonctions, il n’avait pas hésité à juger l’équipe mancunienne comme « déséquilibrée » et « incomplète » . À partir de ce constat, le Néerlandais a fait preuve de pragmatisme. Et mis fin à un dogme cher à Sir Alex Ferguson : le 4-4-2. « La plus grande transformation est le changement de système avec le passage au 3-5-2, analyse Steve Brenner, reporter au Times et au Guardian, lui aussi présent lors de la tournée américaine du club. Traditionnellement, United a toujours joué avec quatre défenseurs derrière, donc c’était fascinant de voir cette initiative de la part du nouveau manager. Le problème est que pour jouer avec un back-four, vous devez avoir des défenseurs centraux de qualité et, pour le moment, c’est quelque chose que United n’a pas. » Comme avec les Oranje cet été, Van Gaal s’est adapté à ce qu’il avait sous le coude. Tout en dégageant un projet de jeu limpide, ce que Moyes a été incapable de faire en neuf mois.
Du mouvement, des combinaisons rapides et courtes, une volonté de constamment se projeter vers l’avant et, surtout, un style de jeu désormais basé davantage sur la possession que la contre-attaque. Pour remettre partiellement d’aplomb un Manchester United ébranlé et émietté, le technicien de 63 ans a dû bousculer les habitudes de l’effectif. Comme sur cette vidéo où on l’aperçoit donner des conseils à Valencia et Rooney pour aborder un face-à-face avec un gardien.
Une remise en question et une nouvelle philosophie appréciées par tout un groupe. « Je pense que le système convient à l’équipe, pas uniquement à moi, détaillait « Wazza » début août. Le manager est arrivé, a dit qu’il voulait jouer dans un style différent et nous avons dû nous adapter. C’est un entraîneur dur, mais il a été formidable depuis qu’il est arrivé. Il nous a donné à tous une nouvelle façon de regarder le football, différente de celle qu’on avait avant. » Au-delà de toutes considérations tactiques, Van Gaal a rasséréné des joueurs en manque total de confiance la saison dernière. En témoignent Young et Smalling, métamorphosés durant les matchs de préparation. « Van Gaal a réussi à redonner confiance à l’équipe en seulement quelques semaines. Et c’est sans doute encore plus important que le changement de système » , souligne Dawson.
« Dans tous les clubs où j’ai été, cela a été difficile les trois premiers mois »
Les promesses de revoir un jour Manchester United au top sont réelles. Les certitudes à court terme, elles, demeurent pour le moment inconnues. L’ancien coach du Barça et du Bayern a d’ailleurs prévenu qu’un délai de trois mois serait nécessaire avant de voir le véritable visage de sa formation. Le temps qu’elle s’imprègne pleinement de ses principes. « Dans tous les clubs où j’ai été, cela a été difficile les trois premiers mois. Après ça, les joueurs savent ce que je veux, qui je suis en tant qu’homme et comme manager. La manière dont j’entraîne passe par le cerveau et non les jambes » , a-t-il assuré fin juillet. Du temps, Van Gaal et ses joueurs en auront. Jusqu’au 5 octobre, où ils recevront Everton, nouveau prétendant au Big Four, les Red Devils bénéficient d’un calendrier plus que clément (successivement Swansea, Sunderland, Burnley, QPR, Leicester et West Ham). De quoi engranger des points et raffermir certaines convictions avant des rendez-vous d’un tout autre calibre. Mais hormis la période de rodage, la principale interrogation demeure la qualité de l’effectif. Les exhibitions outre-Atlantique ont étalé des lacunes évidentes aux yeux de tous. « Van Gaal a déjà réparé beaucoup de dégâts causés par Moyes, mais de nouvelles signatures – un ailier, un défenseur central et un milieu – sont nécessaires. Il fera de son mieux avec ce qui a été laissé, mais il faudra au moins un an et deux mercatos supplémentaires avant une totale reconstruction » , avance Brenner. Deux recrues supervisées par le board mancunien sous Moyes, Luke Shaw et Ander Herrera (qui a déjà fait forte impression), ont débarqué. D’autres devraient suivre (Blind, Di María, Hummels, Vidal ?) pour combler les départs majeurs de Vidić, Ferdinand, Giggs et Évra, voire ceux à venir, comme l’a suggéré le vice-président Ed Woodward. Mais, à l’orée de cette nouvelle saison, tous s’accordent à dire que le véritable atout de Manchester porte le nom de Van Gaal. « Les attentes étaient faibles après la saison dernière, rappelle à juste titre Dawson. Mais la nomination de Van Gaal et la pré-saison réussie ont ravivé l’optimisme des fans. Finir en C1 serait un pas en avant, mais United fera tout pour se mêler au titre. » En 1968, à quelques mois de la fin de sa première aventure avec les Red Devils, Sir Matt Busby s’était épanché sur ce que représentait son club de toujours : « United n’est pas un club, c’est une institution. J’ai l’impression que les attentes dépassent les moyens d’un simple être humain. » Quarante-six ans plus tard, face à ce miroir de l’histoire, Louis van Gaal et Manchester sauront peut-être jusqu’où ils ont le droit de regarder.
Par Romain Duchâteau