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Peter Luccin : « La politique extérieure américaine, c’est pas le meilleur sujet à aborder »

Propos recueillis par Nicolas Jucha
Peter Luccin : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>La politique extérieure américaine, c&rsquo;est pas le meilleur sujet à aborder »

Depuis deux ans, Peter Luccin prend son pied en MLS sous les couleurs du FC Dallas. Alors que sa carrière touche à sa fin, l'ancien Marseillais a accepté d'évoquer sa vie au Texas, l'impact de Thierry Henry sur le soccer et ses souvenirs d'Espagne.

Depuis décembre 2012, tu évolues en MLS à Dallas. Comment as-tu atterri aux États-Unis ?

Je revenais d’une blessure importante, les croisés, je finissais ma dernière année de contrat à Saragosse. Ce n’était pas une superbe période, car je me suis blessé alors que j’arrivais en fin de contrat, et donc la plupart des clubs étaient logiquement réticents. J’avais signé un pré-contrat en Angleterre, mais c’est tombé à l’eau à cause de ça. Saragosse s’est superbement comporté, ils m’ont laissé faire ma convalescence chez eux. J’ai eu quelques contacts en Europe une fois rétabli, mais je savais que j’arrivais en fin de carrière, donc je voulais quelque chose de différent. C’était un kiff pour moi et une bonne expérience pour ma famille d’aller aux États-Unis. J’ai fait part de mes envies et de celles de ma famille à mon agent, et à partir de là, tout s’est bouclé rapidement, le directeur sportif de Dallas est venu me voir en Espagne, cela s’est bien passé et on a signé.
On se voit bien rester encore quelques années

Comment s’est passé ce premier contact avec le directeur sportif texan ? J’imagine que c’était différent de tout ce que tu avais connu avant…

En France, on voit le Texas comme un État assez fermé. Moi, j’y suis depuis deux ans et je peux vous dire qu’avec ma famille, on se voit bien rester encore quelques années. C’est vrai que sur le plan de la politique extérieure américaine, c’est pas le meilleur sujet à aborder, mais pour tout ce qui touche au respect, à la qualité de vie… Pour les enfants, c’est parfait, la qualité du système scolaire est vraiment élevée. Et pour revenir au premier contact avec le directeur sportif, c’est un Uruguayen, et les Sud-Américains ont des manières plus similaires à ce que nous connaissons en France. Cela avait été très facile avec lui, par contre le rapport avec le club est différent. Les équipes US fonctionnent différemment.

Dans quel sens ? Vous êtes gérés comme une équipe de hockey ou de foot US ?

Même pas, le foot US et le hockey fonctionnent pratiquement comme le football européen. Je ne vais pas dire que la MLS n’est pas professionnelle, ce serait mentir, elle l’est, mais le système est différent : le recrutement de joueurs par draft, le salary cap… C’est un peu bizarre, et s’ils veulent continuer à grandir, ils vont devoir modifier certaines choses.

Dans le sport US, il y a une grande culture des causeries d’entraîneurs. En MLS, tu as eu le droit à des discours d’avant-match ou de mi-temps qui t’ont fait chialer ou t’ont boosté ?

Pas plus que ce que j’ai pu connaître à Marseille. Il s’agit plus de discours portés sur l’état d’esprit à avoir, que de discours guerriers et agressifs. Après, je n’ai connu que Dallas, mais peut-être que dans d’autres équipes de MLS, ils s’inspirent des discours prononcés en foot US…

À quoi ressemble ton quotidien à Dallas ?

Il y a un confort de vie auquel je ne veux pas forcément trop habituer mes enfants, car je veux qu’ils apprennent aussi à être autonomes. Mais en termes de sécurité, ici au Texas, c’est parfait. Je vis à Frisco, une petite ville de la banlieue nord, il y a plein de choses à faire. La journée type pour nous, c’est l’entraînement le matin pour moi, ma femme qui va à l’université, les enfants à l’école. J’ai un peu plus de temps pour moi. Finalement, cela ne change pas du rythme que je pouvais avoir en Europe.
Il y a des drapeaux américains partout

Mais un Marseillais au milieu de Texans, cela donne quoi ?

Ici, c’est un État du Sud, et quasiment partout dans le monde, les gens du Sud sont en général plus sanguins et familiers. Plus proches et plus directs aussi. Tout le monde est prêt à aider quand il y a un besoin. Et même si j’avais un tout petit niveau d’anglais en arrivant ici, je n’ai jamais eu de problèmes de communication. C’est un État où il y a pas mal de Latinos, donc parler espagnol, cela nous a bien aidés au départ, même si on a tout fait pour acquérir l’anglais le plus vite possible.

Et alors, ton niveau actuel ?

Il est plutôt bon, je suis content, celui de ma femme aussi. Mes enfants, c’est encore totalement différent, ils ont un niveau largement supérieur, limite c’est comme une langue maternelle pour eux, car ils sont en cours de 8h à 16h et, ensuite, ils ont encore toutes leurs activités extrascolaires en anglais. Pour eux, l’intégration a été super rapide.

On dit que les Américains sont patriotes, est-ce que les Texans sont encore pires que l’Américain moyen, à mettre des drapeaux de l’Union partout ?

Exactement, il y a des drapeaux partout, que ce soit lors de la Fête nationale, lors de chaque jour férié. Personnellement, je trouve cela bien, peut-être que les Français devraient apprendre un peu de ce patriotisme. Mais attention quand même, car le revers de la médaille, c’est que parfois c’est un peu excessif. Quand on sait tout ce qu’il se passe à l’étranger, quand on voit l’implication de l’armée américaine dans de nombreux conflits, cela me rend légèrement mal à l’aise quand même. Après, si on parle avec les gens, ils sont quand même conscients de ça, leur point de vue commence à évoluer sur la politique extérieure. Mais bon, un Américain, pour schématiser, il est américain avant tout et ne sait pas trop ce qu’il se passe en dehors de son pays. Je dis cela sans les critiquer, car je me plais ici, on a été bien accueillis, on a plein d’amis texans.
Thierry Henry a eu un impact plus fort que Beckham en MLS

Thierry Henry tire sa révérence après quatre années en MLS. Il a laissé quelle trace ici ?

Magnifique. Un énorme impact. Les journalistes ici débattent sur le sujet, sur le fait que Thierry Henry a probablement été le joueur le plus marquant pour l’image de la MLS, plus que Beckham, Keane ou Donovan. Thierry Henry, il est venu avec un palmarès hors norme, de la qualité technique malgré ses 37 ans, avec des stats énormes en peu de temps. Il a placé la barre très haut. Même dans mon vestiaire à Dallas, cela parlait de lui.

Vous vous êtes parlés ?

Tout le temps, même quand on ne se rencontrait pas en match, on se téléphonait. Plus qu’une solidarité nationale, on a toujours été assez proches, donc c’était naturel qu’on se voit, que nos familles aussi se côtoient. Je l’ai toujours apprécié, donc c’était logique pour moi de lui demander des conseils.

En MLS, on a l’impression d’avoir un vide à combler ?

Quels que soient les joueurs qui arrivent, comme David Villa et Frank Lampard, les grosses franchises et les futures franchises vont essayer d’attraper des gros poissons. Mais un joueur du calibre de Thierry Henry, ils ne vont pas en retrouver un tout de suite. Lampard et Villa sont énormes, mais ils ne vont pas avoir son impact. Les Américains sont conscients de ça, mais ils se consolent, essayent de combler le manque, avec l’arrivée de nouvelles têtes d’affiche, comme Raúl, même si c’est dans une autre ligue avec le Cosmos.

Parlons un peu de l’Espagne. Tu es parti en prêt à Vigo en 2001, et finalement tu y as passé une décennie. Qu’est-ce qui t’a plu dans ce pays ?

Inconsciemment, on cherche tous la qualité de vie, une qualité de jeu aussi. J’ai passé du temps là-bas parce que c’était un football qui me convenait. Je ne vais pas dire que le foot français ne me correspondait pas, mais à l’époque de mon départ, on voyait que beaucoup d’équipes espagnoles jouaient à un autre niveau technique. Le fait de toucher autant de ballons, de jouer contre les meilleurs joueurs du monde, quand on est jeune, c’est super attrayant. Apprendre une nouvelle langue, découvrir une nouvelle culture, c’est aussi exceptionnel. Mais avant ça, il y a des éléments déclencheurs : j’étais à Paris, et je ne voulais pas partir au bout d’un an. Mais on m’a fait comprendre qu’il y avait une nouvelle politique de recrutement, que ce serait mieux pour moi d’aller en Espagne. À partir de là, je suis arrivé dans un club, le Celta Vigo, où j’ai beaucoup appris. J’en remercie Dieu, car cela a été l’expérience idéale pour moi.
À partir de 2004, je n’ai plus reçu la moindre pré-convocation en équipe de France

C’est un peu Luis Fernandez qui t’a poussé dehors. Tu te souviens du match en Ligue des champions contre La Corogne ?

Je m’en souviens vaguement, mais bon, c’était une époque bizarre. Ce n’est pas une seule personne qui m’a détourné du PSG. Le match contre La Corogne, je ne pense pas que cela soit autant une erreur tactique qu’un confort que nous avons pu avoir sur le terrain. On était une équipe relativement jeune, on s’est peut-être relâchés. Le souci a plus été dans le comportement. Mais après, c’est sûr que si une équipe mène 3-0 et s’écroule après des changements… Les mecs qui ont mis l’équipe à 3-0 ont fait un super boulot, et quand un nouveau arrive sur la pelouse, c’est sûr que cela change la disposition de toute l’équipe. Ce retournement de situation n’est pas unique dans l’histoire du foot, mais je pense qu’il est avant tout dû à un décrochage mental de notre côté. On ne peut pas tout mettre sur le dos de l’entraîneur. Nous, les joueurs, on n’avait pas à se prendre une telle remontée, mais c’est une association de petits détails qui crée des situations comme celle-là. Le coach, les joueurs… on a tous notre part. L’expérience joue aussi. Tu regardes les équipes qui vont loin en Ligue des champions, chaque année ce sont des effectifs avec des joueurs habitués à ce niveau de jeu.

Parlons de toi, tu as débuté très jeune en Ligue 1 avec Cannes, tu as joué dans trois gros clubs français, tu as fait toutes les sélections de jeunes, mais tu n’as aucune sélection en A…

C’est mon plus grand regret. Dans le foot, on fait des choix, des bons, des mauvais. On est parfois bien conseillé, des fois mal conseillé. Je crois au destin, et je crois aussi au fait que je n’ai pas toujours été assez mature, j’ai eu des comportements parfois pas appropriés. Je ne vais pas tirer dans les pattes de ceux qui ne m’ont pas accordé leur confiance, car je n’ai peut-être pas fait ce qu’il fallait pour. Après 2004, quand la fameuse plus grande équipe de France a commencé à se retirer, on savait qu’il y aurait une transition difficile. Après, il y a eu un super Mondial en 2006 avec Domenech et Zidane. Il restait encore Zidane, Thuram, Vieira, Makelele, de superbes joueurs de l’ancienne génération. Mais après, on entre dans une période un peu bizarre avec un passage de témoin compliqué : on voulait encore gagner, mais on n’avait plus les joueurs pour faire aussi bien…

Et à ce moment, tu penses que tu aurais mérité ta chance ?

Le mot « mériter » est relatif. Il y a eu énormément de nouveaux, pleins de joueurs sont entrés dans l’équipe, qui ont eu leur chance à mon poste. Cela a beaucoup tourné, moi qui étais titulaire à l’Atlético Madrid, à un bon niveau, je pensais être appelé. J’aurais pu me planter, et on m’aurait dit « merci Peter, au revoir » . J’ai commencé à recevoir des pré-convocations quand j’étais au Celta Vigo, je crois qu’on était à chaque fois 30 pré-convoqués. À l’époque, c’était Roger Lemerre, puis Jacques Santini les sélectionneurs. Bruno Martini est venu me voir en Espagne, on a même discuté. Je sentais que cela se rapprochait. Puis il y a un autre entraîneur qui est entré (Raymond Domenech en 2004, ndlr), et je n’ai plus reçu la moindre pré-convocation. C’est là que j’ai compris que même si j’étais à l’Atlético Madrid, je n’allais pas faire partie de l’équipe de France. Cela devait se passer comme ça. J’ai fait des erreurs plus jeune… Maintenant, je suis adulte et je ne reproduis plus les erreurs.

Le plus beau souvenir de ta carrière, c’est quoi ?

Plus que de jouer des finales comme celle de la Coupe UEFA ou des gros matchs de Ligue des champions, le plus beau moment, c’est la saison 1998-1999 à Marseille. Cela a été une année spéciale, ma première gifle au contact de grands joueurs comme Laurent Blanc, Robert Pirès, Patrick Blondeau, Christophe Dugarry ou Fabrizzio Ravanelli, que des joueurs énormes avec une mentalité hors pair. Là, j’ai vraiment beaucoup appris à partir de cette année-là.
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