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Peter Gerhardsson, quand la musique sonne
Le chef d'orchestre suédois a sa méthode bien à lui pour permettre à sa sélection de s'exprimer sur le terrain. Car Peter Gerhardsson préfère laisser ses musiciennes improviser plutôt que battre frénétiquement la mesure. Des préceptes qu'il a notamment intégrés lors d'un passage aux Pays-Bas, qu'il retrouve ce mercredi soir. Et l'ensemble s'accorde plutôt bien, puisque la Suède a l'opportunité d'atteindre la première finale mondiale de son histoire.
« La récupération fait partie du travail mental. Mais on n’est pas du genre à organiser des cours de relaxation. On laisse à chaque joueuse le choix de ce qu’elle veut faire. » Peter Gerhardsson n’est pas du genre avare. Ni de mots et encore moins d’astuces, qu’il sait glisser subtilement. « Moi je récupère en écoutant de la musique par exemple » , confie-t-il. Ce n’est pas grand-chose, mais ces quelques phrases révèlent beaucoup de la personnalité du sélectionneur suédois. D’abord, il est un grand amateur de musique, rock de préférence, lui qui collectionne dans sa maison d’Uppsala des centaines de vinyles et CD. De deux, cet homme qui ne fait pas ses 59 ans, à l’aise dans son short et ses baskets, est d’une sérénité et d’un apaisement communicatifs. Et enfin, il est partisan de donner à ses joueuses les moyens techniques, psychologiques et tactiques pour pratiquer avec le plus de liberté possible leur football.
« Mes joueuses ont déjà résolu plein de situations seules »
« C’est important d’avoir une structure ou un système de jeu, mais Peter nous laisse beaucoup de marge de manœuvre » , confirme la défenseuse Nilla Fischer. Plutôt que reproduire le stéréotype scandinave en balançant des longs ballons vers la pointe Blackstenius, la Suède se met à proposer un jeu collectif passant souvent au sol, avec la volonté d’offrir un jeu agréable à regarder et tout aussi efficace. « Par son calme, sa manière de rassurer tout le monde, même sans avoir de grande expérience internationale, il arrive à garder chaque joueuse impliquée en faisant comprendre qu’on est toutes importantes dans le groupe » , déclarait Magdalena Eriksson. Ainsi, la confiance plantée par Gerhardsson à son arrivée à la tête des Blågult en 2017 commence à porter ses fruits avec cette demie et la possibilité d’accrocher une première finale mondiale au palmarès suédois.
« J’ai joué par le passé. Du moins, j’ai des bases, continue celui qui était attaquant dans les années 1980 en D1 suédoise, notamment à Hammarby et Vasalunds. À cette époque, je commençait déjà à me faire ma conception du jeu, je m’inspirais de ce que faisaient certains entraîneurs, etc. Mais je détestais quand un coach interférait trop dans mes idées. J’avais le sentiment de perdre mon identité, celle que j’avais construite depuis tout gamin. Les enfants prennent leurs propres décisions quand ils jouent dans la rue, et nous brimons beaucoup trop cette autonomie quand ils grandissent. Moi, je suis calme et tranquille, mes joueuses ont déjà résolu plein de situations seules, sans avoir besoin de moi. Si elles ont besoin d’une instruction, elles peuvent venir me voir à la mi-temps ou aux pauses fraîcheur. Mais je me dis que sur le terrain, j’ai onze filles qui à 5 ans voulaient décider par elles-mêmes comment jouer. »
Aux lendemains qui chantent
Cette philosophie, avant de l’appliquer avec succès avec des garçons, en sélections jeunes ou au BK Häcken qu’il a emmené en Ligue Europa, le coach suédois la doit pour beaucoup aux Pays-Bas. Ou Hollande, c’est selon. « Je ne sais jamais comment il faut appeler ce pays, s’interroge-t-il. En 1974, on disait Hollande. J’avais 14 ans, quand j’ai vu Hollande-RFA, le meilleur match de ma vie en matière d’émotions. » Cette première impression laissée par la bande de Johan Cruyff a été confirmée plus tard, lorsque Peter s’est installé à Rotterdam pour faire ses études de sport, bénéficiant d’un partenariat entre les fédérations hollandaise et suédoise. « On nous enseignait les choses de manière très libre : que choisir ? ou aller ? que faire ? On faisait des exercices à quatre contre quatre, sans gardien, il fallait presser très haut, rapporte-t-il. C’était très instructif pour réfléchir par nous-mêmes à des systèmes de jeu. »
Les Pays-Bas, il les remerciera une dernière fois lors de l’Euro 2017. Pas parce que les Oranje ont éliminé son pays en quarts de finale, provoquant le départ de Pia Sundhage et aussi sa nomination. Non : la finale qu’elles avaient offerte avec le Danemark lui a donné la certitude que ce football, « proche de ce que la Suède avait la capacité de produire » , pouvait fonctionner. Chose qui s’est vérifiée, après avoir remporté le groupe de qualification aux dépens du Danemark, justement, empêtré dans un conflit opposant les joueuses à leur Fédération (les Suédoises avaient remporté le match aller par forfait à la suite de la grève des Danoises, N.D.L.R.), mais aussi éliminé lors de ce Mondial des gros calibres comme le Canada et l’Allemagne. De quoi recevoir aujourd’hui de nombreux éloges venant du Royaume. « J’ai reçu tellement de messages, je ne savais pas qui m’écrivait avant de voir la signature. Tout ce que j’ai lu était à 100% positif, souriait-il. Après je n’ai pas vu ce qu’on dit de moi sur les réseaux sociaux. De toute façon, je n’ai pas Twitter, je n’ai pas Facebook et ce genre de choses… Ah si, j’ai quand même WhatsApp ! » Finalement, il les fait un peu, ses 60 ans.
Par Mathieu Rollinger, à Lyon
Propos recueillis en conférence de presse.