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PES 6, à jamais le meilleur jeu vidéo de foot ?

Par Victor Lamand et Jules Reillat aux manettes

On vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Un temps où la Ligue des champions était diffusée sur TF1, où Fatal Bazooka explosait tout avec Fous ta cagoule et où le jeu vidéo le plus populaire de France s’appelait PES 6. Retour sur un mythe qui suscite toujours autant de passion aujourd’hui.

PES 6, à jamais le meilleur jeu vidéo de foot ?

« Sur le 6, t’es pas à l’abri d’un tir de 40 mètres tout droit sorti d’un joueur pourri », rappait en 2007 la légende Akhenaton sur le morceau Rooney, dans lequel l’artiste marseillais exposait son talent sur PES 6. Aujourd’hui, une simple recherche sur YouTube suffit à trouver des dizaines de vidéos sur ce jeu devenu culte. Comme si, 18 ans après sa sortie, sa popularité restait aussi intacte qu’au premier jour. Nous parlons d’une époque où, dans les salles obscures, Franck Dubosc fait rire cinq millions de Français en campant le personnage de Patrick Chirac dans Camping, pendant que sept millions de personnes viennent de découvrir Harry Potter et la Coupe de Feu sur grand écran. En cette année 2006, le bien culturel qui squatte pourtant la première place des ventes dans l’Hexagone vient tout droit du Japon. Le sixième opus de Pro Evolution Soccer, la licence de l’éditeur nippon Konami, écrase tout sur son passage avec 1,6 million d’exemplaires vendus, après avoir déjà cartonné l’année précédente avec PES 5. À la FNAC comme à Micromania, les gamers font la queue pour mettre la main sur la jaquette où figurent Didier Drogba et Thierry Henry, avant d’allumer le PC, la PS2 ou la XBOX 360 pour profiter de ce qui reste aujourd’hui comme l’un des meilleurs jeux vidéo de foot.

North London, la virgule de Ronaldinho et Johan Elmander

Comment expliquer le phénomène en France et un peu partout dans le monde ? En ce qui concerne le pays de Zinédine Zidane, il y a une première bonne nouvelle à la sortie du jeu : la Ligue 1 Orange, le nom de l’époque, est enfin sous licence, permettant aux jeunes frenchies de jouer avec les vrais noms d’équipes, les vrais logos et les vrais joueurs. Forcément, un immense plaisir pour les fans de Rennes, Saint-Étienne ou Sochaux qui laissent aux oubliettes les « Bretagne », « Somesterrine » ou « Franche Comte ». Une dose de réalisme supplémentaire, renforcée par l’apparition des pubs défilant sur le bord des terrains, rendant le jeu encore plus immersif.

Quand tu avais un PES dans les mains, tu pouvais y passer des heures, parce que tu avais de vraies sensations.

Mahmoud Gassama, alias Brak2K

À l’inverse, quelques-uns des meilleurs championnats du monde, comme la Premier League, sont toujours absents. Il y a quelque chose d’agaçant à devoir se coltiner un North London-Merseyside Red à la place d’un Arsenal-Liverpool, même si le menu « modifier » aura permis à de nombreux joueurs de corriger ces petites anomalies. De quoi gâcher le plaisir du jeu dans une période où il faut se rapprocher de plus en plus du « vrai » foot ? « Le gameplay était tellement bon qu’on en oubliait le manque de licences », se rappelle Mahmoud « Brak2K » Gassama, un brin nostalgique. Pour le streamer, ancien joueur semi-pro PES, le jeu aspirait littéralement le temps : « Quand tu avais un PES dans les mains, tu pouvais y passer des heures, parce que tu avais de vraies sensations. » Pas de dribbles improbables ou d’actions inimaginables, tout ce que l’on peut faire avec une manette, c’est ce qu’un joueur pro peut faire avec un ballon. « À l’époque, sortir une virgule avec Ronaldinho, c’était rare, vraiment pas évident à placer, rembobine Brak. C’est là où ça ressemblait à la réalité : une virgule en match, ça marque, parce que tu sais que le gars l’a bossé à l’entraînement. »

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Pour mettre un 6-0, il faut se lever tôt et voler la téloche au frangin ou à la frangine. Surtout, contrairement à aujourd’hui où un mode comme FUT incite à payer toujours plus pour se prendre au jeu, il n’était pas question de passer à la caisse pour gagner du galon sur PES 6« Tu pouvais débloquer des trucs en jouant, et sans sortir la carte bleue, comme le mode six étoiles », se rappelle Brak. La seule personne à mettre la main à la poche ? Le légendaire arbitre Kazuki Ito, qui dégaine les cartons rouges plus vite que son ombre. Bruce Grannec connaît le jeu par cœur : le streamer et commentateur a d’abord été champion du monde sur PES 5, puis vice-champion du monde sur PES 6, à un moment où tous les joueurs ne misaient pas toujours sur le Real Madrid pour l’emporter. « Vu qu’on était tous supporters d’une équipe française, ça nous arrivait de prendre des clubs de Ligue 1 en phase de poules, explique-t-il. Moi, je prenais Nantes, mais il y avait Toulouse aussi qui était fort, avec Johan Elmander ! En Angleterre, t’avais Chelsea avec Shevchenko, Robben et Drogba… Mais bon, dès que c’était des matchs sérieux, on passait sur l’Inter. »

Le mythe Adriano et le tournant arcade

Car s’il y a bien une équipe « cheatée » (avantagée en VF) sur PES 6, c’est l’Inter Milan. Même si les anciens se rappellent le mythique PES United en Ligue des Masters, avec les iconiques Castolo et Minanda, l’équipe indissociable de ce PES 6 reste l’Inter. La raison est simple, le club milanais est l’écurie préférée de Shingo Takatsuka, l’homme derrière la licence de Konami. L’objectif du Japonais avec son bébé, c’était de reproduire ce qu’il voyait sur le terrain, tout simplement. « Je veux recréer les buts que je vois à la télévision, donc je me battrai sans relâche pour créer un jeu aussi proche que possible de la réalité », confessait-il à IGN en 2006. Sauf que, paradoxalement, Takatsuka se permet des écarts avec la réalité quand cela concerne son club de cœur. C’est bien connu, sur PES 6, les stats des Nerazzurri sont décuplées, de celles d’Álvaro Recoba à Obafemi Martins, en passant par deux des meilleurs joueurs de l’opus, Adriano et Zlatan Ibrahimović.

Celui qui aurait pu faire une partie de sa carrière au Havre a grandement contribué à construire la légende de PES 6, traumatisant ou ensorcelant toute une génération de gamers. Il y avait Adriano et donc Zlatan, un monstre quasiment injouable, avec une frappe hallucinante, un physique de déménageur et une vitesse de sprinteur (encore plus avec la flèche rouge, bien sûr). « Le joueur le plus fort, c’était Ibra, car tu pouvais faire tout le terrain avec lui sans te faire prendre le ballon, se rappelle Bruce Grannec. Du coup, en tournoi, tu voyais que des Inter versus Inter. » Bim, ce premier constat permet de briser un mythe : non, PES 6 n’est pas le meilleur jeu de simulation de foot de l’histoire, et le niveau de l’Inter n’est pas le seul élément à charge.

J’ai un avis mitigé sur le 6. D’un côté, c’est le dernier vrai PES qu’on ait eu, mais de l’autre, c’était aussi le moins bon opus de la grosse période.

Bruce Grannec, vice-champion du monde sur PES 6

En mettant l’attaque à l’honneur, le jeu marque une rupture avec la rigueur défensive exigée par son prédécesseur, jugé par les professionnels comme étant la meilleure simulation de football ever. « PES 5 était plus rigide, plus dur à prendre en main et à maîtriser : devenir bon sur ce jeu, c’était beaucoup moins facile que sur le suivant, confirme Brak. PES 6 reste un excellent jeu, mais vu qu’on était des joueurs de compétition, notre regard est assez différent de celui du grand public. » Cette édition marque en fait un tournant plus arcade de la licence : le jeu se focalise plus sur l’action, au détriment du réalisme absolu. « Finalement, j’ai un avis mitigé sur le 6, reprend Grannec. D’un côté, c’est le dernier vrai PES qu’on ait eu, mais de l’autre, c’était aussi le moins bon opus de la grosse période. » Comme si les jeux de foot avaient atteint une sorte de perfection, jamais retrouvée depuis.

PES 6, le dernier jeu d’un âge d’or ?

Pourtant, malgré son défaut de réalisme, PES 6 reste dans le cœur de beaucoup comme étant le jeu de foot le plus culte de l’histoire, et pour une raison toute simple : il est avant tout le reflet d’une époque de foot qui était elle-même extraordinaire. La période de Thierry Henry, Steven Gerrard, Ronaldinho et Kaká, entre autres, au sommet de leur art ; de Wayne Rooney, Fernando Torres, Lionel Messi et Cristiano Ronaldo, entre autres aussi, en train de se révéler aux yeux du monde. Résultat : on retrouve sur PES 6 une myriade d’équipes qui ressembleraient aujourd’hui à des onze de légendes. Brak : « Ce qui était génial, c’est que t’avais des équipes très fortes dans tous les championnats : Liverpool et United en Angleterre, le Real et le Barça en Espagne, l’Inter et le Milan en Italie… Donc on avait un parterre d’équipes auxquelles chacun pouvait s’identifier, avec des styles différents. »

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Il valait mieux en profiter le plus longtemps possible, puisqu’après cette parenthèse enchantée, les temps ont bien changé avec la sortie d’un PES 2008 à la hauteur de l’Euro de l’équipe de France la même année : immonde et décevant. Le seul point commun avec son prédécesseur, c’est la présence de Didier Drogba sur la jaquette. « PES 2008 était catastrophique », fustige Bruce Grannec. Le début de la fin pour le jeu star de Konami, qui n’a jamais retrouvé le niveau atteint lors de l’âge d’or du milieu des années 2000, au point de laisser les FIFA lui repasser devant. Et maintenant, alors ? La nostalgie rend peut-être ses jeux plus parfaits qu’ils ne l’étaient – on apprécie différemment à 13 ans qu’à 30 piges. Une question demeure : peut-on encore prendre son pied avec les jeux vidéo de foot ? « On aura peut-être un jeu de simulation, mais ça viendra d’un plus petit studio, je pense, espère Grannec. Ça s’adressera à ceux qui aiment le foot pur, qui aiment construire. Il y aura beaucoup moins de monde que sur un jeu comme FIFA [devenu EA FC, NDLR], mais ils trouveront quand même un certain public. »

En 2024, les jeux à l’ancienne reviennent à la mode. Les soirées console entre les copains sont parfois des occasions de ressortir des vieilles madeleines de Proust, plus enthousiasmantes que les jeux actuels. Sur la chaîne YouTube de Bruce Grannec, des vidéos ou des lives consacrés aux anciens PES continuent d’affluer, et même les clubs de foot s’y mettent : Sébastien-Abdelhamid a annoncé le troisième maillot du FC Metz avec une présentation à la sauce PES 6. « Il y a une nostalgie par rapport au foot d’avant qui est en train de grandir, que ce soit au niveau des maillots, des vieux magazines, et aussi des jeux vidéo, et PES 6 s’inscrit parfaitement dans cette tendance, résume Brak. L’époque de PES 6, c’était pas l’époque des réseaux sociaux. Aujourd’hui, on mange du football toute la journée, alors qu’avant, il fallait aller chercher les infos dans les magazines, être abonné à Canal ou aller sur des sites spécialisés. » Ainsi, à l’heure d’une overdose de football, PES nous rappelle par piqûre de nostalgie qu’en foot comme en tout, la rareté fait la valeur.

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Propos de Mahmoud Gassama et de Bruce Grannec recueillis par VL et JR.

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