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Perr, le gars Schuurs de l’Ajax
Grand, blond, 21 ans d'âge, défenseur central de l'Ajax : Matthijs de Ligt n'aurait pas pu trouver plus digne successeur que Perr Schuurs. Et ce n'est pas la performance XXL de ce dernier contre Liverpool (0-1) la semaine dernière, où il a tourmenté Sadio Mané toute la rencontre, qui va freiner le petit jeu des comparaisons. Même si la liste des points communs s'arrête là entre le roc de la Juve et le soyeux Schuurs, qui doit confirmer sur la durée.
Pour réussir à l’Ajax, mieux vaut être formé à l’Ajax. Exemple le plus parlant : Matthijs de Ligt, ancien « grassouillet » pris en main à l’âge de 9 ans par les Lanciers pour l’amener là où il est actuellement. À 21 ans, Perr Schuurs fait partie de la même génération que le jeune boss de la Juve, mais il a dû attendre les derniers mois de cette année 2020 pour exploser. Il faut dire que le longiligne Néerlandais (1,91 m) part avec une longueur de retard : ce n’est qu’à l’été 2018 qu’il a plongé la tête dans l’univers bien particulier de l’Ajax, après avoir fait ses classes au Fortuna Sittard. Et ça change tout, comme il le confiait l’an dernier au micro du podcast FC Afkicken : « Ici à l’Ajax, on joue beaucoup plus haut, avec plus d’espaces dans le dos. Il faut évaluer les distances, déterminer quand la passe en profondeur va arriver, se préparer au un-contre-un. Ce sont des choses que j’apprends et sur lesquelles je dois m’améliorer. » De quoi rabattre un peu le caquet à ceux qui veulent en faire le successeur désigné de De Ligt : « Il a été formé ici, moi à Sittard. Les gens ont tendance à l’oublier. »
De toute façon, voir en Schuurs « le nouveau De Ligt » n’a rien de sensé. Agressif, dur sur l’homme, redoutable dans l’anticipation et le jeu aérien : autant de caractéristiques qui ne vont pas forcément de soi chez le grand Perr, qui a surtout de l’or dans les pieds. Jeu long, jeu court, passes qui cassent les lignes, conduite de balle soyeuse et percées fulgurantes avec le cuir : voilà ce que Schuurs sait proposer de mieux. Les attaquants et milieux de l’Atalanta (2-2 au match aller) s’en souviennent encore, eux qui ont assisté médusés aux rushs de ce grand échalas jusque dans leur surface avant de buter à deux reprises sur Marco Sportiello. Et encore, celui qui a récemment été appelé avec les Oranje ne tire plus les coups francs, comme il le faisait parfois à Sittard et de façon brutale pour le gardien adverse.
Rouge, Perr et manque
Mais aussi étonnant que cela puisse paraître – un comble au regard de sa prestation époustouflante contre Liverpool – Schuurs a toujours eu quelques atermoiements avec les fondamentaux de son poste. Un hic qui ne date pas d’hier et de son arrivée à De Toekomst, et c’est son ancien entraîneur à Sittard lui-même qui le dit : « Ça fait plusieurs matchs que le point noir de Perr réapparaît : la défense, balançait Kevin Hofland (qui entraîne toujours le club jaune et vert) sur FOX Sports il y a trois semaines. Il se fait parfois surprendre dans le domaine physique, en puissance.[…]Un duel aérien, il ne va pas vraiment le gagner. Le but qu’il prend à l’aller contre Liverpool (0-1) face à Mané, c’est une erreur qu’il a refaite deux fois après. Il est trop impatient, n’a pas compris ce que son adversaire allait faire. » Discuté, même au sein de l’Ajax où l’on doutait de sa capacité à assumer le rôle de patron de la défense, Schuurs a fourni la plus éclatante des réponses deux semaines plus tard pour son remake face à Sadio Mané. Avec un changement d’approche radical : sans se jeter, Schuurs a toujours attendu le bon moment pour fondre sur sa proie et piquer, avec une autorité et une hargne qu’on lui connaissait peu.
Media training dans le salon
Stupéfiant, de la part de ce gamin tranquille bercé dans un village du Sud-Est bucolique des Pays-Bas ? Ce serait oublier que le petit Perr est certes né par temps de pluie, mais pas de la dernière : les Schuurs ne sont pas n’importe qui. Le père, Lambert, est recordman du nombre de sélections en équipe de handball des Pays-Bas tandis que la sœur, Demi, est une éminente joueuse de tennis en double (n°14 mondiale et éliminée de Roland-Garros cette année par la future vainqueur en simple Iga Świątek). Le minot, trimbalé entre les entraînements du paternel et les tournois à 500 kilomètres de sa frangine, préfère alors choisir une troisième voie : le foot. Sans faire une impression fracassante. « Il était bon, mais je ne me disais pas qu’il serait pro, relate son premier entraîneur Ronald Bronneberg à VI. Perr était surtout très gentil, très sociable. Quand il voyait qu’un garçon moins doué était sur le banc depuis longtemps, il venait me voir pour lui laisser sa place sur le terrain. Typiquement Perr. »
Et si le blondinet se fraye un chemin rapide vers les hauteurs du foot pro jusqu’à devenir le « capitaine à l’appareil dentaire » du Fortuna Sittard à seulement 17 ans, il le doit surtout à sa gestion optimale des fondamentaux en dehors du terrain. Que sa famille maîtrise plus que tout autre. « Avec les enfants, on avait élaboré unebucketlistde choses à faire avant un match le lendemain, raconte le père à VI. Se coucher à l’heure, manger sainement… Mais nous n’avons jamais eu besoin de surveiller la liste : Perr a toujours eu cette discipline. » Puis vient le moment des cours de media training, à 15 ans, dans le salon de la maison. « Un sportif de haut niveau doit savoir « vendre » son club. Alors on se mettait sur le canapé et on s’entraînait. Ne pas se contenter de répondre « oui », ne pas se mettre tout le temps les mains au visage », poursuit Lambert Schuurs. Dernière étape : le réseautage. Le jour de ses débuts en pro, le natif de Nieuwstadt est emmené par son père dans la loge des sponsors. Serrer la main des gros bonnets au portefeuille ventru : cela deviendra un rituel pour le jeune Schuurs après chaque match à domicile. Pas un hasard si, aujourd’hui, il est annoncé très proche de… Liverpool contre un chèque de 30 millions d’euros. Pas mal pour un garçon dont son ancien entraîneur dit qu’il « doit simplement apprendre à défendre ».
Par Douglas de Graaf