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Perquis : « Un pied de nez à tous »
A Sochaux, on parle énormément du talent de Martin, Boudebouz, Maïga et consorts, et beaucoup moins de l'excellente saison de Damien Perquis, déjà auteur de cinq buts et de sa saison la plus aboutie sous le maillot des Lionceaux.
On imagine à quel point tu dois être satisfait de la correction infligée à Monaco lors de la dernière journée?
Forcément, oui. On est vraiment très heureux, non seulement du résultat, mais aussi de la manière. Mais bon, le championnat n’est pas terminé, il reste trois journées, et nous n’avons encore aucune certitude.
Pour le titre, tu vois plutôt Lille ou Marseille ?
Lille ! Sur l’ensemble de la saison, ils sont supérieurs à toutes les autres équipes dans tous les domaines. Ce serait vraiment un très beau champion, récompensé du travail que le club effectue depuis plusieurs années. Oui, j’aimerais vraiment que Lille soit champion.
Sochaux réalise actuellement une fin de saison canon, avec 5 victoires et 2 nuls lors des 7 derniers matches. Comment expliques-tu cette excellente série ?
C’est pareil, c’est le fruit d’un travail sur le long terme. Aujourd’hui, nous avons de la réussite, nous sommes dans une excellente spirale, et on arrive à la mettre au fond dès nos premières occasions. Ce n’est pas un hasard, ce sont des signes qui ne trompent pas. Il faut savoir forcer la chance, comme on a pu le voir avec Sauget, contre Monaco. Mais globalement, c’est le travail de tout un groupe qui explose au grand jour.
Le club est en course pour disputer la Ligue Europa l’an prochain… C’était pratiquement inespéré il y a encore quelques matches, ou c’est un objectif que vous avez toujours gardé dans le viseur ?
Non, nous, on ne pensait pas du tout à l’Europe. On se battait et on travaillait dans l’optique du maintien. Aujourd’hui, le maintien est assuré et nous sommes quasiment certains de finir dans les dix premiers, c’est très bien. Mais la Coupe d’Europe, ce n’est pas encore fait. Disons qu’on a fait un tiers du chemin, et qu’il nous reste encore les deux tiers suivants à parcourir pour composter notre ticket.
Le prochain match, c’est à Lille… Est-ce que ça t’emmerderait de les priver d’un titre historique ?
C’est sûr que si on parvenait à faire un résultat là-bas, ce serait une très mauvaise opération pour eux dans la course au titre, et j’aimerais bien qu’ils soient champions. Mais bon, on a la chance que le match soit décalé, à cause de la finale de la Coupe de France. C’est un bon point pour nous comme pour eux ; on y verra un peu plus clair.
Tu trouves qu’on parle assez de Sochaux ?
Déjà, de toute façon, parce que Sochaux, personne n’en parle. Les gens ne s’emmerdent pas avec une petite équipe de l’Est. C’est sûr que c’est gratifiant de faire un joli pied de nez à tout le monde, et d’en arriver là sans voler les points, en jouant bien. On le mérite et on reste fidèle à notre philosophie de jeu. Après, c’est sûr que Lyon et Marseille sont toujours entourés d’une certaine ferveur médiatique. J’entendais Aulas qui disait qu’on voulait mettre la pression sur son club. Mais c’est l’environnement qui veut ça, comme le fait qu’ils aient raflé les titres pendant des années. Si Aulas n’est pas content, il n’a qu’à aller présider un autre club, et voilà.
Tu y crois, toi, au retour du beau jeu en Ligue 1, ou tu penses qu’il faut continuer à juger notre championnat aussi sévèrement ?
Je crois que c’est avant tout la philosophie de chaque entraîneur qui écrira l’avenir de la Ligue 1. Quand on voit les dispositifs tactiques mis en place, quand on écoute le discours d’entraîneurs tels que Gourcuff, Garcia ou Kombouaré, c’est encourageant. Ces entraîneurs-là font beaucoup de bien à la Ligue 1. Ce sont des gens qui ont des projets de jeu cohérents et ambitieux : on voit que Lille joue très bien au foot, mais aussi qu’ils sont solides en défense. Jean-Marc Furlan, que j’ai connu à Troyes, avait la même philosophie, basée sur la possession du ballon.
Sochaux a un jeu porté sur l’attaque, avec quatre ou cinq joueurs à vocation offensive. Du coup, vous marquez beaucoup de buts, mais en prenez également pas mal. En tant que défenseur, cette philosophie de jeu te convient-elle ?
Cela me convient parfaitement. J’adore défendre, tacler, me replacer. Mais j’adore avant tout jouer, je suis un partisan du beau jeu. Je prends un plaisir fou à évoluer dans une équipe comme ça, avec ces mecs-là. C’est vrai que parfois, c’est difficile, parce que nous sommes livrés à nous-mêmes derrière. Mais bon, nos attaquants font un gros travail, donc on se doit de faire la même chose en défense. On peut le voir dans les grandes équipes, comme le Barça ou Manchester : il est important que les attaquants soient les premiers défenseurs. Quand on voit des attaquants se défoncer pour récupérer le ballon, ça nous soulage pas mal.
Tu as déjà inscrit 5 buts cette saison, c’est ton record personnel, et Francis Gillot a fait de toi une pièce maîtresse de la défense. Est-ce que c’est ta saison la plus aboutie ?
Ouais, vraiment, c’est sans doute la plus aboutie de ma carrière. J’avais déjà fait une bonne saison avec Troyes, en Ligue 2, mais cette année, c’est particulier. C’est vraiment une saison charnière…
On te sent très attaché à Sochaux et prêt à t’investir dans le projet du club sur le long terme.
Oui, si on arrive à garder nos meilleurs joueurs. Ce qu’il y a de sûr, c’est que si le coach reste, je reste (ndlr : Francis Gillot serait sollicité par plusieurs clubs de Ligue 1). Il m’a redonné goût au football, il a redonné un élan à ma carrière, et ça, je lui en serai toujours reconnaissant. Et je ne cache pas que ce ne serait pas pareil avec un autre coach. Quoi qu’il en soit, le projet est intéressant, avec beaucoup de jeunes joueurs. Moi, avec mes 27 ans, j’ai l’air d’un vieux briscard. Mais ça fait du bien, ça me permet de prendre des responsabilités. Après, c’est encore trop tôt pour dire si je vais finir ma carrière ici ou non.
On va vérifier ton attachement au club, tiens : tu roules en Peugeot ?
(rires) Ouais, je roule en Peugeot pour aller à l’entraînement.
Il y a beaucoup de jeunes joueurs très prometteurs à Sochaux. Lequel peut devenir vraiment un très grand, à ton avis ?
Il y en a deux. D’abord, Pierrick Cros, notre jeune gardien. Il y a deux ans, il avait fait un entraînement avec nous, et j’avais dit à Aziz Bouras, l’entraîneur des gardiens : « Alors celui-là, il sera très fort » . S’il ne perd pas le nord, s’il continue de progresser, je n’ai aucun doute sur son potentiel. Il prendra la relève de Teddy (ndlr : Richert), et il sera tout proche de l’équipe de France, un jour. Et puis le deuxième : Marvin Martin, évidemment. Il a fait des progrès énormes, il a acquis la capacité à répéter les efforts. Et puis techniquement, il a franchi un palier et il n’hésite pas à prendre ses responsabilités. Stéphane Dalmat lui a beaucoup apporté, il l’a pris sous son aile, il lui parlait beaucoup. Et puis Marvin est un mec bien, très respectueux.
Après ce débat sur la bi-nationalité des footballeurs,on se devait de te demander si toi, international espoir français, tu envisageais de porter un jour les couleurs de la Pologne (ndlr : pays dont sa grand-mère est originaire)…
Jacques Faty et moi, nous sommes des produits de la Fédération, nous venons tous les deux de Clairefontaine, nous avons figuré en équipe de France espoirs, et aujourd’hui, nous avons la possibilité de jouer pour un autre pays. Et à partir du moment où nous avons le droit, je crois qu’on peut choisir les valeurs qu’on veut donner à notre image. Certains diront : « Ils s’en vont jouer ailleurs parce c’est plus facile d’être sélectionné » . Oui, c’est vrai, et je ne m’en cache pas. En France, il y a au moins dix mecs qui sont meilleurs que moi. Mais j’ai été élevé dans la culture polonaise par ma grand-mère, et il ne faut pas croire que c’est si facile d’être sélectionné là-bas. Cela fait deux ans que je me bats pour les papiers, j’ai déjà discuté avec le sélectionneur polonais. Dès que j’ai l’opportunité, je saute dans la voiture, et je vais jusqu’en Pologne.
Avec la Peugeot, donc !
(rires) Ouais, avec la Peugot ! (il réfléchit) Non, ce qui m’a le plus déçu, c’est cette histoire de quotas. D’ailleurs, c’est ce terme qui a vraiment réveillé les opinions. Pour certains, c’était une phrase sortie de son contexte. Et pour les autres, c’est une bombe, et ça ne doit pas passer. Moi, je ne peux pas admettre que de tels propos aient été tenus. La vérité est dans les enregistrements, de toute façon. Et puis, il suffit de se rappeler la Coupe du Monde, en 98. Le mec qui nous qualifie contre le Paraguay, c’est un Blanc. Le mec qui nous qualifie pour la finale, c’est un Noir. Et le mec qui nous fait gagner en Finale, c’est un Arabe. Je crois que tout est dit.
Tu es né un 10 avril, soit le même jour que Roberto Carlos, Steven Seagal et Haley Joel Osment, le gamin du 6e Sens… Est-ce que tu ressens une fierté particulière à partager la même date d’anniversaire que ces grands hommes ?
Non, il faut leur demander à eux s’ils sont fiers d’être nés le même jour que Damien Perquis ! La date d’anniversaire, je m’en fous un peu, mais j’aime bien regarder dans le magazine télé, à la page horoscope, quelles personnalités sont du signe du Bélier, comme moi…
Propos recueillis par Julien Mahieu
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