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Pernille Harder, la Louve rouge

Par Eric Carpentier
Pernille Harder, la Louve rouge

Buteuse de Wolfsburg, seconde au Ballon d'or derrière la Lyonnaise Ada Hegerberg, Pernille Harder est aussi la capitaine de la sélection danoise qui a fait grève pour une meilleure reconnaissance par sa Fédération, y laissant au passage sa qualification au Mondial de l'été. Histoire d'une joueuse qui se bat sur tous les terrains.

Avec un peu de chance, Pernille Harder n’a jamais entendu parler de Bill Shankly. Du moins, elle n’a jamais entendu cette phrase assassine, tirée de James Cagney et reprise par l’Écossais triple champion d’Angleterre : « Quand vous êtes premier, vous êtes premier. Quand vous êtes second, vous n’êtes rien. » Car le 3 décembre dernier, Pernille Mosegaard Harder tombait dans un trou noir de l’histoire de son sport. En terminant à la deuxième place du premier Ballon d’or féminin, entourée de deux Lyonnaises (Ada Hegerberg et Dzsenifer Marozsan, troisième), la joueuse de Wolfsburg laisse la reine Hegerberg imprimer son blase dans les livres d’histoire. Et doit s’effacer pour la deuxième fois en deux mois puisque, début octobre, son Danemark s’inclinait face aux Pays-Bas en barrages de qualifications pour la Coupe du monde. Le Ballon d’or, le Mondial : toutes ces choses auraient pourtant pu être bien différentes. Notamment si capitaine Harder et son équipe n’avaient pas fait grève pour contester contre les conditions proposées à leur sélection féminine, un an plus tôt. Encore une éclipse. Mais cette fois pour une victoire autrement plus urgente que quelque breloque.

Être égale

Flashback. Euro 2017, les Danoises créent la surprise en atteignant la finale continentale. Emmenées par le duo Nadim-Harder, elles sortent l’Allemagne en quarts, mais tombent face à la Hollande en finale. Il n’empêche, le Danemark s’est placé sur la carte du football féminin et avance en conquérant dans les éliminatoires du Mondial 2019. Une victoire en Hongrie pour commencer… et puis le conflit. À sa source, les différences de conditions financières entre joueurs et joueuses sélectionné(e)s. Alors même que les hommes proposent de reverser leurs primes, de l’ordre de 70 000 euros annuels, pour atteindre la parité, la DBU (pour Dansk Boldspil-Union, la Fédé) bloque. Elle va se heurter à un mur. Les filles refusent de s’entraîner ou de porter le maillot rouge national en l’absence de convention collective garantissant une « offre financière raisonnable » selon la FIFPro, qui défend les intérêts des joueuses. Et le 18 octobre 2017, à deux jours du choc du groupe contre la Suède, la DBU doit communiquer : « Les joueuses de la sélection nationale ne souhaitent pas se présenter au match de vendredi, qui ne peut donc pas se disputer. »

Malgré la pression de l’UEFA qui menace le Danemark d’exclusion de toutes compétitions jusqu’en 2020, malgré la perte de points assurée, Harder, Nadim et les autres tiennent. Pour finalement obtenir gain de cause quelques jours plus tard sur les questions salariales… au détriment d’une qualification en Coupe du monde. Défaites au retour, sur le terrain, par la Suède, elles doivent passer par les barrages. Où elles voient se dresser leur bête noire, des Néerlandaises une nouvelle fois briseuses de rêve après la finale de l’Euro (4-1 en score cumulé). « Je voulais vraiment jouer la Coupe du monde et j’ai mis du temps à me remettre de la déception » , confiera Harder au Guardian. Mais elle et son équipe ont vu à plus long terme.

Être fière

Si les Danoises ont dû aller jusqu’à refuser le jeu, ce type de conflit n’est pas rare entre Fédé et sélection féminine. Les USA, la Suède ou la Norvège sont passés par ce qui illustre la distinction entre économie de marché (les salaires en club) et politique d’intérêt général (les indemnités de sélection). Pour Pernille Harder, qui raconte avoir « joué avec des garçons jusqu’à (ses) onze ans » , la parité dans tous les domaines apparaît comme un combat naturel : « C’est très bien que nous puissions être des idoles pour des petites filles et des petits garçons, dit-elle à These Football Times. Ça ne doit pas forcément être Messi ou celles que j’ai connues (Harder est une Red Devil revendiquée, d’ascendance paternelle). Désormais, nous aussi pouvons être des exemples et c’est une très bonne chose. »

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And you are my valentine ❤️

Une publication partagée par Pernille Harder (@pharder10) le 14 Févr. 2019 à 8 :15 PST

Si Harder n’hésite pas à afficher ses ambitions professionnelles, elle ne cherche pas non plus à flouter sa vie personnelle. En particulier sa vie de couple partagée avec Magdalena Eriksson, joueuse suédoise de Chelsea. « Je ne veux pas cacher quoi que ce soit ou être embarrassée par la personne que j’aime, explique-t-elle. C’est important d’être ouvert, pour que les filles et les garçons puissent voir que c’est OK d’aimer la personne que tu aimes, que ce soit un homme ou une femme. » Et de conclure avec une pointe de sel : « C’est un sujet de société. Les gens en parlent, il n’y a pas de problèmes à ce propos dans le football féminin. C’est plus compliqué chez les hommes. » Refuser d’être considérée inférieure et avancer la tête haute : ainsi va Pernille Harder, qui tentera ce mercredi soir d’inscrire un nouveau but aux Lyonnaises après sa vaine ouverture du score en finale de la dernière Ligue des champions. Et si Wolfsburg parvient à renverser la situation (victoire 2-1 pour Lyon à l’aller) ? Alors la Danoise pourrait retrouver sa compagne, opposée à Paris avec Chelsea, en demi-finale. Le cas échéant, souhaitons bien du courage à la latérale des Blues : avec 14 buts en 16 matchs en Frauen-Bundesliga et 6 buts en 5 matchs de Ligue des champions, sa copine est une Louve insatiable.

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Par Eric Carpentier

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