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«Perdre à l’Azteca face aux Etats-Unis, un drame»

Propos recueillis par Thomas Goubin
4 minutes
«Perdre à l’Azteca face aux Etats-Unis, un drame»

Le documentaire américain, «Gringos at the Gate», traite de la passionnante rivalité entre Mexicains et Américains. Interview de son co-réalisateur, Roberto Donati, né au Mexique, de parents italiens, et vivant aux États-Unis.

Comment est née l’idée de « Gringos at the gate » ?

D’une discussion que le réalisateur, Pablo Miralles, avait eu avec un Allemand pendant la Coupe du Monde 2006. Ce supporter avait peur de la sélection des États-Unis, de sa progression. Pablo s’est alors dit que si cette montée en puissance effrayait un Allemand, il n’imaginait pas à quel point elle devait remuer un Mexicain. Avec Pablo et le reste de l’équipe de réalisation, nous avons fait nos études à UCLA, et avons toujours gardé le contact depuis. Comme nous sommes tous fans de football, l’idée de tourner un documentaire sur la rivalité entre Mexique et États-Unis nous a forcément enthousiasmés.

En quoi cette rivalité est-elle spéciale ?

Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ce sont les deux seuls pays partageant une frontière, dont l’un appartient au Premier monde et l’autre au Tiers-monde. Jusqu’il y a peu, le football était le seul domaine où le Mexique dominait son tout-puissant voisin, mais aujourd’hui, le rapport de force s’est équilibré. L’aspect identitaire est également fascinant. Beaucoup d’enfants de Mexicains nés aux États-Unis sont ainsi partagés entre leurs deux pays, et ne savent pas vraiment qui encourager. Enfin, il doit s’agir du seul choc, où l’une des deux équipes ne joue jamais vraiment à l’extérieur. Puisque même aux États-Unis, le stade est majoritairement mexicain.

En tournant et en accumulant les témoignages, qu’avez-vous découvert à propos cette rivalité ?

Tout d’abord, la passion de certains fans américains nous a vraiment marqués. On ne la pensait pas si intense. Enfin, on a surtout été étonnés de constater à quel point autant de supporters sont partagés. Près de 80% des personnes que l’on a interrogées aux États-Unis avaient des sentiments mêlés. D’un côté, le pays de leurs origines, de l’autre celui où ils sont nés. Ce conflit intime vécu par beaucoup nous a d’ailleurs poussés à approfondir cette thématique. On est ainsi allés voir de l’autre côté de la frontière Hercules Gomez (Santos Laguna) et El Gringo Torres (Pachuca), ces Américains d’origine mexicaine qui jouent dans le championnat mexicain, tout en défendant les couleurs de la sélection des États-Unis. Les deux nous ont confié qu’il a été difficile pour eux de se faire accepter par leurs coéquipiers mexicains dans un premier temps. Mais comme ce sont de bons joueurs, et que les Mexicains se sont rendu compte que peu de choses les séparaient, ils sont désormais tout à fait à l’aise dans le pays de leurs parents.

Un fantôme traverse « Gringos at the gate » , la perspective d’une victoire des États-Unis au stade Azteca. Penses-tu qu’elle adviendra prochainement ?

Je crois que oui, mais en tant que supporter du Mexique, le cœur m’en tombe en te le disant. Tu sens désormais une immense motivation des États-Unis quand ils se déplacent à Mexico. Ils sentent qu’il est possible de l’emporter là-bas. Si cette défaite advient, elle sera très douloureuse pour les supporters mexicains. Ce serait un drame. L’Azteca, c’est leur maison, leur sanctuaire. Symboliquement, ce serait comme perdre une deuxième guerre. Quand on a abordé la question avec des internationaux mexicains, ils étaient unanimes pour penser qu’une victoire américaine pouvait advenir, mais tu sentais que ce thème les rendaient anxieux.

Qui dit rivalité, dit souvent violence. Pour les besoins documentaires, vous avez suivi l’intégralité des matchs americano-mexicains de 2009 à 2011 : avez-vous été témoins d’agressions ?

Pas vraiment. Aux États-Unis, ça se chambre, mais ça ne va pas plus loin. Au stade Azteca, on a bien vu quelques pierres voler, des sacs d’urine tombés sur les supporters américains, mais cela arrive avec les supporters d’autres sélections.

Lors du match amical des États-Unis face à l’Ecosse, disputé le 26 mai, cinq joueurs d’origine mexicaine jouaient pour la sélection américaine. Comment vois-tu évoluer la rivalité entre les deux pays ?

Étant donné qu’il y a de plus en plus de fans de soccer aux États-Unis, je crois qu’elle ne va pas cesser de croître. Mais, au final, je pense surtout que les deux pays vont s’aider à grandir mutuellement. Aujourd’hui, des enfants de mexicains nés aux États-Unis sont recrutés par des clubs mexicains, et apportent leur culture propre à ce championnat. Un dirigeant de Pachuca me disait d’ailleurs que le club recrute activement au nord du Rio Grande, car il apprécie ce type de footballeurs souvent plus forts physiquement. Certains pourront d’ailleurs dans le futur jouer pour le Mexique (nda : Michel Ponce des Chivas, né en Californie, a fait ce choix, comme le jeune gardien, Richard Sanchez, qui joue au Dallas FC). Il faut ajouter que ces Américains de naissance ont l’occasion de jouer dans un championnat plus compétitif que la MLS, et de grandir ainsi plus rapidement. Dans le domaine du football, à l’inverse de bien d’autres, on peut parler d’une relation gagnant-gagnant.

Pourra-t-on voir « Gringos at the Gate » en France ?

Le documentaire commence à faire son chemin dans les festivals américains depuis le mois de juin. On espère trouver un distributeur pour le montrer en Europe.

Vidéo
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Propos recueillis par Thomas Goubin

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