ACTU MERCATO
Pépé veut vieillir à Arsenal
Promis dans un premier temps à Naples, Nicolas Pépé s'est finalement engagé jeudi avec Arsenal contre un chèque de 80 millions d'euros (hors bonus). Pas perdant sportivement, l'Ivoirien s'apprête ainsi à franchir un nouveau palier dans une carrière jusqu'ici intelligemment menée.
Dans le meilleur des mondes, il aurait aimé que son cas soit réglé avant le début de la Coupe d’Afrique des nations. C’est-à-dire avant le 21 juin. Une grosse semaine après l’épilogue de la compétition, et plus de quinze jours après l’élimination de la Côte d’Ivoire le 11 juillet en quarts de finale face à l’Algérie, Nicolas Pépé était toujours lillois. Le voilà enfin parti de Lille : direction Arsenal.
Si durant ce laps de trois semaines les prétendants de l’Ivoirien n’ont pas obtenu l’ultime confirmation espérée du talent d’un bonhomme qui n’a disputé que trois des cinq matchs des Éléphants en Égypte et n’a pas marqué, ils ont au moins eu le temps de fourbir leurs armes. Après tout, le gaucher a pour lui deux très grosses saisons – dont une seconde exceptionnelle – dans le Nord. Alors, y avait-il encore lieu de douter ? En aucun cas.
De l’art de l’appel/contre-appel
Dans le sillage de celui de Rafael Leão, le dossier Pépé s’est donc accéléré cette semaine. On a même cru en entrevoir l’épilogue ce vendredi, quand Carlo Ancelotti a confirmé en conférence de presse ce qui n’était plus qu’un secret de polichinelle : « Il est évident que Pépé est intéressé, les agents sont ici, inutile de le cacher. Des négociations sont en cours, voyons ce qui se passe. Dans quel rôle le vois-je à Naples ? En tant qu’ailier. » Bref, le Napoli, prêt à poser 65 millions d’euros et Adam Ounas pour s’offrir l’ancien Angevin, semblait à deux doigts d’attraper le pompon. Et puis, Arsenal a sorti les canons et a tout dégommé. La proposition des Gunners ? 80 patates cash selon ESPN et la BBC, et un contrat de cinq ans à des conditions plus avantageuses que celles dont il aurait joui au pied du Vésuve.
Largement assez pour faire bégayer les décideurs lillois, tenus de vendre pour faire passer les comptes du club dans le vert. Mais aussi d’aguicher le joueur, plus à un retournement de situation près. L’an passé déjà, au sortir d’un premier exercice lillois très abouti sur le plan personnel (treize buts et cinq passes décisives en 36 matchs de Ligue 1), Pépé, principal artisan du maintien du LOSC dans l’élite, avait repoussé les avances de l’OL. Ses dirigeants avaient pourtant, en toute fin de mercato estival, trouvé un accord avec leurs homologues lyonnais estimé à trente millions d’euros. Mais le joueur a alors préféré jouer la carte de la stabilité. Un choix payant pour lui comme pour Lille, et qui s’inscrit dans un plan de carrière en pente douce jusqu’ici sagement mené : premiers pas en Ligue 2 avec Angers en 2014-2015 (sept matchs), prêt réussi en National à Orléans (neuf pions en 33 matchs) en 2015-2016, première saison pleine en Ligue 1 avec le SCO (33 matchs) en 2016-2017, et éclosion puis explosion au LOSC ces deux dernières années.
Money, money, money
Dans cette ascension step by step, la case Arsenal a des airs de suite logique. Avant, pourquoi pas, de voir encore plus haut et de tutoyer les cimes du football européen. D’un point de vue strictement tactique, cette tendance – si elle se confirme – interroge tout de même un peu. Pas que le positionnement du natif de Mantes-la-Jolie, promis chez les Gunners au couloir droit où Henrik Mkhitaryan ne convainc qu’à moitié, mais parce qu’avec Alexandre Lacazette et Pierre-Emerick Aubameyang, Unai Emery dispose déjà de deux indéboulonnables devant qui donnent leur pleine mesure dans l’axe. Leur adjoindre Nicolas Pépé se fera sans doute au prix d’un reclassement d’Aubameyang sur l’aile gauche, ou d’un 4-4-2 ultra offensif aux allures de suicide tactique et où Mesut Özil – un axial, lui aussi – serait au pire sacrifié, au mieux utilisé contre-nature dans un couloir. Charge au technicien basque de choisir le moindre des maux.
Pour Lille aussi, le casse-tête que constitue la succession de Pépé va débuter. En cas de deal avec Naples, celle-ci était toute trouvée en la personne d’Adam Ounas. Dans l’immédiat, elle devrait être assurée en interne par Luiz Araujo, autre gaucher à l’aise sur le côté droit. Avant que ne débarque dans le Nord un ailier chevronné, Ligue des champions oblige, ou un énième pari tout droit sorti du chapeau de Luis Campos dans le cadre de son business plan. Pour l’heure, force est de constater que le plan en question, calqué sur le projet monégasque et consistant essentiellement à boursicoter avec ses joueurs, fonctionne. Après Fodé Ballo-Touré (arrivé gratuitement en 2017, et parti en janvier 2019), Thiago Mendes (arrivé en 2017, et vendu en juillet à Lyon) et donc Leão (arrivé gratuitement l’an dernier), dont les plus-values cumulées se chiffrent à 64 millions d’euros, le LOSC s’apprête à réaliser une pirouette de 70 millions d’euros sur Nicolas Pépé. Gare, tout de même, à ne pas liquider tous les actifs trop vite. Sous peine de s’exposer à l’enfer connu par l’ASM, cette saison. Un enfer dont le LOSC revient à peine, faut-il le rappeler. Et cette fois, Pépé ne sera plus là pour l’en extraire.
Par Simon Butel