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Pepe Mel, le best-seller du Betis
Pepe Mel est un homme atypique. Entre quelques séances avec son Betis Séville, le coach andalou écrit. L’an dernier, est d’ailleurs paru son premier roman, Le Menteur. Son prochain best-seller s’annonce pourtant footballistique : emmener le Betis en Europe.
Le 14 octobre 2011, le Betis Séville se prépare à défier le Real Madrid. Lors de la conférence de presse d’avant-match, Pepe Mel s’assied tranquillement dans son fauteuil avant de répondre aux questions diverses et variées. Les journalistes ne sont pourtant pas présents pour interroger un entraîneur. S’ils ont pointé le bout de leurs micros, caméras et dictaphones, c’est pour interviewer un écrivain. En herbe, certes, puisqu’il vient tout juste de publier son premier roman, mais un écrivain tout de même. Pepe Mel, José Mel Pérez de son patronyme complet, est de la trempe de Guardiola et Sócrates : mi-footballeur, mi-intellectuel. Mais chez Mel, pas de Barça ni de Corinthians. Non, lui a toujours préféré le labeur et la sueur au talent et à la classe. Formé au Real, il a écumé les clubs de seconde zone pour terminer sa carrière au SCO d’Angers en 1998. Même topo pour sa carrière d’entraîneur durant laquelle, après quatre ans au Rayo Vallecano, il a atterri au Betis Séville. Des Verdiblancos qu’il est en passe de conduire vers l’Europe.
« Entre quelques feuillets, je pense tactique »
Son roman, El Mentiroso (Le Menteur en VF), raconte l’histoire d’un milliardaire passionné d’archéologie antique. Un beau jour, son protagoniste tombe sur un manuscrit trouvé près de la Mer morte. Une babiole qui remet en cause le fondement du catholicisme. Et donc du Vatican qui, par le biais de ses sbires, le poursuivent tout au long des 600 pages. Bref, cette œuvre qui lui a pris quatre années de son temps n’a pas grand-chose à voir avec le ballon rond. Sauf pour lui : « Le monde du football n’est pas fait de mensonges, mais comme dans tous les corps de métier, il y a des personnes qui le salissent. Nous sommes une image pour beaucoup d’enfants, et beaucoup d’entre eux sont intelligents. Il est important qu’ils sachent que le football ne fait pas tout. » Même si toute sa vie tourne autour du football, Pepe Mel n’est pas du genre à cacher ses centres d’intérêts. Ainsi, « ceux qui voyagent avec le Betis savent qu’ils ne vont que peu me voir. Je reste dans ma chambre et, entre quelques feuillets d’écriture, je pense à la tactique de l’équipe. »
Joueur, déjà, l’ancien pensionnaire de la Cantera du Real étalait sa différence : de par son goût prononcé pour la culture, il était en marge de ses camarades aux centres d’intérêts, disons, plus « terre à terre » . Coach, il a par exemple obligé sa toute jeune pépite Alvero Vadillo à lire des livres plutôt que d’aller courir sous les jupons des filles. N’allez pas y voir une quelconque forme de dictature culturelle ou intellectuelle. Non, Pepe Mel veut des joueurs épanouis, et pas seulement dans leur travail. Car pour cet ancien attaquant, la littérature n’est ni son travail, ni son loisir : c’est sa passion. « Avec ce roman, je m’expose et je dis à l’éditeur : « Si je n’ai pas la qualité suffisante, ne me publiez pas. Ce n’est de toute façon pas mon travail, c’est mon plaisir » » , avance-t-il. Son travail, justement, n’est jamais vraiment loin : « Gagner au Santiago Bernabéu est extrêment difficile, comme écrire. Cela dépend de toi, mais tu ne peux pas l’éditer. Avec le sport, je peux écrire le match parfait, ce sera toujours aux joueurs de l’éditer. Mais sans football, je ne pourrais pas écrire quoi que ce soit. »
Un homme qui aime le changement
Et niveau football, Pepe Mel n’est pas un manche. Lors de son premier millésime, en 2010, il débarque avec le costume de pompier de service. Neuf mois plus tard, il fait remonter illico le club de son cœur – il y a joué de 1989 à 1993 – en Liga. Guardiola, après avoir passé une manita au leader d’alors de Liga Adelante en quart de finale de Copa del Rey, ira même de son compliment : « Le Betis est sans doute l’une des meilleures équipes que nous avons affrontée cette saison. » Balancé sans ironie aucune. Le retour en Liga est assuré par un maintien tranquillou. Surtout, Pepe Mel fait découvrir un certain Beñat Etxebarria aux yeux de tout un pays. Ses méthodes de travail sont louées et appréciées de tous, médias comme joueurs. Pour sa deuxième année consécutive dans l’élite, le Betis est ainsi la seule équipe à avoir aligné dix-neuf « onze » différents en autant de journées. Surtout, elle se pavane actuellement à une quatrième place, synonyme de Ligue des champions. Après avoir publié son premier ouvrage, c’est l’autre rêve de Pepe Mel : « Au niveau sportif, j’ai l’espoir, comme le président, que ce Betis soit connu en dehors de l’Espagne. Peut-être pas immédiatement, mais je souhaite que l’Europe connaisse le nouveau Betis. Que notre public, nos joueurs entendent la musique de la Champions. » Pour ce qui serait assurément son second best-seller.
Par Robin Delorme, à Madrid