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Pepe, 40 ans et toujours plus fort
Personne n’en doutait, mais Pepe continue de le faire savoir. Le vieux briscard de 40 ans enchaîne les performances dignes d’un jeune morfal de 20 balais sous les couleurs du FC Porto. Hommage au désormais plus vieux buteur de l'histoire de la Ligue des champions.
À l’approche de la fin d’année et du moment où chacun d’entre nous décidera des cases à cocher pour l’année suivante, j’ai décidé de faire un vœu dès ce mardi soir. Celui d’arrêter de s’extasier devant un jeune talent qui n’a rien montré de plus que deux ou trois dribbles, qui a claqué un but pour son premier match, ou encore celui qui devient « crack » dans la bouche de tout le monde parce que son nom sonne comme le carnaval de Rio. Il est temps de rendre la gloire à ceux qui le méritent le plus : les anciens. Ce mardi soir, au stade du Dragon, c’est Pepe qui a donné la leçon. Tout comme la semaine dernière, c’était ma grand-mère. Elle était descendue de son HLM pour enlever la clope au bec des plus jeunes dans le hall d’entrée avant de leur faire la morale. Ces mêmes jeunes qui pensaient s’en être débarrassés en l’aidant à monter ses courses au retour du marché le week-end passé. J’ai beau la voir plusieurs jours de la semaine, je n’arrive pas à comprendre pourquoi elle m’étonne encore. C’est exactement pareil avec le capitaine des Dragons.
40 balais, le type, et il les fait largement. Plus aucun poil sur le caillou, des rides un peu partout, strappé à chaque rencontre : pas besoin de se faire des films. Ce mardi soir, il est devenu le plus vieux buteur de la plus grande des compétitions européennes, une semaine après en être devenu le joueur de champ le plus âgé à y jouer un match. Francesco Totti tenait ce record depuis plus de dix ans. La légende de l’AS Roma avait alors 38 ans et 59 jours. Pepe en comptait au moment des faits respectivement 40 et 254. Un but de la tête sur un super centre pour encore plus marquer son passage à Porto de son empreinte ? « Non ». « C’est-à-dire ? », a relancé le journaliste à la fin du match. « Ce but, il est pour ma mère. C’est son anniversaire. Je voulais gagner pour elle. » L’humilité. Ce gars a gagné quatorze titres avec le Real Madrid, dont trois Ligue des champions, est l’un des cinq plus grands joueurs de l’histoire de la sélection portugaise – et pas cinquième – et ne se la raconte pas. « Tout ça, c’est beaucoup de travail, de sacrifices et une énorme passion. Cela signifie renoncer à la famille et à des moments importants. Mes filles savent ce que je ressens. » Il ne reste plus que sept mois de contrat au capitaine des Dragons, mais il l’a assuré : « Le chemin est encore long. » Rideau. On ferme tout, on lui donne le trophée de MVP et on remballe.
🏆 #UCL #PORANT 🤯 Pepe de la tête vient assurer la victoire du FC Porto !! 🍷👏 A 40 ans, il devient officiellement le plus vieux buteur de la Ligue des Champions !#action pic.twitter.com/UTVL10BbaL
— beIN SPORTS (@beinsports_FR) November 7, 2023
Face à la prise d’âge, il y a définitivement deux comportements à adopter. Celui de la victime. Pardon Tonton, mais quand tu te brusques jusqu’à sortir fumer ton cigare parce que le petit-cousin a dit que tu étais vieux à 35 ans, on se dit que l’avenir ne sera pas simple. Ah oui, et en plus, tu fais pareil quand Tata dit que tu es devenu « mature » ou que tu arrives de plus en plus à bricoler parce que tu as gagné de « l’expérience » en déménageant. Tu ne les aimes pas ces mots. Pepe lui, les mélange, sirote le cocktail en en rajoutant d’autres du type « mûr » ou « sage », et sert un verre à tous ceux qui veulent goûter à cette boisson. C’est le deuxième comportement. C’est l’autre qui disait « toujours vivant, rassurez-vous, toujours la banane, toujours debout ». C’est assumé. On ne veut pas le cacher. Et sans dire un mot – bon Renaud oui, en même temps il est chanteur –, on avance. Pour le retour de Rocky Balboa en 2006, Sylvester Stallone avait replacé son fils, fainéant et défaitiste face à sa situation professionnelle, en lui disant que la vie finit toujours par te mettre à genoux : « Ce n’est pas d’être un cogneur qui compte, l’important c’est de se faire cogner et d’aller quand même de l’avant. » D’ailleurs, le lendemain, son fils décide de quitter son emploi et de recommencer sa vie. Merci papa. Pepe a cette figure de père au sein du groupe de Sergio Conceição. C’est lui qui a décidé qui allait tirer le penalty en première période quand Evanilson et Mehdi Taremi se chamaillaient. Il a pointé du doigt le Brésilien, et a couru vers son camp, applaudit par tous les supporters, fiers de leur chef de meute. Fin de la discussion et place au jeu.
Niché tout en haut du stade du Dragon ce mardi soir en regardant un FC Porto – sans grands éclats – assurer l’essentiel face au Royal Antwerp, j’ai vu des pères de famille se lever de leur siège et se prosterner quand Pepe a claqué son coup de casque en fin de partie. Les « Peeeeeepe, Peeeeeepe ! » déboulaient des tribunes, les petits et grands applaudissaient, certains faisaient de grands gestes des bras pour saluer leur capitaine… mais je crois que le plus étonnant est de voir les plus anciens se mettre à sourire, jusqu’à rigoler. Faut croire que c’est drôle pour eux de voir un vieux donner la leçon. J’y ai vu mon grand-père, plié en deux, quand Albert – un de ses meilleurs amis – tentait de m’expliquer comment fonctionnait une cafetière à piston il y a quelques années. Il se moquait de moi, celui-là. Et je me suis mis à rire aussi. De nervosité peut-être, mais surtout avec beaucoup de déférence. Je les pensais ringards sur plein de sujets, et ce jour-là, j’étais tellement ridicule. Mardi soir, Pepe s’est envolé plus haut que Van den Bosch (20 ans), Coulibaly (20 ans), Arbnor Muja (24 ans) avant de battre Lammens (21 ans) à la 92e minute du match. Évidemment que les joueurs de Van Bommel – orphelins de leur capitaine Alderweireld (34 ans) – n’ont pas ri. Mais si vous aviez vu la tête de David Carmo, de Varela ou même de Francisco Conceição… Pepe est donc entré encore plus dans la légende. Et j’ai appris. Tout le monde a d’ailleurs appris. C’était ça, Pepe ce soir-là. Un peu de ma grand-mère, d’Albert et de Balboa à la fois.
Par Matthieu Darbas, au Dragon