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Pep Clotet : « Améliorer le joueur est la meilleure façon d’améliorer l’équipe »

Propos recueillis par Léo Ruiz
Pep Clotet : « Améliorer le joueur est la meilleure façon d’améliorer l’équipe »

En Angleterre, le Championship a aussi droit à son "Pep" : Clotet, le coach catalan de Birmingham City, qui affronte Leicester ce mercredi soir au 5e tour de la FA Cup. L’occasion de revenir avec lui sur son drôle de parcours et ses diverses influences, de Johan Cruyff à Marcelo Bielsa, en passant par Michael Laudrup, l’homme qui lui a ouvert les portes du foot anglais.

Votre carrière d’entraîneur commence à seulement 24 ans. Pourquoi si jeune ?J’ai eu une grave blessure au genou et j’ai eu du mal à récupérer. Je jouais au Club Futbol Igualada, un club semi-professionnel de l’intérieur de la Catalogne, où j’entraînais déjà les jeunes. C’est quelque chose qui m’avait toujours plu. J’ai continué à jouer dans une équipe amateur pendant mon temps libre, mais développer le talent des jeunes joueurs était devenu ma passion et ma priorité. En 2001, je suis recruté par Cornellà, une équipe de quatrième division, et je passe la Licence UEFA Pro.

Comment vous retrouvez-vous à l’Espanyol Barcelone ?Je connaissais des entraîneurs de l’Espanyol qui passaient leur diplôme avec moi, mais je n’avais pas de lien direct avec le club. Je crois que c’est le succès de mon étape avec les jeunes de Cornellà qui a attiré leur attention. On a fini 4es d’une poule remplie d’équipes pros : le Barça, l’Espanyol, Villarreal, Valence… Et ils m’ont pris. Je suis devenu très ami avec José Manuel Casanova, le directeur du centre, que je considère comme mon mentor. J’ai beaucoup appris de lui sur le jeu, mais aussi sur la recherche et la détection de jeunes joueurs susceptibles d’intégrer rapidement l’équipe première.

Pourtant, dans vos sources d’inspiration, vous citez systématiquement Cruyff, le grand idéologue de l’autre club de la ville.

Cruyff est la grande référence de tous les entraîneurs catalans. Mon père était socio du Barça et il nous emmenait au Camp Nou mon frère et moi quand nous étions petits. C’est là que j’ai découvert ce football électrique…

Cruyff est la grande référence de tous les entraîneurs catalans. Mon père était socio du Barça et il nous emmenait au Camp Nou mon frère et moi quand nous étions petits. C’est là que j’ai découvert ce style de football qui faisait vibrer les supporters. Ce qu’il proposait était complètement nouveau : la possession du ballon comme arme défensive, les combinaisons rapides en attaque, l’organisation tactique très concrète, le jeu à une touche de balle, le dynamisme, ce football électrique. Tout cela a posé les bases du Barça que l’on connaît aujourd’hui et a été une grande influence pour nous tous qui l’avons vécu de près.

Comment vous retrouvez-vous à travailler en Suède puis en Norvège ?Je sortais de deux ans avec la réserve de l’Espanyol, avec qui on avait été champions en quatrième division. C’était l’époque où Pochettino coachait l’équipe première. J’avais 33 ans, et je cherchais autre chose. J’avais beaucoup voyagé en Europe pour voir d’autres types de football et de méthodes d’entraînement, et je sentais cette envie de sortir de Catalogne, d’expérimenter d’autres cultures. Manuel Casanova m’a mis en contact avec l’un de ses proches, Roland Nilsson, l’arrière droit de la Suède qui finit 3e au Mondial 1994, alors entraîneur de Malmö FF. On s’est rencontrés et il m’a proposé de venir travailler avec lui. Je lui dois beaucoup, grâce à lui j’ai eu cette opportunité de partir et j’ai perdu cette peur de travailler à l’étranger. Je suis devenu coach principal l’année suivante au Halmstads BK, puis en Norvège au Viking FK. Là-bas, le football est largement sous influence anglaise.

Le championnat anglais, justement, vous le rejoignez en 2013, après un appel de Michael Laudrup. J’étais revenu en Espagne, à Málaga, où Casanova avait été recruté comme directeur du centre de formation. Manuel m’avait demandé de prendre la réserve, pour préparer les joueurs à faire le tremplin vers l’équipe pro, alors dirigée par Manuel Pellegrini. J’ai fait une saison entière, et un soir, alors que j’étais chez moi, Michael Laudrup m’appelle. C’était une idole de jeunesse, j’allais le voir au Camp Nou quand j’avais 15 ans, je trouvais que c’était un joueur différent. Il m’a proposé de nous rencontrer à Londres, après un déplacement de Swansea – qu’il entraînait – à Chelsea. On a parlé longtemps, de Swansea, du foot anglais. Il voulait que je fasse pour eux la même chose que je faisais à Málaga : terminer de former les jeunes du club, dans la dernière ligne droite avant le grand saut chez les pros. Pour moi, c’était une porte d’entrée vers l’Angleterre dans un registre que je connaissais bien. Le projet n’a pas duré longtemps, parce que Laudrup a quitté le club en cours de saison. C’est le capitaine de l’équipe, Garry Monk, qui a été nommé entraîneur. Il m’a demandé de l’accompagner et je suis devenu son adjoint à Swansea, puis plus tard à Leeds et Birmingham.

Guardiola à Manchester City, Roberto Martínez à Swansea, Wigan et Everton, et vous à Birmingham. Les coachs catalans sont-ils en train de transformer le foot anglais ?Je crois qu’avec l’Italie, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et le reste de l’Espagne,

Je ne crois pas que les entraîneurs changent le football d’un pays, chacun fait son travail, et on copie tous ce qui marche ailleurs. Moi, j’ai volé des choses à beaucoup d’autres entraîneurs.

la Catalogne fait partie de l’élite sur le plan de la formation des entraîneurs. Il y a une exigence de travail et de préparation très élevée. L’entraîneur catalan a dans sa mentalité l’organisation offensive comme pièce fondamentale du développement de son équipe. C’est ce dont on parlait au début, cette influence de Cruyff et de ceux qui sont venus après, comme Louis van Gaal. Jusqu’à il y a quelques années, on voyait plutôt des équipes bien organisées défensivement et qui laissaient la partie offensive à la créativité de leurs joueurs. À partir des années 2000, les concepts que l’on nous enseignait avant, comme l’attaque « positionnelle » , la recherche du joueur libre, le décalage sur les côtés pour chercher le centre, ont commencé à bouger. Je ne crois pas pour autant que les entraîneurs changent le football d’un pays, chacun fait son travail, et on copie tous ce qui marche ailleurs. Moi, j’ai volé des choses à beaucoup d’autres entraîneurs.

Bielsa, par exemple, que vous citez souvent ?Il m’a beaucoup influencé. J’ai commencé à le suivre quand je passais mes diplômes d’entraîneur à Barcelone. Lui préparait l’Argentine pour le Mondial au Japon et en Corée du Sud et il était venu quelques semaines à Sant Cugat, où se trouvait notre école. Sa façon de travailler les moindres détails m’avait fasciné. Tactiquement, il pratiquait déjà ce football offensif très intense, avec un marquage individuel, une pression haute… Je me rappelle qu’il faisait travailler cette pression à un latéral, qui devait monter jusqu’au gardien adverse pour l’obliger à dégager. C’était le thème principal de l’entraînement. C’est là que j’ai vu la différence entre parler d’un détail avec un joueur et lui faire répéter ce « détail » sans s’arrêter pendant 20 minutes à intensité maximum. Après cela, je l’ai observé partout où il est passé, au Chili, à Bilbao, à Marseille, pour voir comment il mettait à l’œuvre en match ces concepts qu’il travaillait en boucle à l’entraînement. Peu importe son équipe et peu importe l’adversaire, on retrouvait systématiquement sa marque, et ça, c’est très difficile à réussir dans le football. Comme dans ma carrière, j’ai longtemps travaillé sur le perfectionnement des jeunes, je me suis beaucoup inspiré de ce travail individualisé qu’il réalisait avec ses joueurs. Parce que finalement, améliorer le joueur est la meilleure façon d’améliorer l’équipe.

Désormais, vous évoluez tous les deux en Championship, plus réputé pour son jeu physique et ses longs ballons vers l’avant que pour sa qualité technique et son jeu de passes. Ça ne vous faisait pas peur ?C’est un championnat très dur du fait de son nombre de matchs dans la saison : 46, plus les deux coupes. Il faut jouer le samedi, récupérer vite et se préparer pour le match du mardi ou du mercredi suivant. Du fait de cette grande quantité de matchs, la dimension physique est centrale pour les joueurs. Toutefois, cette vision des longs ballons balancés de derrière appartient selon moi au passé. Aujourd’hui, les équipes sont très bien préparées et organisées. C’est très difficile de remporter un match de Championship, mais très facile de le perdre. Beaucoup d’équipes aspirent à monter en Premier League et font pour cela venir des joueurs et entraîneurs de haut niveau, comme par exemple Bielsa.

Après des débuts irréguliers, votre équipe enchaîne les bons résultats depuis quelques mois. Vous vous plaisez à Birmingham ?J’adore la vie ici. C’est une ville particulière en Angleterre, parce qu’elle concentre avec ses alentours quatre grands clubs : Birmingham City dans le centre-ville, Aston Villa au nord, West Bromwich à l’ouest et Wolverhampton un peu plus loin. On pourrait même ajouter Coventry à l’est, actuellement en tête en League One. Le football y est donc omniprésent, et le fait d’avoir toutes ces équipes voisines et rivales pousse à être très compétitif. Nous concernant, après plusieurs années à souffrir pour ne pas être relégués, c’était important de trouver un peu de stabilité et de passer une saison plus calme, en continuant à parier sur nos jeunes du centre de formation.

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Propos recueillis par Léo Ruiz

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