- Arbitrage
Penaltys : les gardiens pieds et poings liés
À partir du 1er juillet prochain, les gardiens n’auront plus le droit de « distraire abusivement » les tireurs de penalty. Une mise à jour réglementaire évidemment regrettable, tant pour les derniers remparts que pour l'intérêt des séances de tirs au but.
On peut aisément supposer qu’Emiliano Martínez a vécu une fin de semaine compliquée. Certes, Dibu a participé à la victoire de l’Argentine en amical face au Panama, jeudi soir (2-0), profitant de l’occasion pour réitérer, coupe du monde miniature en main, sa désormais fameuse célébration phallique. Le lendemain, cependant, le gardien de l’Albiceleste a dû faire la moue en découvrant le contenu du dernier document émis par l’IFAB. L’instance en charge des règles du football y a révélé plusieurs mises à jour, qui seront effectives à compter du 1er juillet prochain. L’une de ces évolutions concerne les portiers et leur attitude au moment de l’exécution d’un penalty (ou pendant une séance de tirs au but). « Le gardien ne peut distraire abusivement le tireur, par exemple en retardant l’exécution du penalty ou en touchant les poteaux, la barre transversale ou les filets », avance l’IFAB, ajoutant que « le gardien doit veiller à respecter le jeu et l’adversaire », sous peine de s’exposer à des sanctions disciplinaires. Dès 2023-2024, c’en sera donc fini des coups de bluff et des gesticulations destinées à déconcentrer le tireur adverse. Un vrai coup dur pour Martínez qui, grâce à ses pitreries, était entré dans la tête des frappeurs français lors de la dernière finale mondiale.
Déséquilibre évident et levier psychologique
Plus largement, c’est aussi un réel coup dur pour la grande confrérie des derniers remparts. Certains n’ont d’ailleurs pas hésité à faire part de leur désarroi, à l’image de Mike Maignan. « Les gardiens devront être de dos au moment du tir. En cas d’arrêt, coup franc indirect », a ironisé le successeur d’Hugo Lloris chez les Bleus, qui s’est illustré vendredi en écartant un péno de Memphis Depay, confortant ainsi son statut de spécialiste dans ce domaine. Le Milanais n’est pas content, et on le comprend. D’office, le gardien part avec un net désavantage quand un adversaire pose le ballon sur le petit point blanc, à onze mètres seulement de sa ligne de but. Le déséquilibre des forces est évident. Et les possibilités de le compenser – ne serait-ce qu’un peu – sont sans cesse rabotées. Autrefois, les hommes gantés se permettaient d’avancer d’une poignée de centimètres avant la frappe. Depuis quelques années, cette marge de tolérance a disparu, obligeant les gardiens à avoir au moins un pied sur la ligne. Ces derniers peuvent également tenter de déstabiliser le tireur, de le faire douter avant qu’il ne s’élance. Dans ce face-à-face si particulier, le levier psychologique tient un rôle crucial. D’ici trois mois, les portiers n’auront plus le droit de l’actionner.
Nouvelles règles de l'IFAB pour les penalties en 2026:
🔄Les gardiens devront être de dos au moment du tir ❌En cas d'arrêt, coup-franc indirect https://t.co/nRpa0wi0b2
— Magic Mike Maignan (@mmseize) March 25, 2023
Des grimaces restées dans les mémoires
C’est d’autant plus rageant que dans le même temps, les frappeurs de pénos bénéficient d’une grande liberté d’action. Eux s’autorisent des courses d’élan faites de ralentissement parfois poussé à l’extrême, qui mettent les gardiens en difficulté et réduisent encore davantage leurs chances de réaliser l’arrêt. Enfin, cette mise à jour réglementaire sonne le glas des gardiens qui se sont justement construit une réputation grâce à leur attitude loufoque sur les coups de pied de réparation et qui ont pu devenir les héros de séances de tirs au but restées dans les mémoires. On pense au one man show d’Emiliano Martínez contre la France, bien sûr, mais aussi à Andrew Redmayne. Entré en jeu juste avant la fin de la prolongation d’un barrage pour le Mondial 2022 entre l’Australie et le Pérou, le Sydnéen avait multiplié les facéties sur sa ligne et offert la qualification à son équipe (0-0, 5-4 TAB), donnant une bonne raison de se souvenir d’un match pourtant soporifique pendant 120 minutes. Dans un même registre, comment oublier Bruce Grobbelaar, ses grimaces et ses « jambes spaghetti », grâce auxquelles Liverpool avait vaincu l’AS Rome en finale de la Coupe des clubs champions 1984 (1-1, 4-2 TAB) ? Bientôt, il n’y aura plus de Grobbelaar, de Redmayne, ni même de Martínez. Bientôt, il ne restera que des séances aseptisées. Et on ne peut que le déplorer.
<iframe loading="lazy" title="Liverpool FC v AS Roma 1984 European Cup Final" width="500" height="281" src="https://www.youtube.com/embed/9OhgpbJvWK8?feature=oembed" frameborder="0" allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share" allowfullscreen></iframe>
Par Raphaël Brosse