- Brésil
- Disparition de Pelé
« Pelé, c’était un nom pourri »
Il s’appelait Edson Arantes do Nascimento. Mais pour tous, il était Pelé. Un surnom qui lui avait été donné lorsqu'il était tout gamin et que le Roi a dans un premier temps détesté. Au point de donner un coup de poing à un camarade de classe qui avait osé l'appeler de la sorte.
Les Brésiliens adorent les surnoms. Didi, Vava, Jairzinho, Garrincha, Bebeto… Nombreux sont les joueurs qui ont hérité d’un surnom et l’ont conservé tout au long de leur carrière et de leur vie, celui-ci venant même remplacer leur nom de naissance. Le Roi Pelé n’a pas échappé à la règle. Son père, João Ramos do Nascimento (lui-même surnommé Dondinho), et sa mère, Maria Celeste Arantes, l’ont baptisé Edson, en hommage à l’inventeur Thomas Edison. Mais ce prénom n’allait pas durer bien longtemps, car on l’a dit : les Brésiliens adorent les surnoms.
Rituel de sorcières
Dès sa plus tendre enfance, Edson est affublé d’un premier surnom, donné par son oncle : Dico. « Mon oncle Jorge a sorti ce surnom et pour ma famille, c’est celui qui est resté, c’est d’ailleurs comme ça que ma mère m’a toujours appelé », avait raconté le triple champion du monde au Guardian en 2006. Mais ce sobriquet allait rapidement être effacé par un autre : Pelé. « De nombreuses histoires expliquent comment ce nom est apparu, racontait encore le Roi.Je ne pourrai jamais être sûr à 100% de l’origine, mais la version la plus probable a commencé avec un coéquipier de mon père lorsqu’il jouait pour Vasco de Sao Lourenco. » Le coéquipier en question s’appelle José Lino da Conceição Faustino, mais pour tous, il est « Bilé » .
Et là encore, l’origine de ce surnom est assez improbable. Pelé, encore : « À l’âge de deux ans, José ne parlait toujours pas. Cela inquiétait beaucoup sa mère, Maria Rosalina. Étant très spirituelle, elle a décidé de convoquer une réunion de « benzedeiras », des femmes qui pratiquaient une sorte de rituel de sorcière les nuits de pleine lune. Maria Rosalina espérait que cela aiderait à guérir la langue silencieuse de son bébé. » Les sorcières se sont donc mises au travail, et leur rituel commençait toujours par un sort : « Bili-Bilu-Tetéia ! », une sorte de « Abracadabra » local. Les rituels ont duré plusieurs semaines, lorsqu’un jour, miracle ! Le petit José s’est écrié : « Bilé ! » Et Bilé devint ainsi son surnom.
Accent, bagarre et Gasolina
Retour à la fin années 1940. Passionné de foot dès sa plus tendre enfance, le petit Edson accompagnait toujours son papa aux entraînements du club de Vasco. Il se mettait derrière les buts, et observait avec passion les arrêts de Bilé. « Dès que je le pouvais, je me glissais même dans le but et je jouais, et dès que je parvenais à arrêter un tir, je criais : « Bien joué, Bilé ! » ou « Superbe arrêt, Bilé ! » Comme j’étais jeune, j’ai déformé le surnom et je disais à tous que, quand je serais grand, je voudrais être gardien de but comme« Pilé ». »
En 1952, Edson, désormais âgé de 12 ans, et sa famille, déménagent à Bauru, à quelque 500 kilomètres à l’ouest de Três Corações, sa ville natale. « Quand nous avons emménagé à Bauru, ce « Pilé », dont je parlais si souvent, est devenu« Pelé ».Selon mon oncle Jorge, c’est à cause de mon gros accent du Minas Gerais. Je parlais d’une certaine façon à Bauru et on me comprenait d’une tout autre manière. » Et voilà donc qu’à l’école, un copain décide de taquiner le petit Edson en l’appelant Pelé, le but étant évidemment de se moquer de son accent du Minas Gerais. « Je me souviens que cela m’agaçait vraiment, rembobinait Pelé. J’étais si fier d’avoir été nommé d’après Thomas Edison, et je voulais qu’on m’appelle Edson. Je trouvais que Pelé sonnait mal. C’était un nom pourri. Edson sonnait tellement plus sérieux et important. »
Ce surnom énerve tellement le jeune garçon qu’un jour, il en vient même à se bagarrer avec un camarade de classe. « J’ai été suspendu de l’école pendant deux jours. Comme on pouvait s’y attendre, cela n’a pas eu l’effet escompté. Les autres enfants ont compris que cela m’énervait vraiment et ont commencé à m’appeler Pelé encore plus. » Rien à faire : Edson était devenu Pelé, et le surnom va atteindre les terrains de football, pour ne plus jamais les quitter. Enfin, presque : quelques années plus tard, alors qu’il jouait désormais à Santos, Pelé a été surnommé pendant quelque temps « Gasolina », en l’honneur d’un chanteur brésilien qui s’était rendu célèbre en 1956 avec sa chanson Preto Pedante. « Heureusement, ça n’a pas duré, précisait Pelé. Et cela a fini par me convaincre que Pelé, ce n’était pas si mal. Puis j’ai compris que ce n’était pas à moi de décider comment on m’appelait. Aujourd’hui, j’aime ce nom, mais à l’époque, qu’est-ce qu’il m’énervait… »
Par Éric Maggiori
Tous les propos de Pelé ont été recueillis par le Guardian, en 2006.