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Pelé, Cafu, Hulk, Edu, Zizinho, Kaká… Noms et surnoms des footballeurs brésiliens (Partie 2)
C'est le plus souvent par leur prénom que les footballeurs brésiliens s'identifient. Des prénoms (et non pas des noms de famille !) qui s'affichent floqués sur leurs maillots et par lesquels ils sont toujours désignés officiellement. Des prénoms authentiques, désignés par leurs parents. Et qui sonnent Bra-sil !
Un prénom pour la vie
Hors Brésil, on peut également trouver des grands joueurs qu’on nomme par leur simple prénom. Souvent des Espagnols, comme « Raúl » (Raúl Gonzalez Blanco), « Sergi » (Sergi Barjuan Esclusa) ou « Jordi » (Jordi Cruyff). Ces cas-là sont tout de même rares… Car c’est bien au pays de la samba qu’on décline le plus souvent son identité par son prénom. Ainsi en 1997 et 2002, on a bien donné le Ballon d’or à Ronaldo (Ronaldo Luís Nazário de Lima). Mais on n’a pas donné le Ballon d’or à « Lionel » , « Marco » , « Franz » , « Pavel » ou « Fabio » … Historiquement, dans le foot brésilien, l’usage du prénom a beaucoup prévalu d’hier à aujourd’hui. On peut citer par ordre chronologique pas mal de ces champions aux prénoms légendaires. Dans les années 30, il y eut le grand Leônidas (Leônidas da Silva) et lors de l’infortuné Mondial 1950 le malchanceux Ademir (Ademir Marques de Menezes). Plus triomphateur, le grand gardien de 1958, Gilmar (Gylmar dos Santos Neves, mais toujours orthographié « Gilmar » avec un I). Détail intéressant, ce prénom Gilmar est l’assemblage de la première syllabe des prénoms de son père Gilberto et de sa mère Maria. Quelques grands cracks de la Seleção 1970 : Clodoaldo (Clodoaldo Tavares de Santana), Carlos Alberto (Carlos Alberto Torres) et Gérson (Gérson de Oliveira Nunes). Il est à noter qu’au pays, Gérson était aussi surnommé Canhotinha de ouro (le pied gauche en or)…
Plus près de nous, Éder (Éder Aleixo de Assis), l’immense Sócrates (Sócrates Brasileiro Sampaio de Souza Vieira de Oliveira, surnommé aussi O doutor, le lettré) et son jeune frère Rai (Raí Souza Vieira de Oliveira). Citons encore Romário (Romário de Souza Faria) avant d’atteindre la génération suivante avec Rivaldo (Rivaldo Vítor Borba Ferreira), Edmilson (José Edmílson Gomes de Moraes) et leur glorieux compère, Ronaldo. Le grand Ronaldo (Ronaldo Luís Nazário de Lima) a failli garder son apelido d’enfance, « Dadado » ! Il était appelé ainsi par sa famille et ses proches. L’origine de Dadado vient de son jeune frère qui trouvait que son prénom était trop compliqué à prononcer. Quand il a eu 16 ans et qu’il a commencé à être célèbre grâce au football, le surdoué a demandé qu’on l’appelle par son vrai nom, ou du moins son vrai prénom : Ronaldo ! Accessoirement, Ronaldo sera surnommé plus tard O Fenômeno (le phénomène). Un sobriquet pas inutile quand il s’agira de distinguer ce crack brésilien de l’autre crack portugais (Cristiano) Ronaldo. Utile mais insuffisant… Afin d’éviter les confusions, ils auront alors recours à leur griffe perso : R9 (pour le Brésilien) et R7 puis CR7 (pour le Portugais) !
Seleção 2014 : les prénoms en force !
Toujours dans la génération Ronaldo, le cas Roberto Carlos (Roberto Carlos da Silva Rocha) est très intéressant. En effet, les grands défenseurs brésiliens sont très souvent appelés par leur prénom ou par leurs prénom + nom (voir Nilton Santos, Djalma Santos, Thiago Silva, David Luiz). Les apelidos de pure invention (tel Cafu) sont rares chez les défenseurs en comparaison aux joueurs offensifs (tels Kaká, Didi, Vava, Pelé, Hulk). Au pays du football roi, on l’explique par le fait que le public qui vénère surtout les attaquants aime à se les approprier en les affublant d’un sobriquet affectueux. Comme pour les défenseurs, les surnoms sont rares chez les gardiens : Dida (Nélson de Jesus Silva) demeure le seul apelido d’invention attribué à un portier de la Seleção. Les autres déclinent comme pour les défenseurs une identité composée de leur prénom, tels Gilmar ou Júlio César (Júlio César Soares de Espíndola), ou de leur simple nom de famille, tel Leão ou Taffarel.
Le phénomène frappant de ces toutes dernières années, c’est l’usage grandissant, quasi exclusif du prénom seul. On peut citer Maicon (Maicon Douglas Sisenando), Rafael (Rafael Pereira da Silva), Lucas (Lucas Rodrigues Moura da Silva, dit aussi « Lucas Moura » ) ou Nilmar (Nilmar Honorato da Silva). Mais c’est quand on observe la Seleção 2014 qu’on constate que l’usage du prénom unique touche non seulement tous les postes, à toutes les lignes, mais que ces prénoms sont quasiment majoritaires dans l’effectif ! Jugez plutôt : Jefferson (Jefferson de Oliveira Galvão), Victor (Victor Leandro Bagy), Henrique (Henrique Adriano Buss), Maxwell (Maxwell Scherrer Cabelino Andrade), Dante (Dante Bonfim Costa Santos), Marcelo (Marcelo Vieira da Silva Júnior), Ramires (Ramires Santos do Nascimento), Willian (Willian Borges da Silva), Oscar (Oscar Dos Santos Emboaba Júnior), Neymar (Neymar da Silva Santos Júnior), Bernard (Bernard Anício Caldeira Duarte). Il n’y a plus qu’un apelido de pure invention (Hulk), alors qu’en 1958, ces apelidos étaient beaucoup plus nombreux.
Recul de l’apelido…
Une explication sociologique peut rendre compte de cette évolution vers la généralisation des prénoms et du recul relatif des apelidos. Comme en témoigne Paula Anacaona, éditrice du recueil Le football au Brésil, les apelidos d’invention issus du lointain folklore populaire laissent plus souvent place aux simples prénoms et aux raccourcis (Jô, Dê). On peut y voir l’influence « moderne » anglo-saxonne des médias, telle la Globo, qui ont « ringardisé » un peu la culture des surnoms d’autrefois… Les apelidos d’antan se créaient et s’inventaient dans le contexte géographique d’une localité (un village, un quartier) ou dans un contexte de voisinage (un immeuble, une rue) ou tout simplement dans un contexte familial. Les jeunes gens (footballeurs ou non) se voyaient affublés de sobriquets très familiers du fait de leur présence continue dans un environnement permanent. Mais dans le football brésilien moderne, les déplacements géographiques des jeunes joueurs (vers les centres de formation ou vers les clubs pros) ont effacé les attaches traditionnelles continues qui favorisaient l’usage des apelidos. Le sobriquet « Garrincha » était rattaché à une trouvaille familiale (sa sœur l’avait rebaptisé ainsi), mais il était aussi rattaché au petit peuple de Pau Grande, le petit bled où il avait grandi.
Aujourd’hui, les jeunes footballeurs brésiliens quittent très tôt leur famille, leur ville, voire leur pays (Neymar a été « drafté » par le Barça dès ses 18 ans). En bref, les changements d’environnement humain liés aux déplacements précoces et successifs effacent peu à peu l’usage des surnoms des jeunes joueurs. Du coup, ces jeunes cracks vont à l’essentiel en se choisissant pour « nom » un prénom unique, gage d’une identité forte, incontestable et rassurante. Enfin l’exemple de réussite du grand Ronaldo (après celle de Romário) a sans doute aussi conduit au choix du prénom unique. Avec son prénom qui claque, Neymar marche sur les traces de Ronaldo, le Fenômeno…
Par Chérif Ghemmour