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Pelé à New York, le Roi dans le Cosmos
Il est le pionnier de la popularisation du football aux États-Unis. De 1975 à 1977, presque vingt ans après son premier sacre en Coupe du monde, Pelé a régalé avec le maillot blanc si pur du New York Cosmos.
Cheveux longs, T-shirt ultra moulant et pantalon à carreaux. Dans le vestiaire exigu du Downing Stadium, le jeune garçon au look so seventies, mâche son chewing-gum avec les yeux rivés sur un homme : mais qui est ce numéro 10 dont tout le monde parle, doit-il se demander ? À quelques minutes de fouler la pelouse du stade new-yorkais, ce dernier lâche quelques jongles qui rebondissent au plafond. « Son vrai nom est Edson Arantes do Nascimento, les fans de soccer le connaissent sous le nom de Pelé. Numéro 10. Le plus célèbre joueur de l’histoire de ce sport » , annonce le commentateur de la chaîne CBS, la chaîne qui diffuse exceptionnellement un match amical de soccer.
« Il a mené le Brésil à la victoire lors de trois Coupes du monde et marqué plus de buts que quiconque en professionnel. Aujourd’hui, il rejoint le New York Cosmos et la North American Soccer League ! » Signe peace de la main vers la foule, échange de drapeaux brésilien et américain, ce 15 juin 1975, Pelé entre sur le terrain en dernier sous les cris de la foule, venue en masse pour assister à la rencontre opposant le Cosmos au Dallas Tornado. Les Texans gâchent la fête en menant 2-0, mais dès son premier match, le Roi délivre une passe décisive et marque de la tête. 2-2 score final, les États-Unis font la connaissance d’une légende.
Un championnat à construire et la lettre du président des États-Unis
Après avoir pris sa retraite internationale en 1971 et raccroché les crampons trois ans plus tard à Santos, le Roi Pelé is back. Quand O Rei remporte sa troisième Coupe du monde au Mexique avec la sublime équipe de Mário Zagallo, seules cinq formations composent l’insignifiant championnat américain. Et Big Apple n’a pas de franchise. Bientôt, les frères Nesuhi et Ahmet Ertegün, avec l’aide de l’ancien journaliste anglais Clive Toye, et surtout sous l’appui du boss de Warner Bros, Steve Ross, créent le New York Cosmos. Pourquoi ce nom ? Pour Cosmopolitan. « Cela faisait plus important que Metropolitan, le nom entier des Mets, l’équipe de base-ball de la ville » , explique Clive Toye, dans l’article consacré à l’histoire du Cosmos dans le hors-série So Foot 50 Légendes. Si la franchise connaît un succès dès sa deuxième saison dans la league, l’engouement ne prend pas. Seulement 6 102 spectateurs assistent à la victoire en finale face aux St Louis Stars. Il faut des stars ! « À un moment, Steve Ross s’est demandé qui était le meilleur joueur au monde. Nesuhi a répondu :« Pelé » » , raconte Ahmet Ertegun dans le documentaire Once in a Lifetime – l’histoire extraordinaire du New York Cosmos.
Comme il le confiera plus tard, Pelé refusa plusieurs fois les avances de prestigieux clubs européens comme le Real Madrid, le Napoli, Manchester United et la Juventus, préférant rester chez lui, à Santos. Mais Clive Toye, devenu le manager général, sait trouver les arguments : « Si tu pars dans un club européen, tu gagneras un championnat. Si tu viens avec nous, tu gagneras un pays. » Surtout, il en appelle au président des États-Unis himself ! « J’ai réussi à faire écrire à Kissinger une lettre au président du Brésil (Ernesto Geisel, ndlr) dans les ultimes étapes de la signature du joueur. Pelé était d’accord pour signer avec moi, mais s’inquiétait encore des réactions chez lui, au Brésil. Kissinger a alors envoyé sa lettre, qu’il a rendue publique, disant combien cela signifiait pour le peuple américain… » Alors, le juteux contrat mis sur la table par la franchise américaine (jamais révélé, estimé de 2,5 à 7 millions de dollars) va convaincre le Roi de sortir de sa retraite.
Des stars et des virées en limousine
Giorgio Chinaglia, Franz Beckenbauer et Carlos Alberto pour ne citer qu’eux, rejoindront Pelé les années suivantes. George Best débarquera aux Los Angeles Aztecs. Plus tard, ce sera au tour de Johan Cruyff. Les stars se succèdent et le public s’emballe. Et sur le terrain, le Roi reste le Roi. « C’était dur de ne pas regarder Pelé réussir des gestes incroyables, on se disait :« Merde, je joue avec Pelé ! »On le prenait en photo après l’entraînement » , lâche Shep Messing, dans Once in a Lifetime. Durant les trois saisons du règne de Pelé à NYC, le Cosmos multiplie son affluence par dix (de 3 578 spectateurs au Downing Stadium, en 1974, à 34 142 au Giants Stadium, en 1977) !
À New York, Pelé et ses acolytes se trimbalent de soirée en soirée en limousine. Un jour, le coach, Steve Ross, pique un coup de colère : « Est-ce que quelqu’un peut me virer de ce vestiaire le mec là-bas, aux cheveux longs, et qui a l’air passablement camé ? » Le mec défoncé, c’est Mick Jagger. Cette folle aventure ne pouvait être qu’éphémère. Après les trois saisons de son Brésilien de légende, le Cosmos déclinera, jusqu’à disparaître en 1985. Mais Pelé termine sa grande vadrouille américaine en beauté, avec une victoire finale de la NASL face aux Seattle Sounders (2-1) en 1977. Le 1er octobre, le Roi boucle la boucle avec un match de gala organisé au Giants Stadium entre le Cosmos et Santos, en présence de « [son] idole Mohamed Ali » . Lors du tour d’honneur, The Greatest embrasse le Roi et lui souffle : « Désormais, nous sommes deux à être les plus grands. »
Par Florian Lefèvre
Propos tirés du documentaire Once in a Lifetime (par Paul Crowder), de l'article de So Foot consacré au Cosmos, à retrouver dans le hors série 50 Légendes, et rapportés par le site d'ESPN et le site d'Apologie Magazine.