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Pedro, l’élégance du hérisson
Buteur décisif en prolongation lors de la Supercoupe d'Europe face au FC Séville, Pedro est un véritable casse-tête pour le Barça. Lui veut jouer plus, mais sait aussi qu'il serait titulaire pratiquement n'importe où ailleurs.
Rien n’a jamais été facile pour Pedro. Et malgré le fait qu’il ait remporté tous les trophées qu’un joueur puisse aspirer soulever, ça ne l’est toujours pas. Fils d’une femme de chambre et d’un pompiste, le natif des Canaries à toujours du prouver plus que les autres. Repéré par Guardiola alors qu’il végétait en quatrième division avec la filiale blaugrana, Pedrito aurait très bien pu devenir une belle histoire sans lendemain. Un type qui débute avec les pros et qui disparaît des radars sans que personne ne s’en soucie vraiment. Seulement voilà, derrière son coté frêle, sa tête de joyeux anniversaire et un diminutif qu’il à laissé de coté depuis quelques années, Pedro s’est vite rendu incontournable à la Pep Team, comme Busquets, l’autre découverte de l’actuel entraîneur du Bayern. Les deux coéquipiers ont en commun un swag tout relatif, mais une faculté à se mettre minable pour mieux faire briller les autres. Pour le grand public, Busquets est ainsi une grande tige insupportable qui fait des fautes et Pedro celui qui frétille dans tous les sens. Avec Iniesta, les deux internationaux espagnols représentent pourtant le mieux l’essence du Barça : la pression, le mouvement et le collectif par-dessus les individualités. Bref, la base qui a permis au Mès de devenir la référence ultime en matière de football ces dernières années.
Faculté de sacrifice
Si le Barça dispose de sacrés manieurs de ballons, Pedro excelle lui sans la chique. Ses appels, contre-appels incessants, qu’il multiplie dans l’indifférence quasi-générale du public à chaque fois qu’il foule le pré permettent aux lignes de passes et aux espaces de s’ouvrir pour que ses coéquipiers brillent sous les spotlight du Camp Nou. Sous l’ère Guardiola et en sélection espagnole, c’est aussi lui qui entamait le pressing pour dérégler les relances adverses et permettre à tout son bloc de se maintenir très haut sur le terrain. À l’instar de l’ancien n°7 merengue, Raúl, l’insulaire n’a rien de spectaculaire, n’excelle nulle part, mais dispose d’une intelligence de jeu et d’une faculté de sacrifice pour le collectif hors pair. Une rareté dans une époque ou la crête règne en maître sur le football mondial. Pedro, lui, ne s’est jamais départi de sa coupe à la brosse et ne s’est toujours pas ce que veut dire l’embourgeoisement. Malgré les titres, les buts et les célébrations, il n’a jamais diminué la fréquence de pédalage de ses gambettes.
Depuis le départ de Guardiola, le protagonisme de l’homme qui a poussé Henry vers la sortie s’est pourtant réduit en peau de chagrin. L’homme du cru a été victime d’un star-system qu’il à toujours alimenté en ballons. Alexis Sánchez est le premier à lui faire connaître les joies du banc de touche. Le Chilien ne comprend rien au jeu du Barça, déclenche le pressing n’importe comment et court comme un poulet sans tête mais son prix excuse tout. Les arrivées de Neymar, puis de Suárez, n’arrangent pas les affaires de Pedro, qui ne peut rien contre le glamour d’une triplette Neymar-Messi-Suárez qui facture plus de 100 buts par saison à eux trois. Pourtant, le couteau suisse blaugrana n’a jamais créé de polémique. Jamais un mot plus haut que l’autre. Au contraire : « Il y a des choses plus graves dans la vie que d’être remplaçant au Barça » clame l’intéressé. Pisté par les deux Manchester, prétendu par le Bayern et dragué par Arsenal et l’Inter, Pedro pourrait tranquillement cachetonner à l’étranger et s’assurer une confortable place de titulaire loin du Camp Nou. Mais non. En juin dernier, le fils du pompiste a renouvelé un contrat qui finalisait en 2016 jusqu’en 2019. Pourquoi ? Pour laisser quelques millions dans les coffres de son club formateur en cas de départ. Classe.
« Un peu de rage »
En attendant que ses dirigeants décident de son sort, Pedro à une nouvelle fois fait le taf mardi dernier en Supercoupe d’Europe. Étonnamment remplaçant, Pedro à ronger son frein sur le banc de touche pour finalement devenir le héros d’un match qui aurait pu devenir un calvaire pour les siens. Alors que ses coéquipiers se tournaient vers l’arbitre pour se plaindre d’une main sévillane, lui a été le seul à regarder le ballon. Pour mieux le mettre au fond des filets du gardien sévillan Beto. À la fin du match, le nouveau directeur sportif du club, Robert Fernandez, a indiqué que l’insulaire lui avait demandé de quitter le club avant la finale. Pour la première fois de sa vie, Pedro s’est insurgé contre ses employeurs : « Je n’ai jamais demandé à partir et je ne comprends pas ce qui l’a poussé à dire ça. Je suis déçu de ne pas avoir joué la finale d’autant que Neymar n’était pas là. J’avais un peu de rage en rentrant sur le terrain. Je suis ambitieux. Je ne sais pas ce qui va se passer mais une chose est sûre : où que je sois, je serais toujours du Barça. »
En attendant qu’un club pose les 30 millions d’euros demandés par les Catalans pour le joueur, Luis Enrique à indiqué qu’il serait dans le groupe pour la Supercoupe d’Espagne. Le choc contre l’Athletic Bilbao peut être décisif pour décanter l’avenir de celui qu’Andoni Zubizarreta considérait comme intransférable il y a encore peu de temps : « Il n’y en a pas d’autres comme lui. Ou est-ce qu’on va trouver un autre Pedro ? Tout l’or du monde ne suffirait pas pour se payer un joueur de sa trempe. » Un bel hommage pour l’un des joueurs les plus sous-cotés de sa génération.
Par Javier Prieto-Santos