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Pedro Lago, premier joueur anti fair-play
Si Luis Suárez mord, joue avec les mains et provoque, ce n'est pas de sa faute. C'est simplement que c'est inscrit dans son patrimoine génétique. La preuve avec Pedro Lago, également uruguayen et premier joueur de l'histoire à avoir laissé des traces de vice et de sang chaud.
Grand, plutôt lourd, pas très mobile, Pedro Lago n’a jamais vraiment eu le physique d’un footballeur ou d’un quelconque sportif. Du coup, il lui a toujours fallu compenser. D’une manière ou d’une autre. Et son choix s’est assez vite porté sur le vice. Surtout à son arrivée à River Plate en 1931, et lors des quatre années suivantes comme l’a écrit Ricardo Lorenzo Rodríguez, journaliste au Gráfico, lors de sa première rencontre avec l’Uruguayen : « J’ai assisté aux débuts de Pedro contre le Racing en 1931. Mais à cette époque, personne ne pouvait imaginer que cette gueule d’ange et rondouillette deviendrait le plus filou des filous. » Le Mulero (surnom argentin donné à un petit tricheur, ndlr) était né.
Un homme de derby
Pourtant, Ricardo Lorenzo Rodríguez n’a encore rien vu de l’animal. En arrivant à Buenos Aires, Pedro Lago n’a qu’un an de carrière derrière lui, ses débuts à Bella Vista en Uruguay, et ils n’ont pas franchement été retentissants. Non, là où il se fait remarquer, c’est lors de son premier Superclásico le 20 septembre 1931. Le Mulero n’a pas vraiment été rusé pour le coup et s’est fait expulser avec deux de ses collègues, Belvidares et Bonelli, pour avoir bousculé l’arbitre. Résultat : victoire par forfait pour Boca. Mieux, les commentaires de Mario Pereyra, milieu xeneize, à la fin du match : « Il faut vraiment être attentif avec ce Pedro Lago, vous avez vu ce qu’il a fait à notre gardien, Yustrich ? Sur un corner, alors qu’il allait sortir, il s’est retrouvé aveugle… » Le Mulero lui a pris la visière de sa casquette et l’a baissée sur ses yeux.
Lors d’un autre Superclásico, Pedro Lago a jeté de la boue sur Donato Penella qui s’apprêtait à tirer un coup franc aux abords de la surface de River et qui, forcément, s’est complètement loupé. Un autre jour, il va voir un match de la réserve de River contre Tigre et avec des collègues, il se pose derrière la cage, tranquille. Et puis sur un corner, le gardien millonario se troue et le ballon rentre dans la cage. Sauf que Pedro Lago passe son pied à travers le filet et repousse la balle qui revient sur le terrain. L’arbitre, loin de l’action, n’est sûr de rien. Et dans le doute, malgré les contestations adverses, n’acceptera pas le but. Une autre fois, l’Uruguayen réussit à faire peur au gardien de Quilmes en lui gueulant dessus : « Laisse la balle ici » , à lui faire tomber le ballon des mains et à marquer un but. Mais sans aucun doute, sa spécialité est de rendre fou le gardien adverse sur les corners. Baissages de short, tirages de maillot, poussettes, il a tout tenté et plus ou moins tout réussi.
Vicieux un jour, vicieux toujours
En fait, Pedro Lago avait tellement le vice dans l’âme qu’il ne pouvait s’empêcher de raconter des conneries à ses coéquipiers ou de tricher aux cartes. Au truco, un jeu argentin qui se joue à trois cartes, il s’est plusieurs fois fait attraper avec quatre. Longtemps, il a réussi à cacher sa nationalité à ses coéquipiers et à leur faire croire qu’il était né à Rosario, de peur d’être mis à l’écart. Quoi qu’il en soit, Pedro Lago a réussi à sa manière à marquer l’histoire de River Plate. Il y a marqué une trentaine de buts, gagné un championnat en 1932, préparé le terrain pour la Máquina des années 40, mais il a surtout averti le monde entier, quatre-vingts ans à l’avance, que pour un Uruguayen, une place en demi-finales d’un Mondial vaut clairement un carton rouge.
Par Ugo Bocchi