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Pedro Caixinha : « Quand Mourinho est arrivé, tout a changé »

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Pedro Caixinha : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Quand Mourinho est arrivé, tout a changé<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Pedro Caixinha, 43 ans, fait partie de cette nouvelle génération d'entraîneurs portugais influencés par José Mourinho. Dans un hôtel de Guadalajara, le lendemain d'une victoire face aux Chivas (0-2), l'entraîneur lusitanien du Santos mexicain se confie à propos de l'impact du Special One sur son travail et évoque son passé dans le monde de la tauromachie.

Votre recrutement par Santos, fin 2012, a surpris. Comment êtes-vous arrivé au Mexique ?Je faisais une formation d’entraîneur de l’UEFA Pro en Écosse, où j’ai rencontré le directeur sportif de Santos, un club qui a établi un partenariat avec le Celtic Glagow. Ensuite, nos agendas ont coïncidé : au moment où je me trouvais libre, le club voulait prendre un nouveau virage, et a décidé de miser sur moi. Franchement, je ne connaissais rien au football mexicain, je ne savais pas qu’on jouait quasiment chaque semaine à un horaire différent, à des altitudes diverses, mais le projet m’a séduit. Les infrastructures de Santos sont excellentes, le club est très ambitieux et donne beaucoup d’importance au facteur humain.

Pour votre première saison, vous amenez le club en demi-finale du championnat, cette année vous vous situez en deuxième position du championnat (il reste une journée de la saison régulière à disputer). L’adaptation à cette nouvelle réalité semble avoir été facile …En fait, je ne suis pas arrivé avec des solutions clefs en main, car en tant qu’entraîneur, tu dépends toujours du footballeur. Je me suis donc adapté, mais je suis aussi venu pour changer les choses. Par exemple, je donne aux joueurs une liberté maximum, mais qui est liée à une responsabilité maximale. Chacun a la liberté de s’exprimer, de dire les choses en face, mais ensuite il faut se montrer à la hauteur sur le terrain.

Peut-on dire que votre méthode ressemble à celle de José Mourinho ?Mourinho je l’admire, c’est un ami, mais je ne calque pas sa manière de faire et d’être. Au-delà de mon cas, je crois que l’on peut dire que Mourinho a exercé une immense influence sur tous les entraîneurs de ma génération, spécialement au Portugal. Sa personnalité, son caractère nous ont marqués, mais ce que je retiens avant tout de lui, c’est le choc méthodologique qu’il a incarné.

C’est-à-dire ? Quand j’ai commencé à étudier le football, on m’a enseigné la périodicité traditionnelle. On divisait la saison en période préparatoire, période de compétition, période transitoire… Il s’agissait de la même structure qu’une préparation d’athlète individuel. Quand arrive Mourinho avec son « méthodologue » , Rui Faria, ils introduisent la « périodicité tactique » , et là tout a changé. La saison n’était plus divisée en diverses périodes, mais dès le premier jour d’entraînement, tu devais travailler une seule chose : ton modèle de jeu. Tout devait graviter autour de la tactique. La tactique devenait le point de départ, pas le physique. Ce qui est lié au physiologique est évidemment travaillé, mais est subordonné au travail de tes principes de jeu. Tu fais de la régénération, du travail de contraction musculaire, de l’endurance, mais en ayant toujours en tête ton idée de jeu.

Comme Mourinho, vous ne travaillez donc pas avec un préparateur physique proprement dit ?En effet, je dispose également de mon « méthodologue » . Son travail se concentre avant tout sur les charges d’entraînement. Je fais la programmation de mes séances, de l’échauffement à leur conclusion, mais ma planification est contrôlée par mon méthodologue qui se concentre sur l’impact physiologique de mes exercices. Il me donne également toutes les données physiologiques nécessaires à la planification de mes entraînements. En général, si on a joué le dimanche, j’aime organiser le mardi un travail de régénération à dominante tactique, mais si mon méthodologue me dit qu’il vaut mieux éviter de solliciter les appuis des joueurs, je peux les envoyer à la piscine ou sur des vélos. De toute manière, tu dois toujours t’adapter à tes joueurs et innover. Je ne dispose pas d’un livre où je pioche des exercices.

Les pré-saisons à la plage sont une tradition au Mexique. Comment vos joueurs ont-ils réagi en apprenant que vous passeriez outre ?Bien, je crois. Au final, les joueurs aiment avant tout toucher le ballon. Mourinho a cette phrase où il dit que la formation d’un pianiste n’a jamais consisté à courir autour d’un piano. Au football, c’est pareil, il faut, avant tout, beaucoup toucher le ballon. Ici, on dispose, en moyenne, de cinq semaines de préparation. Si je vais à la plage, quand vais-je commencer à enseigner à mes joueurs mon modèle de jeu ? Pendant un match, tu ne travailles pas le tactique, puis le physique, le technique, puis le psychologique, non ? Donc il faut tout travailler en même temps. Même un toro doit être réalisé selon une orientation pour continuer à travailler ton modèle de jeu.

« Face au taureau tu n’as pas le droit à l’erreur »
Votre profil est similaire à celui de José Mourinho, Leonardo Jardim ou André Villas-Boas. Au-delà de votre nationalité commune, vous avez commencé à entraîner avant vos trente ans et vos carrières de joueurs ont été médiocres. Pourquoi le Portugal produit-il des entraîneurs de ce profil ?Je ne sais pas vraiment, mais je crois qu’il existe deux moments-clés pour notre génération. Le premier, quand Carlos Queiroz nous a éduqués académiquement, nous a dit qu’il fallait étudier le football, que tout n’avait pas encore été inventé. Queiroz a organisé la formation des entraîneurs, ses contenus. Le deuxième grand moment : quand la périodicité tactique a commencé à être enseignée à l’université de Porto. Notre génération a étudié énormément. Personnellement, j’ai fait un master (cinq ans), puis une thèse de doctorat. Même des entraîneurs qui n’appartiennent pas vraiment à notre école recherchent cette formation de la périodicité tactique, où utilisent ces outils via leurs adjoints. Je pense à Jorge Jesus ou Jesualdo Ferreira. Mais cette formation n’est pas une garantie de réussite. Comme dit Queiroz, au football ce sont les joueurs qui font la différence. Il faut savoir s’adapter à eux.

Avant d’être entraîneur, vous avez participé à des corridas en temps que forcado (nda : le rôle des forcados, au nombre de huit, est de contrôler le taureau à mains nues, le premier du groupe prenant le taureau par les cornes). Pourquoi avez-vous participé à des corridas et qu’en avez-vous retiré ?
En fait, mon père était forcado. J’ai grandi dans ce milieu. Vers 18 ans, j’ai commencé à devenir forcado. J’ai aimé l’ambiance ; la véritable amitié, je l’ai connue là. Être forcado m’a conduit à rechercher la perfection, car face au taureau, tu n’as pas le droit à l’erreur. Il faut s’améliorer constamment, regarder des vidéos. Ce fut très important pour moi comme homme, puis comme entraîneur d’avoir officié comme forcado. J’ai appris l’esprit de sacrifice, d’entraide. J’ai arrêté vers 30 ans. Au total, j’ai toréé contre environ quatre-vingt-dix fois.

Revenons au football. Alors que la sélection mexicaine est contrainte de disputer des barrages pour se qualifier pour le Mondial, comment évaluez-vous le niveau du football mexicain ?J’aime beaucoup le championnat mexicain. Les tournois courts sont intenses, très disputés. Il n’y a jamais d’équipes invaincues. Je crois seulement que ce football manque encore de dirigeants qui savent planifier, ne pas tout changer du jour au lendemain comme ça se passe dans trop de clubs à la moindre contrariété. Cet équilibre relève aussi de l’émotionnel. Je prends l’exemple de la sélection. Ils gagnent contre la Côte d’ivoire en amical cet été (4-1) et on avait l’impression qu’ils étaient redevenus une superbe équipe. Résultat : El Tri perd le match éliminatoire suivant face au Honduras. Là, ils viennent de battre la Finlande (4-2), et c’était une Finlande B, et on a l’impression que le Mexique va facilement gagner les barrages. Reste qu’il y a énormément de qualité ici. À Santos, beaucoup de mes joueurs ont le potentiel pour aller en Europe, des plus jeunes aux plus expérimentés. Le Mexique a tout pour devenir une grande puissance du foot.

Vos ambitions pour le futur ?Je suis là pour gagner des titres avec Santos. Ma famille est heureuse ici. Mais j’aimerais revenir en Europe un jour et disputer les trophées les plus prestigieux. Un jour, j’espère affronter Mourinho, et pouvoir gagner contre lui.

Propos recueillis par Thomas Goubin, à Guadalajara

Caixinha : entraîneur depuis 1999. A été adjoint au Sporting Portugal (2004-2006) et Panathinaïkos (2007-2008), entre autres. Comme entraîneur principal : Uniao Leira (2010-2011), Nacional Madère (2011-2012), Santos Laguna (depuis fin 2012).

Santos Laguna : club basé à Torreon. Fondé en 1983. Quatre fois champion (1996, 2001, 2008, 2012)

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