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Peckham Town FC, le club de Londres qui a la plus petite tribune du monde

Par Andrea Chazy, à Peckham
Peckham Town FC, le club de Londres qui a la plus petite tribune du monde

Pendant que Chelsea cherche un nouveau propriétaire, qu’Arsenal remonte peu à peu la pente ou encore que Pat’ Vieira redonne vie à Crystal Palace, une autre entité londonienne commence à se faire remarquer : le Peckham Town FC. Actuel leader de sa poule de septième division, le club de la banlieue sud de Londres revendique d’avoir « la plus petite tribune du monde » et des valeurs à montrer en exemple. Reportage.

En 2007, le cinquième opus de Ratchet et Clank, intitulé « La taille, ça compte » sortait sur PS2 pour le plus grand bonheur des fans du héros à tête de chat et de son robot doté de conscience. Saluée par la critique, la saga donnera même lieu à un long-métrage, en 2016, qui fera malheureusement un beau four. « La taille, ça compte » , c’est peut-être aussi ce que se dit un peu plus chaque jour Bryan Hall. Le fondateur et actuel président du Peckham Town FC, un club de la banlieue sud de Londres comme un autre en apparence, dévoile un sourire charmeur à chaque fois qu’il entend parler de « la plus petite tribune du monde » . « Nous avons deux tribunes autour de notre terrain, et il faut savoir que je les ai construites à la sueur de mon front. (Rires.) La deuxième tribune, la plus grande des deux, qui fait environ 100 places, m’a coûté énormément d’argent et de temps. Après l’avoir terminée, j’ai eu alors l’idée de construire la miniature de cette tribune. Tout le monde me demandait : « Mais à quoi ça sert, putain ? » »

Les gens essayent de battre le record du nombre de personnes qui peuvent entrer à l’intérieur. Le week-end dernier, un gars est même venu depuis Newcastle pour faire une photo ! J’adore, ça met Peckham sur la carte.

Une question à laquelle Bryan laisse les faits répondre à sa place. Depuis que sa création de deux mètres sur deux mètres où l’on peut « légalement entrer à 18 dedans » a vu le jour, elle fait un tabac. « À chaque match, les gens essayent de battre le record du nombre de personnes qui peuvent entrer à l’intérieur, raconte le boss local. Certains se couchent, s’allongent. (…) Le week-end dernier, un gars est même venu depuis Newcastle pour faire une photo ! J’adore, ça met Peckham sur la carte. » Des groundhoppers aux sponsors sans oublier les curieux du coin qui vont jusqu’à proposer 100 livres par match pour siéger dans ce monstre en tôle situé près de l’un des poteaux de corner, tout le monde veut désormais être vu à Peckham. Impensable si l’on remonte quelques années en arrière.

Bryan Hall, boss du Peckham Town FC. Crédits : Mike Urban – Brixton Buzz.

Feuille A4, herbe orange et chiens méchants

Pour comprendre l’histoire d’une création, il faut disséquer le cerveau qui en tire les ficelles. Le rendez-vous est pris avec Bryan Hall à la South Bank University Academy. Pour s’y rendre depuis St. Pancras, il ne faut qu’une petite vingtaine de minutes de train de banlieue et descendre à la station au nom sexy d’Elephant & Castle. Nichée au milieu d’une rue pavillonnaire, la South Bank University Academy est un établissement avec des portes automatiques qui accueille des enfants de 7 à 16 ans. En ce jour ensoleillé de février, tout le monde porte l’uniforme, plus personne ne porte le masque. Quand le prof d’EPS Bryan Hall parle, le silence se fait. À 53 ans, Bryan a des airs de Maxim Réality, l’un des vocalistes du groupe électro-punk anglais The Prodigy. Assis dans une salle de classe, il est grand, fit et tient le discours d’un gars né pour changer le monde. Ou au moins celui d’un quartier qui avait une sale réputation lorsque sa famille est arrivée en Angleterre dans les 60s. Comme tant d’autres immigrés antillais arrivés via le fameux paquebot Empire Windrush, c’est en quête d’une vie meilleure que ses ancêtres ont rejoint le Royaume (la génération Windrush est celle de l’immigration de travailleurs antillais vers la capitale anglaise pour reconstruire l’Angleterre après la Seconde Guerre mondiale, NDLR). Quand il accepte de jeter un œil dans le rétro, il assure que Peckham n’a plus rien ou presque de l’endroit qu’il a connu gamin : « À l’époque, Peckham était un quartier où la criminalité était importante. Il y avait toutes sortes de dépravations, des attaques au couteau, des fusillades, la violence était partout, déroule l’enseignant. Par le passé, il n’y avait pas d’opportunités ici : ceux qui voulaient gagner de l’argent partaient pour d’autres coins plus tranquilles où ils pouvaient trouver un job. » Convaincu que c’est de l’intérieur que viendra le changement, Bryan avait décidé à 13 ans de faire bouger les choses à son niveau. Sa méthode ? Accrocher une feuille A4 sur le tronc d’un arbre du Peckham Rye Park en proposant à qui voudrait l’aider de bâtir un club de foot digne de son nom à Peckham. Au début, le résultat n’était pas probant : « Quatre personnes se sont manifestées, moi inclus, se marre-t-il. Des jeunes adultes qui jouaient au foot étaient tombés sur la feuille se sont marrés en la lisant puis l’ont écrabouillée après l’avoir lue. Je ne pouvais rien faire, j’avais 13 ans ! Alors, j’ai attendu qu’ils partent et j’ai ramassé la feuille pour la remettre sur l’arbre. » En 1982, le Peckham Football Club voit le jour.

Quand on a trouvé ce terrain vague où l’herbe était aussi haute que la barre transversale, tout le monde m’a pris pour un fou.

Les premières années sont rudes, et la pyramide de Bryan se construit pierre par pierre. Sans recevoir le moindre penny de la part de la municipalité. S’il maîtrise l’aspect sportif pour être passé par l’académie de Charlton étant joueur, puis avoir entraîné par la suite au sein de l’académie de Chelsea à l’époque de José Mourinho, Hall n’a pas forcément toujours les moyens de ses ambitions. Comme au début des années 2000, où il revend sa propre voiture neuve après avoir enfin trouvé l’endroit où s’installera durablement son club : un terrain laissé en friche du côté de Dulwich, non loin de Peckham. « Aucun endroit n’était assez grand à Peckham ou pas protégé, explique ce Géo Trouvetout. Quand on a trouvé ce terrain vague où l’herbe était aussi haute que la barre transversale, tout le monde m’a pris pour un fou. Tous les jours pendant des semaines, on venait ici pour tailler l’herbe. Elle était tellement haute qu’à sa base, elle était pourrie, car elle ne voyait pas le soleil. Le premier match que l’on a joué ici, c’était sur une pelouse jaune-orangée. (Rires.)  » La Menace Arena (que l’on pourrait traduire par stade du Danger, NDLR) sort progressivement de terre, et son nom est directement inspiré de la réputation qui collait à la peau de ses administrés. D’une mauvaise expérience, celle vécue par des gamins du club âgés de 8 à 9 ans partis jouer un match dans une ville voisine et revenus en larmes. « À chaque fois que le ballon sortait, tout autour du terrain, des chiens aboyaient ou montraient les dents, rejoue le président du Peckham FC. Certains clubs étaient horribles avec nous, car le nom de Peckham faisait peur dans toute l’Angleterre. L’un des adultes autour du terrain avait balancé à notre coach :« Les gens de Peckham sont des dangers. »On a alors décidé de tourner cet épisode en dérision pour l’avenir. »

« On a créé un monstre ! »

En 2022, les regards ont changé sur Peckham. Il y a deux ans, le Sunday Times a qualifié le quartier de 70 000 âmes comme étant « l’un des meilleurs endroits où vivre à Londres ». Aux yeux des Londoniens, Peckham a la cote, ses prix grimpent, et sa proximité avec le cœur de la capitale anglaise en fait un espace idéal à gentrifier. Bryan Hall, qui n’en est jamais vraiment parti, le confirme à demi-mot : « Aujourd’hui, tu peux passer de super soirées à Peckham si tu as envie de manger un bout, boire un verre… Plus jeunes, on a payé le prix pour que les nouvelles générations marchent dans la rue tranquillement aujourd’hui. » Au club aussi, les pots cassés essuyés depuis tant d’années commencent à se faire plus rares. « Aujourd’hui, des familles, des vieux, des blancs, des noirs, des hétéros, des homos, des vieux, des réfugiés viennent au stade, appuie le président. Parfois, les jours de match, je suis dans mon bureau et je n’ai pas le temps de finir ma paperasse que le stade est rempli ! Si on m’avait dit ça en 1982… On a créé un monstre ! » Un monstre qui ne plaît d’ailleurs pas à tout le monde. Si le club a trouvé des alliés dans les environs, à l’image du Dulwich Hamlet FC – qui évolue un échelon au-dessus et dont les supporters viennent parfois voir Peckham jouer -, ses valeurs progressistes ne sont pas partagées par d’autres clubs et même certains élus locaux. L’une des rançons du succès, aussi, d’une entité qui compte aujourd’hui 28 équipes et qui voit une bonne centaine de supporters se rendre chaque week-end au Menace Stadium voir le Peckham Town FC rouler sur ses adversaires et filer vers une promotion en sixième division.

Je n’arrêtais pas de tourner en voiture dans la rue de l’école où bosse Bryan, et je ne voyais aucun terrain. Bryan a dû venir me chercher : en fait, on s’entraîne sur le terrain synthétique qui est au milieu de la cour !

Coachés par Mary Phillip, amie d’enfance de Bryan qui fut la première femme noire capitaine des Three Lionesses (65 sélections au compteur), les Rouge et Blanc peuvent s’appuyer sur un buteur français en pleine bourre pour les mener vers les sommets : Joshua Montella. À 30 ans, le natif de Meaux empile les buts comme les perles avec 27 réalisations en 24 rencontres. Arrivé un peu par hasard au Peckham Town FC sur les conseils d’un ex-coéquipier, « Josh » est désormais une star locale : « La première fois qu’on a joué en championnat, je me suis dit :« Si c’est comme ça tous les week-end, on sera pas mal ! » », sourit celui qui travaille comme coach sportif dans la commune voisine de Catford. Ce qui a aussi séduit l’expat à la longue barbe, c’est l’atmosphère qui règne autour du club mêlant bonnes ondes et professionnalisme : les matchs de Peckham Town sont diffusés en direct sur Twitter, les rencontres disséquées le lundi suivant par Bryan et Mary dans l’amphithéâtre de l’école où travaille Bryan. Surpris ? Josh l’était aussi le premier jour où il cherchait le terrain d’entraînement de son nouveau club, il y a deux ans au mois de novembre. « Je n’arrêtais pas de tourner en voiture dans la rue de l’école où bosse Bryan, et je ne voyais aucun terrain, confie l’homonyme anonyme de Vincenzo Montella. Bryan a dû venir me chercher : en fait, on s’entraîne sur le terrain synthétique qui est au milieu de la cour ! C’est comme ça tout l’hiver, car le terrain d’entraînement n’a pas d’éclairage. »

En attendant de savoir où terminera le Peckham Town FC, qui suscite l’intérêt de plusieurs investisseurs pour l’aider à grandir, une interrogation subsiste autour de « la plus petite tribune du monde » : est-elle réellement la plus petite ? Bryan Hall à la barre : « On a décidé de l’appeler la plus petite tribune du monde même si on n’a pas encore consulté le Guinness, avoue le chairman du club londonien. Dans les commentaires sur les réseaux sociaux, chacun essaye de placer « sa petite tribune du monde », j’ai même vu une tonnelle de jardin ! Mais ça ne compte pas ! » Avant d’ajouter : « Si quelqu’un tente de construire une plus petite tribune que la nôtre, j’en construirai une encore plus petite ! Avec une seule chaise dedans. » Le monde est prévenu : à Peckham comme dans Ratchet & Clank, la taille, ça compte.

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Par Andrea Chazy, à Peckham

Photos : Mike Urban - Brixton Buzz & DR.

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