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Payet : l’OM laisse filer son étoile
L'Olympique de Marseille et Dimitri Payet, c'est fini. Dix ans après son arrivée sur la Canebière, le Réunionnais a été libéré de sa dernière année de contrat. Celui qui avait été désigné marseillais à vie à sa prolongation de contrat est désormais libre, pour un dernier challenge, avant de revenir à l'OM, sous une autre casquette.
Quand la nouvelle d’une conférence de presse organisée au stade Vélodrome a fuité, les supporters marseillais se sont mis à rêver : si le président convoque un tel rendez-vous, c’est forcément pour annoncer l’arrivée d’un cador. Antoine Griezmann ? Sadio Mané ? Tous les rêves étaient permis, jusqu’à 14h pétantes. Dans la salle de presse du Vél, Pablo Longoria est entré accompagné par Dimitri Payet, seul joueur du groupe à ne pas avoir rejoint le stage actuel en Allemagne, pour « raisons personnelles ». Les deux hommes n’ont pas eu besoin de prononcer un mot pour que l’on comprenne ce qui allait être annoncé : dix ans après son arrivée à l’OM, et alors qu’il lui restait un an de contrat, Dimitri Payet quitte la cité phocéenne. « Ce n’est pas un moment facile… », a lancé Pablo Longoria, les yeux rougis par l’émotion.
Demain, c’était loin
Quand son tour est venu, Dimitri Payet n’a lui pas pu se retenir. À plusieurs reprises, de chaudes larmes ont coupé la voix tremblante du « Marseillais à vie » qui, de son propre aveu, n’avait pas vu ce jour venir : « On a parlé avant la reprise de l’entraînement. Le président a eu le mérite d’être honnête. Ce n’est pas ce qui était prévu de mon côté. La meilleure solution est d’accepter la décision du club. L’OM m’a proposé d’arrêter de jouer, d’intégrer le club, mais j’ai encore du »ballon » à donner, du plaisir à donner. » Mais à 36 ans, après une saison passée sur le banc sous Igor Tudor, le Réunionnais a dû se rendre à l’évidence. D’autant que Marcelino, le nouveau coach, mise sur la vitesse dans son 4-4-2 où il était difficile d’imaginer un rôle pour le Dimitri Payet d’aujourd’hui. Ainsi, il s’agit d’une décision purement sportive, s’est justifié Pablo Longoria. « Après beaucoup de discussions et de réflexions. Nous avons analysé la future saison avec Dimitri. La décision est purement sportive de séparer notre chemin. C’est une décision difficile à prendre comme club. C’est une décision qu’on prend pour le projet, le club, l’institution, la suite. »
𝙈𝙚𝙧𝙘𝙞 𝙘𝙖𝙥𝙞𝙩𝙖𝙞𝙣𝙚 🙌💙
Talent pur doté d’une élégance rare, le numéro 10 de l’OM a marqué le club par sa classe technique, ses buts et ses passes qui ont inspiré toute une génération d’olympiennes et d’olympiens.
L’ensemble du club souhaite à Dimitri Payet, ainsi… pic.twitter.com/1JAYweOxNA
— Olympique de Marseille (@OM_Officiel) July 21, 2023
La logique sportive ne masque toutefois pas la brutalité de l’annonce, pourtant pas si surprenante. Mais le fait est que la séparation ne peut être que douloureuse entre un club, un public, et un joueur qui se sont tant aimés. Certes, son palmarès reste terriblement vierge, mais l’empreinte du Réunionnais dans les cœurs ciel & blanc est trop profonde pour se mesurer en trophées. Avec son numéro 10, le peuple phocéen a vibré comme avec peu d’autres joueurs dans son histoire récente. Ses larmes de ce 20 juillet 2023 rappellent ainsi celles du 16 mai 2018 quand, meurtri, il avait dû quitter la pelouse après 30 minutes, en finale de la Ligue Europa, face à l’Atlético de Madrid. Ce jour-là, au bout d’une épopée européenne qu’il avait éclaboussée de son talent – comment oublier son récital face à Leipzig ? –, Dimitri Payet avait fait le choix de jouer cette finale pas encore rétabli d’une blessure, au risque de rechuter et de louper le Mondial 2018. Un sacrifice qui, a posteriori, l’avait effectivement privé de la campagne de Russie des Bleus.
Le Bad Boss de Marseille
Le Vélodrome se souviendra évidemment des gestes de génie de son numéro 10. Car si l’enceinte phocéenne est un volcan, Dimitri Payet en a bien souvent été l’étincelle depuis une décennie. De son arrivée en 2013, à sa saison stratosphérique sous Marcelo Bielsa, sans oublier son retour à l’hiver 2017 alors qu’il venait de conquérir l’Angleterre : les bons souvenirs du Réunionnais sous le maillot de l’OM sont comme son nombre de passes décisives : difficiles à compter. Et si Payet est plus synonyme d’émotions que de chiffres, quelques-uns le situent au panthéon olympien. Avec 326 matchs, il est le troisième joueur le plus capé au XXIe siècle (derrière Mandanda et Valbuena), et le septième dans l’histoire du club. Ses 78 buts en 8 saisons en font également le troisième meilleur buteur marseillais du siècle, derrière Mamadou Niang. Surtout, on parle, sans surprise, du meilleur passeur de l’OM avec 88 caviars servis. De quoi installer confortablement Dimitri Payet parmi les grands noms du club phocéen, même s’il lui manque (peut-être) un trophée pour obtenir le statut de toute façon subjectif de légende. Toujours est-il que peu de joueurs ont autant marqué l’OM sur la durée que lui.
Quand Dimitri Payet rentrait à la maison en provenance de West-Ham le 31 janvier 2017… 🥺💔pic.twitter.com/MWuO7kideg
— MercatOM (@Mercat_OM) July 21, 2023
À l’heure du bilan, le numéro 10 phocéen était quoi qu’il en soit bien plus qu’un caresseur de ballon, roi de l’extérieur du pied et prince du râteau : il était devenu le ponte du vestiaire, le visage de l’OM. Souvent raillé pour ses prises de poids estivales, Dimitri Payet s’en est chaque fois amusé au point de se tailler peu à peu un nouveau costume : celui de patron. La victoire face à Lyon au Vélodrome (2-1), en novembre 2019, reste sans doute l’épisode le plus savoureux du genre. Ce soir-là, après avoir allumé Rudi Garcia en conférence de presse, Dimitri Payet avait éteint à lui seul les Lyonnais, auteur d’un doublé aussi mythique que la célébration qui avait suivi, façon Diego Simeone. Ballon au pied ou micro en main, il s’était imposé comme le capitaine incontestable depuis 2018, même après le retour de Steve Mandanda. Son déclin sportif de la saison dernière n’a pas entamé sa cote de popularité au Vélodrome. Dimitri Payet avait même retrouvé ses jambes au printemps dernier, laissant augurer un énième renouveau. Mais à 36 ans, le Réunionnais ne se conjugue plus au futur à Marseille. En revanche, le président Longoria manie bien le passé : « Dimitri, tu es une partie très importante de l’histoire de ce club. Tu as inspiré une génération de supporters de l’OM. […] J’ai rarement vu un joueur avec ton talent. […] Ce n’est pas un au revoir, c’est un à bientôt. » La bonne nouvelle, au milieu de cette rupture, c’est donc qu’il ne s’agit que d’un break. Dimitri Payet reviendra à l’OM, une fois les crampons raccrochés. Et, cerise sur le gâteau, il fera vibrer le Vélodrome une dernière fois, puisqu’il a déjà annoncé que son jubilé s’y déroulerait. Pour scintiller, une dernière fois.
Par Adrien Hémard-Dohain