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Payet, de l’Albanie à l’Albanie
Depuis son match parfait contre la Roumanie, Dimitri Payet est le nouveau héros des Bleus à l'heure d'affronter l'Albanie. Un sacré clin d'œil du destin, quand on sait que tout a failli s'arrêter pour lui il y a un an contre les mêmes Albanais.
Il y a presque un an jour pour jour, le 13 juin 2015. Les joueurs français jouent leur dernier match de la saison, en amical contre l’Albanie. À la mi-temps, les Bleus sont menés 1-0 par leurs modestes adversaires, et Didier Deschamps ne décolère pas. « Il manque beaucoup de choses à cette équipe de France » , explique-il au micro de TF1 avant de se placer sur le banc pour le second acte. Le « beaucoup de choses » , c’est surtout de l’envie, de l’implication, du caractère. Et Dimitri Payet est clairement dans la ligne de mire de son sélectionneur, après sa première mi-temps catastrophique. Positionné en meneur de jeu derrière Giroud, Griezmann et Lacazette, il est remplacé par Paul Pogba dès la pause. Un coup dur, surtout que le capitaine officieux de l’EdF, Patrice Évra, y va aussi de son lot de reproches après le match. « C’est un manque de respect par rapport au maillot de l’équipe de France. Il y a eu un manque d’investissement. Si le coach prend des décisions, il ne faudra pas venir pleurer » , insinue-t-il. Payet, qui avait déjà été ciblé par DD lors de la tournée de juin 2013 en Amérique du Sud, est encore pointé du doigt pour son manque d’implication.
« J’ai du mal à comprendre le sélectionneur »
Pourtant, Dimitri Payet a des circonstances atténuantes. Sous le soleil de plomb d’Elbasan, face à des Albanais surmotivés, le Réunionnais et ses potes n’ont pas été aidés par l’environnement. Le 13 juin, alors qu’il joue les seconds rôles en EdF et qu’il n’a pas totalement la confiance de Deschamps, Payet n’a en réalité qu’une idée en tête : partir en vacances. Il faut dire que la saison qui vient de s’écouler à Marseille a été éprouvante tant physiquement que mentalement. La méthode Bielsa, combinée à l’immense déception de la fin de saison et au bordel interne au club, a laissé des traces. Alors Payet loupe complètement son match. Si ses coéquipiers ne lui en tiennent pas rigueur, comme Moussa Sissoko qui estime que « c’est un match qui est passé, ça arrive que certains joueurs passent à travers certains matchs, c’est quelque chose de tout à fait normal » , Didier Deschamps est beaucoup plus rancunier.
C’est, pense-t-on, la fin de l’aventure de Payet en Bleu. Surtout que l’été qui suit, son choix de partir à West Ham, le douzième de Premier League, est loin de faire l’unanimité. Vincent Labrune le fait passer pour un traître et ne fait rien pour préserver son image. Il entre dans la catégorie des « Français talentueux qui vont se perdre en Premier League pour gagner de l’argent » . Pas le genre d’exemples que DD veut pour son groupe. Sauf que Payet cartonne d’entrée avec West Ham et réclame dans la presse son retour en équipe de France. En septembre, il se livre au micro de Canal+ : « Franchement, c’est difficile pour moi à encaisser de ne pas être appelé. J’ai l’impression que c’est plus compliqué pour certains que pour d’autres. J’ai du mal à comprendre ce que le sélectionneur attend vraiment de moi alors que je suis dans la meilleure période de ma carrière. »
« Le Dimi qu’on aime »
Un appel du pied forcé et maladroit qui ne convainc pas, mais alors pas du tout la Dèche. Le sélectionneur des Bleus le renvoie aussi sec dans les cordes. « Il est en stage, je discute avec lui et je lui dis ce que j’attends de lui sur le terrain. Après il comprend, il fait ou il ne fait pas. Il a le droit de ne pas comprendre, ce n’est pas mon problème à la limite » , répond-il par presse interposée. Une raison de plus de croire que le match du 13 juin 2015 était bel et bien le dernier de Dimitri Payet sous le maillot bleu. Mais le Hammer ne se démonte pas et continue d’exploser les compteurs, de dribbler tous les défenseurs et de nettoyer toutes les lunettes de Premier League. À contre-cœur mais avec raison, Didier Deschamps est bien obligé d’offrir une dernière chance au Londonien, surtout qu’il faut bien compenser l’absence de Karim Benzema et Mathieu Valbuena. Et cette fois-ci, Payet ne laisse pas passer sa chance.
Avec son très bon match contre les Pays-Bas et son coup franc magistral contre la Russie, il se crée une place dans le groupe France au dernier moment. Juste avant l’Euro, grâce à un autre coup franc de grande classe, contre le Cameroun cette fois-ci, il se crée une place dans le onze de départ de l’équipe de France. Et lors de ce match d’ouverture si compliqué contre la Roumanie, il se crée un statut d’homme providentiel des Bleus, à coups de dribbles, de passe décisive et de grosse patate du gauche. Aujourd’hui, ce n’est pas le même Dimitri Payet qui affronte l’Albanie. Patrice Évra, qui avait aussi été dur à son égard, a parfaitement résumé la transformation de l’ancien Marseillais. « Dimi, je le chambre souvent avec son match amical contre l’Albanie juste avant les vacances. Maintenant, c’est le vrai Dimi, le Dimi qu’on aime, celui qu’on a vu à West Ham. Je pense qu’aller en Angleterre, ça lui a fait du bien. Il sait que c’est un joueur important pour l’équipe. » Dimi en a fait du chemin en un an.
Par Kevin Charnay
Propos de Moussa Sissoko et Patrice Évra recueillis par Thomas Pitrel