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Paulu-Santu Parigi : « Les victimes de Furiani ont leur dignité et sont honorées comme il se doit »
29 ans après la tragédie de Furiani, le Sénat a approuvé ce jeudi le gel des rencontres de football professionnel en France le 5 mai (à l’exception des Coupes d’Europe). Entretien avec Paulu-Santu Parigi (Paul-Toussaint Parigi en VF), sénateur de la Haute-Corse, porteur de cette proposition de loi.
Comment s’est passée la séance ce jeudi ?D’abord, c’est beaucoup d’émotion. La séance s’est très bien passée. Il y avait déjà une tendance qui s’était dessinée ces derniers jours, donc on savait bien que tous les groupes répondraient de manière positive, ou alors nous ont fait savoir qu’ils ne voteraient pas contre. Après, on ne peut pas empêcher la démocratie de parler, donc il y a eu une voix contre. Il y a eu un travail avec tous les groupes. Il n’y a pas de récupération politique d’un moment ou d’une douleur comme celle-là. Aujourd’hui, on n’est plus dans la communication, mais dans la commémoration. Ce n’est pas fini puisqu’il faudra réfléchir à comment commémorer cette journée.
Depuis quand c’est dans les tuyaux ? Depuis l’an dernier. La loi a été proposée à l’Assemblée nationale par Michel Castellani, député du groupe Libertés et Territoires.
Ça fait bientôt 30 ans et il n’y avait jamais eu de proposition de loi ?Je crois qu’il y a eu une fois, en 30 ans, le report des matchs le 5 mai. Mais pour le reste, en général, pas grand-chose n’a été fait.
Pourquoi interdire les matchs le 5 mai, plutôt que de laisser jouer ? Comme en Angleterre le 15 avril avec le drame d’Hillsborough.Interdire les rencontres n’est pas le terme. C’est plutôt ne pas faire la fête au moment où s’est passé le plus grand drame du sport français, et du foot en particulier. Voilà pourquoi on gèle les matchs.
Est-ce vrai que la LFP et la FFF n’ont pas été très coopératives ? C’est toujours la même problématique. Ce qui est indécent de leur part, c’est de ne pas trouver de solution. C’est bien de nous dire « on n’est pas d’accord, c’est pas comme ça qu’il faut faire », mais… Ça fait trente ans que ça dure, c’est eux qui auraient dû prendre leurs responsabilités pour commémorer cet événement comme il le fallait. Ils ne l’ont pas fait, alors la loi s’est substituée à leurs capacités.
Vous avez peur qu’ils ne respectent pas la loi, puisque aucune sanction n’est prévue ? On ne pense pas qu’il y ait besoin de mettre des sanctions. Mais la loi c’est loi, ils auront un rappel à la loi.
Certains opposants pensent qu’on légifère trop. Qu’en pensez-vous ? Je ne peux pas être complètement contre au départ, si cela s’était passé il y a 25 ou 28 ans… Maintenant, on ne peut pas encore repousser cette commémoration. Aujourd’hui, je crois que les victimes de Furiani ont leur dignité et sont honorées comme il se doit.
Personnellement, que représente Furiani pour vous ? Pour moi, ce sera un souvenir qui ne s’effacera jamais. Je peux dire ce que je faisais à ce moment-là, où j’étais…
Vous étiez où ? J’étais à la maison, et je regardais le match à la télévision, mais sans écouter les commentaires de la télé. Donc j’avais la radio qui était allumée et je regardais les images. Et j’ai entendu la radio qui s’est arrêtée. Tous ceux qui animaient RCFM ce jour-là venaient de tomber. Je n’ai d’abord pas compris pourquoi je n’avais plus de son à la radio, puis j’ai vu les images sur mon écran et j’ai compris que quelque chose venait de se passer.
Vous avez perdu des proches ce jour-là ? Oui, j’en ai perdu. Et puis j’ai beaucoup d’amis et de parents qui sont meurtris dans leur chair, qui sont blessés.
Est-ce le fameux « argent roi » qui a tué les 19 victimes de la catastrophe ? J’ai entendu quelqu’un dire que ce n’était pas tout à fait ça… Mais bien sûr que c’est ça ! Il y avait 6000 places possibles pour cette rencontre, on est passés, je crois, à 18 000. C’est inconcevable quand on connaît la structure du stade de Furiani. On a dépassé toutes les mesures de sécurité possibles. Ce qui devait arriver arriva. Oui c’est l’argent roi, oui c’est le profit immédiat, oui c’est le foot qui fait de l’argent, du business.
Propos recueillis par Léo Tourbe, au Sénat