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Paulo Wanchope la porte
La vidéo de son match de boxe en plein stade a fait le tour du monde, l'obligeant à démissionner de son poste de sélectionneur du Costa Rica. Une geste fou qui trouve peut-être son écho dans la carrière de joueur de Paulo Wanchope : un combat permanent.
La vidéo fait le buzz et, le pire, c’est qu’elle est de bonne qualité. Sur cette bande passante que Youtube ne cesse de mettre en boucle depuis trois jours, Paulo César Wanchope, sélectionneur du Costa Rica depuis sept mois, est de dos. Devant lui, sur la pelouse du stade Maracaná de Panama City, se déroule une rencontre de qualification pour les JO 2016 de Rio entre l’équipe locale panaméenne et les jeunes du Costa Rica. Alors que l’arbitre siffle la fin du match, l’entraîneur de la Sele agrippe la barrière de sécurité qui le sépare du terrain et tente le passage en force, selon toute vraisemblance pour toucher deux mots de sa performance à l’homme en noir du jour. Sur son trajet, l’homme bouscule un agent de sécurité, tire en force sur le portique et trébuche sur un ramasseur de balle, poussé par le veilleur en question. Il se retourne, soulève un bras droit tranquillement lové dans les plis de son polo blanc et assène une bonne claque sur le crâne rasé du petit homme de sécurité : Wanchope vient de signer la fin de son aventure à la tête de la sélection nationale et démissionnera le lendemain. Mais qui est exactement cet immense gus aux grands segments qui étonne le monde du football depuis la diffusion de l’incident ? Une seule certitude, si certains le découvrent tout juste, il est une idole dans son pays : le deuxième meilleur buteur de l’histoire, très précisément, et un attaquant au CV impressionnant, passé à Heredanio et au Tokyo FC, avec des détours par Málaga et Manchester City.
Surnommé Le Cobra pour son agressivité
En 2006, Wanchope a 30 ans. Déjà considéré comme l’un des meilleurs attaquant de l’histoire la sélection costaricaine avec 43 buts en 67 matchs, il est au coude-à-coude avec les 42 pions de Rolando Fonseca pour le titre ultime. Autant dire que lorsque Wanchope inscrit un doublé contre l’Allemagne en match d’ouverture de la Coupe du monde (défaite 4-2 au final, ndlr), plus grand monde ne doute de ses capacités à distancer son compatriote, non retenu par le sélectionneur Alexandre Guimarães. Mais, ce doublé, le seul de l’histoire des Ticos en Mondial, sera le dernier. Plus aucun but en deux ans et durant les cinq sélections suivantes, la faute à un corps fragilisé par les blessures. Pire, Rolando Fonseca profite de son absence pour asseoir sa position de titulaire et empocher le record absolu du pays avec 47 réalisations, soit deux de plus que le malheureux Paulo.
En 2006, Wanchope a donc 30 ans, et décide de revenir au club qui l’a vu naître, le Club Sport Herediano. C’est en 1994 que le gamin débarque dans ce club majeur du quartier de San Francisco, à Heredia, à 10km au Nord de San José, capitale du Costa Rica. Il reste là-bas deux ans avant de s’envoler pour l’Angleterre de Derby County à la vingtaine, pour lequel il dispute 72 matchs et score 23 fois. Remarqué à l’entraînement pour ses qualités de vitesse et son jeu rugueux qui convient parfaitement au championnat local, Chope va trouver le moyen de fêter son premier match en Angleterre en inscrivant un but mémorable pour les supporters du club. Le 2 juillet 2009, un sondage réalisé dans les travées du Pride Park Stadium recense les dix plus beaux buts de l’histoire : surprise, Wan-chope la première place avec 40% des voix et un rush en solo contre Manchester United en 1997 qui permit au club de s’imposer 3-2 dans un match sans enjeux. En tout cas, à en déduire de l’implication des défenseurs mancuniens…
À jouer au dur, le genou de Paulo n’a pas tenu…
S’en suivent un départ pour West Ham puis Manchester City au changement de millénaire, une période durant laquelle on peut distinguer les prémices de son coup de sang de mercredi dernier. Au cours de la Copa América 2001 où le pays perd en quarts de finale 2-1 face à l’Uruguay – malgré un but de Wanchope – il est progressivement surnommé « Le Cobra » par la presse colombienne pour sa rapidité et son agressivité. Déjà, à l’époque, c’est son caractère fougueux qui ressort, lui octroyant les éloges des analystes qui déplorent la descente de City en Division One. Seulement, un tel jeu de tank lui donne de plus en plus mal au genou et le bonhomme se fait opérer cinq fois pour des lésions à répétition. C’est un dur au mal, le Paulo. Un gamin élevé dans les montagnes du Costa Rica et qui loupe l’ensemble de la saison 2002-2003, la faute, cette fois-ci, à une blessure à l’épaule droite qui ne se remet pas. Au mental, il revient pour une dernière saison chez les Citizens qui lui permet de se faire remarquer par Málaga. Il se fait enrôler pour un demi-million d’euros en 2004.
La suite ? Un parcours de globe-trotter diront certains, de combattant pour les autres. Al-Gharafa, Herediano de nouveau, Rosario Central, le FC Tokyo et les Chicago Fire, soit cinq piges à moitié réussies en deux ans, qui lui forgent une réputation de gars solide, dévoué mais inconstant. Avant de mettre fin à sa carrière à 31 ans, en 2008. Voilà peut-être pourquoi Paulo Wanchope a dégoupillé au stade Maracaná. Parce que cette sélection costaricaine placée fin janvier entre ses mains rugueuses, était enfin une récompense à la hauteur de l’investissement physique et psychologique que le joueur aura consenti durant toute sa carrière. Un type pour qui la patrie représente beaucoup et qui avait placé beaucoup d’espoir dans un job qui lui donnait tout : le football, la passion et la reconnaissance du peuple. Oui, voilà peut-être pourquoi Paulo Wanchope a pété une durite au stade Maracaná, tout floué qu’il se sentait. Comble pour le Cobra, sa réplique ne paraît pas bien forte après l’assaut du petit garde. Définitivement, le pire est peut-être là : que la vidéo soit de bonne qualité.
Par Théo Denmat