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Paulo Fonseca, les premières pierres

Par Maxime Brigand
Paulo Fonseca, les premières pierres

Victorieuse du Napoli samedi, la Roma a grimpé ce week-end sur le podium de Serie A, mais a surtout confirmé que les travaux opérés par Fonseca avancent bien. Point de chantier.

Alors, Paulo, ta Roma est-elle sur la bonne voie ? Pas d’inquiétudes à avoir : la réponse est oui. Mais, pas d’emballement, surtout. « Une équipe est un produit qui n’est jamais fini, a averti Paulo Fonseca samedi, quelques minutes après avoir déshabillé le Napoli (2-1). Aujourd’hui, nous devons continuer à apprendre, penser au prochain match, parce que nous n’avons encore rien gagné. C’est vrai que nous avons fait un bon match et gagné contre une belle équipe, mais je le répète : nous n’avons rien fait. » Fonseca n’a pas tort : en battant Naples, sa Roma n’a remporté qu’une sixième victoire cette saison – soit autant que Cagliari, l’Atalanta ou la Lazio – et a simplement confirmé, dans l’approche, certaines séquences vues face au Milan (2-1) et la bonne copie rendue lors de la démolition de l’Udinese (0-4) cette semaine. « Gagner ne suffit pas » , répète sans cesse le technicien portugais, arrivé à Rome cet été et justement attendu au tournant sur le contenu : c’est là-dessus qu’il demande avant tout à être jugé, lui qui a toujours défendu une approche « optimiste » du foot et n’a jamais caché s’être royalement emmerdé devant la Coupe du monde 2018. Alors, en arrivant en Italie en juin, Paulo Fonseca avait fait une promesse aux supporters de la Roma : ramener dans la capitale « une équipe courageuse, joueuse, dynamique, travailleuse, à l’image de ses fidèles » . Et, après quelques rencontres à tâtonner, un sentiment se dégage progressivement au-dessus de cette équipe : oui, les joueurs de la Roma commencent à être inspirés par une même musique et réussissent progressivement à jouer une bonne chanson. Décryptage de cet orchestre en cours de création.

Une Louve qui sait étouffer

C’est le premier niveau de la fusée sur laquelle travaille Fonseca depuis maintenant un peu moins de cinq mois : le Portugais n’aura eu besoin que de quelques semaines de compétition pour réinstaller la structure défensive qui avait parfaitement fonctionné sous ses ordres au Shakhtar. À savoir un bloc compact, tenu par une ligne de quatre souvent placée très haut sur le terrain, et qui force l’adversaire à écarter au maximum.

Structure défensive du Shakhtar de Paulo Fonseca. Un 4-4-2, avec des lignes très rapprochées et une animation qui empêche l’adversaire de se trouver dans le cœur du jeu. Ainsi, l’adversaire est repoussé à l’extérieur du bloc défensif et ne peut quasiment jamais le pénétrer.

Structure défensive de la Roma de Fonseca. Toujours un 4-4-2, avec Džeko et Pastore en premier rideau, Zaniolo et Kluivert derrière qui recentrent, puis une ligne défensive très haute. Cette approche est notamment parfaite face au Napoli, qui cherche avant tout à progresser via des passes verticales effectuées dans l’axe.

La Roma cadre ainsi l’adversaire en 1v1 et lui impose un pressing très haut, souvent déclenché lorsque celui-ci s’approche de la ligne médiane. Fonseca demande rarement à ses équipes de harceler l’adversaire dès la surface de réparation, mais cherche avant tout à l’empêcher de progresser.

Face au Napoli, privé d’Allan, ce qui n’est quand même pas rien, la Roma l’a très bien fait lors des vingt-cinq premières minutes, soit jusqu’au penalty raté par Kolarov, qui a été un vrai tournant dans la copie romaine. Durant cette période, on a alors vu une Roma conquérante (60% de possession de balle), précise (85% de passes réussies), offensive et défensivement au poil, Naples ne parvenant alors pas à pénétrer dans la surface de la Roma grâce notamment à l’efficacité du pressing de la paire de latéraux de Fonseca (Spinazzola et Kolarov) sur Insigne et Callejón, mais aussi à l’excellent début de match (encore) de Chris Smalling, toujours intouchable cette saison (100% de tacles réussis, jamais dribblé). Reste maintenant à maintenir une telle intensité sur la durée.

Mancini, la tour de Fonseca

Second niveau de la fusée : les sorties de balle, et donc la capacité de cette équipe à s’extraire du pressing adverse, ce qu’elle ne peine quasiment jamais à faire depuis le début de saison. Celui du Milan avait été facilement annihilé, celui du Napoli n’aura pas non plus posé énormément de problèmes à la Roma. Pourquoi ? Car Fonseca est dans la recherche constante de la supériorité numérique, une arme classique – que Guardiola utilise notamment très bien – avec laquelle ses équipes remontent souvent facilement le terrain. Et pour y arriver, le Portugais demande alors à l’un de ses milieux (très souvent Mancini, parfois Veretout) de venir s’insérer entre les deux centraux, afin d’offrir une rampe supplémentaire, mais aussi de permettre aux latéraux d’être rapidement trouvés afin de faire grimper le bloc.

Ici, Mancini vient se glisser entre Smalling et Çetin. Spinazzola est déjà presque au niveau de la ligne médiane, alors que Kolarov est sur la ligne de Veretout.

Dès que la première relance est assurée, la Roma se retrouve alors en supériorité numérique au milieu – souvent à 6 têtes – et peut rapidement construire dans le cœur du jeu, tout en ayant la possibilité d’écarter avec Kolarov et Spinazzola. Face à Naples, les deux latéraux ont été énormément utilisés (61 ballons pour Spinazzola, 62 pour Kolarov) et Mancini a de nouveau brillé (60 ballons touchés, une passe-clé, 100% de tacles réussis). Pour bien comprendre son rôle, il suffit par exemple de revoir le but de Zaniolo, au début duquel Pastore décroche – lorsque Mancini se met entre Smalling et Çetin, Javier Pastore vient souvent compenser aux côtés de Veretout -, Mancini est trouvé avant de lancer Spinazzola en profondeur, qui n’a plus qu’à décaler Zaniolo en retrait. La connexion Mancini-Spinazzola a d’ailleurs fonctionné à plusieurs reprises face au Napoli. Mais elle est également dépendante d’autres réussites.

Et devant, ça fonctionne comment ?

De celle de Veretout, déjà, qui semble devenir au fil des rencontres le nouveau Nainggolan de la Roma. Face au Napoli, le Français a de nouveau été partout et a parfaitement lubrifié les transitions romaines (55 ballons touchés, 92% passes réussies), tout en excellant dans le jeu long. Cette saison, le vrai indispensable de Fonseca s’appelle bien Jordan. Mais l’autre indispensable pourrait aussi s’appeler… Javier Pastore, dont la copie du week-end a été plus que convaincante. Comme à ses belles heures, l’ancien joueur du PSG a passé son après-midi entre l’attaque et le milieu, très souvent sur le côté, toujours à la recherche et ça a fonctionné.

Map des ballons touchés (68) par Javier Pastore face au Napoli. Il a été le joueur le plus touché de la Roma, avec une grosse influence sur la possession de la Roma (5,5%) et une dizaine de ballons récupérés.

Le plus souvent, Javier Pastore vient se situer aux côtés de Veretout alors que Justin Kluivert vient s’installer à proximité d’Edin Džeko. Fonseca place ainsi ses joueurs les plus influents dans le cœur du jeu.

Javier Pastore redescend parfois au niveau de sa propre surface pour lancer les mouvements romains. Il n’a quasiment jamais occupé sa position initiale, exceptée sur les phases défensives.

Sortant à plusieurs reprises du cadre, Pastore permet d’équilibrer cette Roma, mais aussi de la diversifier. Ainsi, la bande de Fonseca peut lancer ses circuits de plus bas alors que Zaniolo et Kluivert se recentrent sur les flancs de Džeko (qui s’écarte aussi plus souvent qu’avant) selon le schéma suivant.

L’objectif permanent est de créer une supériorité numérique entre le deuxième et le troisième rideau défensif adverse (Source schéma : TotalFootballAnalysis).

Face au Milan, cette approche avait été relativement mise en échec car Diego Perotti ne compensait que très peu les mouvements de Pastore et parce que Kolarov ne jouait pas assez haut. Résultat : à plusieurs reprises, la Roma se retrouvait dans une situation numérique impossible à résoudre (des attaques souvent à 2 contre 7, où Zaniolo et Džeko se fracassaient systématiquement le bec). Samedi, cela a mieux fonctionné, mais Fonseca a encore du boulot, l’actuel troisième de Serie A ne parvenant que trop rarement à combiner dans la surface adverse (4 passes réussies dans la surface du Milan, 6 dans celle du Napoli samedi… sur 18 tentatives) et à maintenir l’intensité sur toute la durée d’une rencontre. Ce problème était il y a encore quelques jours aussi celui de Zaniolo, buteur et excellent ce week-end. Piqué récemment par Capello, le bijou romain a parfaitement répondu face au Napoli et a assuré défensivement, ce qui n’avait pas été le cas lors de la réception du Milan. Comme son équipe, le jeune espoir n’est pas un produit fini et c’est peut-être le signe le plus positif aujourd’hui : cette Roma avance, elle avance bien, dans son coin, et est désormais troisième de Serie A. Work in progress, mais potentielle grosse machine en devenir.

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