Raconte-nous tes débuts. Le football, quand t’étais un gamin, ça représentait quoi ?
Quand j’étais gamin, je jouais dans un petit club près de chez moi, dans le village de Laguna Larga. Puis, de 10 à 15 ans, j’ai commencé à jouer pour Instituto de Córdoba. Il fallait m’accompagner à l’entraînement tous les jours en voiture après l’école. Normalement, mon père conduisait. Mais parfois, il fallait demander à d’autres, donc c’est devenu un peu sérieux. Puis mon père est décédé quand j’avais 15 ans, et c’est à ce moment-là que le club Instituto a construit une pension complète pour les jeunes du club. Donc j’ai déménagé à Córdoba. Avant, le foot n’était qu’un jeu, je jouais pour m’amuser. Là, c’est devenu un objectif, je voulais devenir pro. Le rêve de mon père était d’avoir un fils footballeur. Mes frères n’ont pas réussi, alors je devais le faire, c’était une obligation.
Quand on t’a présenté l’offre de Palerme, tu n’avais joué qu’une saison en deuxième division. Qu’est-ce que tu t’es dit ?
Aller en Europe, c’était quelque chose d’énorme, complètement inespéré. Je me suis dit que le train n’allait pas passer beaucoup de fois, et je suis parti tout de suite, sans regret. Mais en vrai, tout est allé hyper vite… C’était impossible de prévoir tout ça. J’ai débuté ma première saison en août, et j’ai rapidement battu quelques records (plus jeune titulaire depuis Kempes, plus jeune joueur à marquer un triplé, six matchs consécutifs en marquant, ndlr). Du coup, mon nom a commencé à sortir dans la presse. Et puis on a fait une saison incroyable, donc des gens ont commencé à appeler, à se rapprocher. Il y a eu très vite beaucoup d’argent en jeu, c’était fou. Ce n’était pas facile à comprendre, que du jour au lendemain les meilleurs clubs du monde s’intéressaient à moi, alors que je jouais encore à Córdoba, en deuxième division. À 17, 18 ans, c’est dur à gérer. Heureusement, je me suis concentré sur mon travail, sur le football, et par chance j’ai pu me rapprocher beaucoup de ma famille à cette époque. Mon coach, Dario Franco, m’a aussi beaucoup aidé à garder les pieds sur terre, tout comme mes coéquipiers.
Finalement, vous échouez aux portes de la promotion en première division…
La fin de saison a été tragique. On avait fait une saison géniale. D’après moi, on avait joué le meilleur football de toute la division, mais bon c’est de la malchance. Tout devait être historique… Encore aujourd’hui, mon cœur n’a pas réussi à oublier. Moi, j’étais fan de Boca Juniors quand j’étais petit, comme mon papa. Mais quand j’ai commencé à vivre au club, je suis tombé amoureux d’Instituto. C’est mon club, je suis tous les résultats. Ici à Palerme, Franco Vázquez vient aussi de Córdoba, mais il est fan de Belgrano. On se charrie beaucoup par rapport à ça (rires). Parce que même si Belgrano est en première division, Instituto a toujours été plus grand historiquement. Et on va revenir !
Javier Pastore vient aussi de Córdoba, mais il a été formé à Talleres. Comment t’expliques le succès de la filière cordobesa de Palerme ?
Je ne sais pas si c’est un hasard ou de la chance. Mais c’est vrai qu’avec Pastore, Vázquez et moi, ils sont assez contents de ce qu’ils ont trouvé à Córdoba (rires). Ce qui est drôle, c’est qu’on vient tous les trois de trois équipes différentes. En fait, il y a une logique : le caractère des Cordobéses est très tranquille, très posé, et Palerme du coup était la destination idéale parce que je savais que là-bas, j’allais pouvoir apprendre et vivre une vie tranquille. Je ne sais pas si le club avait pris ça en compte, mais à mon âge, c’était important. Et puis, Palerme est le club qui m’a donné le plus de confiance, ils me voulaient vraiment. La preuve, on est descendus en Serie B, et le club m’a toujours soutenu. Aujourd’hui, j’ai fait le bon choix, non ?
Et tu voulais spécifiquement aller en Italie ?
Quand j’étais plus petit, je suivais tous les championnats. Je jouais à la Play, alors forcément, je prenais des équipes italiennes, mais aussi les autres. J’aime bien tous les championnats, car ils ont tous quelque chose de différent. En Espagne, on joue bien. En Angleterre, on attaque beaucoup. Mais peut-être que le championnat italien est celui qui se rapproche le plus de l’argentin, pour le peu d’espaces qu’il y a, et l’importance de la tactique… Si on est si nombreux, je pense que c’est parce que l’Italie va chercher des joueurs très jeunes à cause de la situation économique du championnat. Et les clubs italiens savent que l’Argentine est un réservoir de talents. Dans l’autre sens, pour les Argentins, c’est facile de s’adapter. Au début, il y a le problème de la langue, mais ça va vite. Aujourd’hui, à Palerme, je me sens comme en Argentine.
C’est quoi le plus dur pour un attaquant, l’Italie ou l’Argentine ?
La Serie A, c’est l’un des championnats les plus durs au monde, ça ne fait aucun doute. Par rapport à l’Argentine, il y a d’abord un gros changement sur la qualité des joueurs que tu affrontes. Chiellini, Bonucci, Ranocchia, Juan Jesus, Mexès, ce sont des défenseurs très durs. Tu reçois aussi beaucoup de coups en Italie, mais en venant de la seconde division argentine, j’étais plutôt habitué on peut dire !
Sur quels secteurs as-tu eu besoin de progresser pour t’adapter ?
Techniquement, j’ai appris à bien défendre mon ballon, à le protéger, et ça m’a permis cette saison de savoir me tourner vers le but pour faire face au jeu. Je peux utiliser ma vitesse pour faire la différence. Ma première saison, j’avais des difficultés. Et c’est très important ici pour un attaquant, car les entraîneurs ont peur que tu perdes la balle dans une zone dangereuse. C’est donc aussi un apprentissage tactique : tu ne peux pas dribbler n’importe où en Italie. Et tactiquement, il a fallu que je sois plus rigoureux aussi, dans la gestion de mes efforts. Physiquement, quand je suis arrivé, on m’a dit que j’allais devoir bosser très dur en salle de musculation pour prendre du muscle et être plus fort. Mais ils ne m’ont jamais obligé à le faire. D’ailleurs, quand Gattuso était là, il me disait même de ne travailler que sur l’explosivité du bas du corps, et de laisser tomber les poids pour le haut du corps. Car pour mon jeu, passer des heures dans la salle de musculation est inutile. Je n’ai donc jamais dû changer mon jeu pour l’Italie.
Javier Pastore avait pu prendre son temps pour s’adapter au championnat italien à Palerme. Donc je n’avais pas peur de ne pas marquer beaucoup de buts dès le départ.
Et dans ta préparation au quotidien ?
La plus grande différence, c’est clairement dans les détails de la vie de tous les jours. En Argentine, je mangeais de la viande, beaucoup de fritures, je buvais du Coca-Cola, je ne faisais pas attention, comme n’importe quel gamin quoi. Ici, j’ai un nutritionniste qui vérifie mon poids tous les jours, qui prépare un régime alimentaire pour chaque joueur. Heureusement que la viande en Italie n’a rien à voir avec la viande argentine, sinon ça aurait été très difficile !
Finalement, la relégation en Serie B t’a donné le temps de progresser, non ?
La relégation a été un coup dur, mais en Serie B, j’ai été encore plus tranquille pour m’adapter, travailler et apprendre à connaître le football italien. Mais ce n’est pas que le niveau de la division. La première année, on a changé cinq fois d’entraîneur. Quand Iachini est arrivé, il m’a donné immédiatement sa confiance. Et avec lui, j’ai toujours joué. Tout est plus facile quand tu as de la continuité.
Est-ce qu’il t’est arrivé de douter de ton niveau ? (3 buts seulement pour sa première saison, puis 5 en deuxième division, ndlr)
Beaucoup de monde a parlé du prix de mon transfert. Moi, je m’en fichais, mais je ne pouvais pas m’empêcher de l’entendre. Mais aujourd’hui, les gens qui disaient que Palerme avait dépensé 12 millions d’euros pour un joueur sans valeur, je pense qu’ils regrettent, non ? En fait, j’avais vu que malgré sa super saison en Argentine, Javier Pastore avait pu prendre son temps pour s’adapter au championnat italien à Palerme. Donc je n’avais pas peur de ne pas marquer beaucoup de buts dès le départ. Je savais que ça allait venir si je travaillais. Et que le club allait me soutenir. Si j’en suis là, c’est grâce à Palerme.
C’est quoi, ta position préférée sur le terrain ?
Mon poste, c’est de jouer près du but. À Palerme, je joue seul en attaque avec Franco Vázquez autour de moi en « enganche » (meneur de jeu, ndlr). On aime bien jouer comme ça parce qu’on peut se suivre sur le terrain, on se connaît très bien. Je sais que mon physique n’est pas habituel pour un avant-centre, parce qu’ils sont souvent plus grands, mais ils ne sont peut-être pas aussi techniques. Quand j’ai commencé à cette position à Instituto, grâce à Dario Franco, personne ne pensait que ça allait marcher. Mon modèle, c’est Messi. Parce que c’est le meilleur joueur du monde. Mais quand j’étais petit, j’observais beaucoup ce que faisaient Riquelme et Ronaldinho.
On a beaucoup parlé de toi pour la sélection italienne. Où en es-tu ?
Je l’ai toujours dit, je me sens argentin et rien de plus. Je n’ai qu’un seul rêve, et c’est de jouer avec la sélection argentine. Je ne sais pas pourquoi tout le monde en a parlé autant, mais je ne jouerai jamais pour un autre pays.
Ton coéquipier et compatriote Franco Vázquez dit qu’il serait « honoré » de jouer pour l’Italie…
Pour Vázquez, c’est différent, la famille de sa mère est italienne. Et il est plus âgé que moi, donc pour sa carrière, ce serait un bond intéressant.
Si tu dois choisir, tu prends un club qui joue la Ligue des champions ou une convocation avec l’Argentine ?
(rires) Je veux les deux ! Si je joue en Ligue des champions, c’est sûr que j’aurai plus de chance de jouer en Sélection. Mais ce serait un manque de respect vis-à-vis de Palerme de dire que je veux autre chose, je suis très heureux de ma situation en Sicile et surtout concentré sur notre saison. On a encore plein de choses à montrer.
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