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Paulinho et la perte de l’ADN Barça
Paulinho et sa réputation de boucher débarquent au Barça. En provenance de Chine et pour 40 millions d'euros. C'est officiellement la fin du monde. Ou en tout cas la fin d'une certaine idée du Barça, qui a décidé que la quatrième recrue la plus onéreuse de son histoire allait être un homme qui avait été élu pire joueur de l'histoire de Tottenham par les fans des Spurs.
Les 89 000 spectateurs présents dimanche soir au Camp Nou – dont plus de la moitié de touristes – sont repartis plutôt déçus par la performance du Barça, capable de ne marquer que sur un penalty (inexistant) et coincé dans un grand embouteillage dans un milieu de terrain où Isco et Kovačić ont avalé Iniesta et Rakitić. Mais, au-delà du résultat négatif, le onze blaugrana a noté le manque d’un joueur déstabilisant comme Neymar, remplacé par un Deulofeu très timide, et l’absence d’un meneur de jeu comme Verratti, désiré, mais pas obtenu. Devant ce constat, l’imminente arrivée de Paulinho, un milieu de terrain défensif incapable d’entamer des actions verticales, ne semble pas une solution pour le jeu du Barça. Tout est de la faute de Neymar.
Effet domino
Le départ du Brésilien vers le Paris Saint-Germain a donné lieu à un effet domino assez spectaculaire. À la recherche d’un élément capable de révolutionner leur attaque, les Catalans ont jeté leur dévolu sur Coutinho et Dembélé. Mais, pendant que les deux attaquants font la gueule chez leur équipe respective, le supporter du Barça se cache pour énumérer ses recrues : Semedo, latéral portugais débarqué du Benfica Lisbonne, et Paulinho, donc…
Le Brésilien, qui a joué les deux dernières saisons en Chine sous les couleurs du Guangzhou Evergrande, était déjà dans le radar du Barça il y a quelques mois. La possibilité de sa venue résultait du désir de Neymar de voir débarquer des compatriotes dans un vestiaire où il se sentait un peu seul depuis les départs de Dani Alves et Adriano. Mais maintenant que Neymar n’est plus là, les socios et supporters se demandent l’utilité d’acheter Paulinho, un joueur de 29 ans qui coûte 40 millions d’euros et n’est pas du tout doté de l’ADN Barça, autrement dit de cette sensibilité spéciale pour le ballon et le jeu créatif. Un type de footballeur tout à fait différent d’Isco, qui pouvait arriver au Barça il y a quatre ans pour 25 millions, ou même d’Asensio, pour lequel l’ancien directeur sportif Andoni Zubizarreta n’avait pas voulu payer les 4,5 millions de clause fixés par Majorque à l’été 2014.
Les valeurs perdues
Après avoir perdu Neymar et échoué à attraper Verratti, le Barça s’est donc trouvé dans un cul de sac où il est devenu esclave de l’argent reçu pour la vente du Brésilien. Concrètement, le monde est au courant que le Barça possède une sacrée liasse dans sa poche et une nécessité de recruter tout aussi importante. Reste plus qu’à savoir comment dépenser ses billets. Il y a quelques jours, Xavi Hernández, dont tous les mots sont sacrés dans la sphère blaugrana, avait affirmé que le Niçois Jean-Michaël Seri serait une superbe acquisition, car il avait en lui cet ADN Barça dans les veines. Mais, inexplicablement, les dirigeants du club catalan n’ont fait aucun effort pour recruter le milieu de terrain ivoirien, qui pourrait parfaitement servir d’alternative à Iniesta ou Rakitić, tandis que Paulinho n’a pas le bagage nécessaire pour être substitué à Busquets.
Les dirigeants du Barça ne semblent pas se rendre compte qu’il faut absolument renforcer le secteur clé du jeu de l’équipe. D’autant qu’avec Ernesto Valverde sur le banc, le jeu du Barça a pour ambition de se rapprocher de la philosophie de Guardiola et de s’éloigner de celle de Luis Enrique. Le symbole d’engager un joueur du profil de Paulinho comme première recrue post-Neymar est déroutant. Toutefois, le président Josep María Bartomeu et le directeur sportif Robert Fernandez ne perdent pas de vue l’objectif de remplacer Neymar par un joueur pétillant et futuriste, comme Ousmane Dembélé ou Philippe Coutinho.
Entraînements ratés et prix qui montent
L’ancien ailier du Stade rennais est le premier choix pour succéder à Neymar. Mais le Borussia Dortmund ne semble pas prêt à brader sa perle. Dembélé, ravi de l’intérêt du Barça, a donné un signal de malaise en ratant un entraînement la semaine passée. Le club allemand, qui a sanctionné ce comportement d’une amende, est conscient de l’épaisseur du portefeuille catalan et compte bien récupérer une partie des 222 millions d’euros récupérés grâce à Neymar. On parle aujourd’hui de 100 millions plus des bonus.
La piste menant à Coutinho, qui aurait déjà trouvé un accord avec le Barça, fait également sens. Le joueur de Liverpool, même nationalité et même âge que Neymar (25 ans), présente – au-delà de son talent évident – l’avantage de la polyvalence, puisqu’il peut autant remplacer Iniesta au milieu de terrain qu’agir en tant qu’ailier gauche. Pour l’instant, rien ne bouge, mais Coutinho n’a pas joué le dernier match face à Watford (3-3) pour un mal de dos, et Jürgen Klopp ne l’a pas retenu pour le barrage de Ligue des champions que les Reds disputent ce mardi soir à Hoffenheim. Une manière de faire comprendre qu’il n’a pas besoin d’attendre son départ en Espagne pour composer sans lui.
Dans les cas Dembélé comme Coutinho, le Barça attend en sachant que plus les aiguilles tournent, plus le prix augmente. À une époque où le FC Barcelone a déploré le comportement de Neymar et de son entourage, il est en passe d’oublier que cette attitude qui semblait lui tenir à cœur est la même chez Ousmane Dembélé et Philippe Coutinho, encore un peu plus habiles dans l’exercice du bras de fer. Le Barça est en train de tourner une page et, en recrutant des joueurs qui ont déjà éclos au grand jour, confirment qu’il s’appuie de moins en moins sur la cantera. Dans ce tableau sombre où gronde l’incertitude, Lionel Messi, qui a renouvelé son contrat jusqu’en 2021, apparaît comme la seule éclaircie. Seulement si on oublie que l’Argentin a 30 ans et que le temps finira lui aussi par l’avoir.
Par Antonio Moschella